f 1^ co Marc BLOCH •il DOCTE! R KS-LETTRES ANCIEN KLÈVE DE l'ÉCOLE NORMALE SUPERIEURE CHARGÉ DE COURS A l'uNIVERSITÉ DE STRASBOURG ROIS ET SERFS UN CHAPITRE D HISTOIRE CAPETIENNE PARIS LIBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION EDOUARD CHAMPION 5 , QUAI M A L A Q U A I S , 5 192U -'^t: — **iL'*r.'^i «^. ■#'Twr.'y..V" Marc BLOCH ^^CI^^• klèye de i.'ii.ioi-i: :«ormale sui-iîrieuue CHARi. li 11 E COURS A l'lMVEKSITÉ de STRASBOURG ROIS ET SERFS UN CHAPITRE d'histoire CAPETIENNE PARIS LlBRAlPvIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION EDOUARD CHAMPION 5, Ol AI MALAQIAIS, 5 1920 A MON PÈRE SON ÉLÈ\E P R É F A G E Une vieille Iradilioii historique s'attache au souvenir de Louis X le Hutin et de Philippe -V le Long son frère et jette encore sur leurs noms un peu efTacés un vague éclat. Ils passent pour avoir tour à tour prescrit sur leurs terres l'afîranchisse- ment des serfs. Tel aurait été l'objet de deux " ordonnances » fameuses, datées la première du 3 juillet 1315, la seconde du 23 janvier 1318. Que ces actes, en apparence si considérables, n'aient obtenu en pratique que de médiocres résultats, nul aujourd'hui ne le conteste : le servage a subsisté sur le domaine royal bien des siècles après la mort de Phihppe le Long. Et l'on s'accorde généralement à reconnaître que des préoccupations d'ordre financier beaucoup plutôt que je ne sais quelles idées égalitaires inspirèrent les deux rois : ils ont, comme disait Mably, « fait un commerce de la liberté » ^. Mais quoi que l'on pense de leurs motifs, et de leurs succès, il demeure communé- ment admis qu'ils ont offert la franchise, sur leur domaine tout entier, à tous leurs serfs. Etudiant depuis plusieurs années le servage dans l'Ile-de- France, j'ai rencontré sur mon chemin les ordonnances libéra- trices. J'ai d'abord soumis les textes eux-mêmes à un nouvel examen. Mais j'ai bien vite reconnu que la critique des textes proprement dite ne suffisait point. Les lettres royales du 3 juil- let 1315 et du 23 janvier 1318 n'ont tant frappé les historiens que parce qu'ils leur attribuaient, à tort, une originahté qu'elles n'ont point. S'ils avaient mieux connu un certain nombre de faits, plus anciens, touchant les rapports de l'administration royale avec les serfs du domaine, ils auraient réduit ces docu- 1. Observations sur l histoire de France, éd. de 1823, t. II, p. 314. 10 PRÉFACE menls illustres à leur juste i)orlée, qui est assez mince. « Rois et Serfs )> : c'est un chapitre jusqu'ici trop négligé de l'histoire financière des Capétiens. J'ai cherché à l'écrire. On verra, je l'espère, que les actes de Louis X et de Philippe V n'y forment qu'un épisode, le plus célèbre certes, mais non pas le plus impor- tant. Depuis les premiers temps du servage, des serfs ont habité les terres de la Couronne. Les derniers d'entre eux ont vécu sous Louis XVI qui, en 1779, leur donna la liberté. Pour ré- pondre pleinement à mon titre, j'aurais dû embrasserune immense période de temps. Il va de soi que je n'y ai point songé. Mais entre quels termes chronologiques devais-je m'enfermer ? Cette question m'a paru singulièrement embarrassante. L'his- toire des institutions est faite d'une série d'évolutions continues, parfois presque insensibles. C'est une matière fluide, qui se prête mal aux moules que nous prétendons lui imposer. Néan- moins il fallait trouver des limites. Voici celles que j'ai adoptées. Comme terme final, l'avènement de la branche des Valois en 1328. Je ne me dissimule pas tout ce que l'on peut dire contre un pareil choix. Philippe VI en arrivant au trône n'a pas apporté avec lui de méthodes administratives nouvelles. Mais, du moment qu'il fallait se résigner à une démarcation artificielle, la plus simple m'a semblé la meilleure. Aussi bien présente-t-elle un avantage : le règne de Charles le Bel n'ayant été marqué, du point de vue qui nous occupe, par aucun fait notable, les lettres de Louis X et de Philippe V apparaîtront à la fin d'une étude dont le premier objet était de les expliquer. Le point de départ ou mieux les points de départ se sont offerts plus naturellement. Les rois exigeaient de leurs serfs certaines redevances ; à l'origine leurs procédés de perception ne différaient point de ceux qui étaient en usage sur les terres seigneuriales ordinaires ; ils n'ont pris un caractère particulier que depuis l'époque où s'est créée une administration plus forte et plus complexe, et vraiment royale ; le règne de Philippe- Auguste. Par ailleurs les rois concédaient des affranchissements ; PRÉFACE 1 1 or, les premiers grands acLes de liberté qu'ils ont octroyés se lient au mouvement communal, dans son plein épanouissement ; ils datent des tout derniers jours du règne de Louis VI et surtout du règne de Louis Vil. Philippe-Auguste, d'une part, Louis VI et Louis VII de l'autre se placeront donc au début des pages qu'on va lire. La politique suivie par l'administration royale vis-à-vis des serfs du domaine n'est pas demeurée toujours pareille à elle- même. Après la mort de saint Louis se sont produites des modi- fications remarquables. On inventa alors, pour tirer soit des droits serviles soit des affranchissements plus d'argent c[u' au- trefois, des méthodes entièrement nouvelles. A mesure que j'avançais dans mes recherches, cette transformation m'est apparue avec une clarté de plus en plus vive. C'est pourquoi je me suis décidé à partager mon étude en deux livres d'ailleurs très inégaux ; le premier (le plus court), s'arrête précisément à la mort de saint Louis. J'espère que les faits eux-mêmes semble- ront justifier cette division. * * * Mes sources ont été en première ligne les archives de la royauté capétienne, ou du moins ce qui en reste : le Trésor des Chartes, dont les registres réservent encore aux chercheurs tant de richesses inédites, les registres du Parlement, les débris du dépôt de la Chambre des Comptes. Je les indique ici avec une brièveté qui peut-être surprendra. Mais à quoi bon répéter, de seconde main, les renseignements cjue les érudits ne seront pas embar- rassés de trouver dans des ouvrages ou mémoires bien connus d'eux ? Ces archives, il est vrai, présentent bien des lacunes ciui tiennent tantôt à la façon dont elles nous ont été transmises, tantôt à leur nature propre ; et ces lacunes ont souvent déterminé dans le détail les limites mêmes de mon trarail. Quand on écrit une histoire telle que celle que je pré- tends raconter, il faut s'arrêter à chaque pas pour examiner les documents, comme autant de témoins suspects, afin de ne 12 PRÉFACE pas prendre leur silence, né de circonstances accidentelles, pour une preuve négative. Mais ces discussions critiques ne seraient pas à leur place dans une introduction. I^lles doivent se lier intimement au récit, qu'elles commandent ; elles apparaîtront chaque fois qu'il faudra expliquer une ignorance ou justifier une incertitude. Je ne pouvais songer à explorer de fond en comble le champ immense des sources locales. J'ai fait des sondages dans les publications imprimées, touchant les régions cjui m'ont semblé avoir particulièrement intéressé, du point de vue ([ui est le nôtre, les gens du roi. Comme dépôts d'archives, je n'ai dépouillé que ceux de l'Ile-de-France ; très riches en renseignements sur la condition des serfs en général, ils ne m'ont absolument rien donné sur les rapports des rois avec les populations ser- vîtes ^. Le travail que je présente aujourd'hui à la Sorbonne et au public avait été rédigé une première fois plusieurs années avant la guerre, mais sous une forme sensiblement différente, et beau- coup plus brève. Il ne devait alors consister qu'en une sorte d'introduction critique aux textes émanés de Louis X et de Philippe V. Surtout je ne le concevais, dans toute la force du terme, que comme une thèse complémentaire. Je comptais en effet publier en même temps, à titre de thèse principale, un •ouvrage plus vaste ciue j'intitulais en pensée : Les populations rurales de V Ile-de-France à V époque du servage. J'y aurais retracé, dans un cadre régional, l'évolution du servage telle qu'après d'assez longues recherches je suis arrivé à me la figurer. La pré- 1. .l'aurais voulu dépouiller au moins les principaux d'entre les cartulaires ou recueils de titres laissés par les chapitres ou abbajes de Laon et de Soissons. Ces églises possédaient des serfs en commun avec le roi ; elles les faisaient « exploiter » par les collecteurs royaux ; elles autorisaient (contre indemnité) les connnissaires délégués par les rois à les alîranchir. Cette co-i)ropriété a dû laisser dans les charlriers ecclésiastiques des traces, qu'il serait intéressant de relever. Malheu- reusement la plupart des manuscrits qu'il eût lalki consulter sont conservés aux Archives Départementales de l'Aisne ; l'occupation allemande a à tel point désorganisé ce dépôt que je n'ai pu obtenir communication des cotes que j'avais demandées (avril 1920). J'ai dû me borner à lire, d'ailleurs sans beaucoup de ])rofit, les cartulaires conservés aux Archives Nationales (S. Médard de Soissons. LL l'i21), à la Bibliothèque Nationale (chapitre de Soissons : latin WH'j et S. Médard, latin 998(3), à la Bibliothèque de la Ville de Laon (S. Martin de Laon : ms. 582). PRÉFACE 13^ sente étude en eût formé, non pas certes un chapitre détaché, mais comme une annexe, ou (je ne trouve pas de mot meilleur) comme un complément. Les circonstances ont retardé terriblement l'exécution de mon plan. Elles m'ont incité à faire paraître isolément cette pièce enlevée au tout dont elle ne devait être qu'une partie. Mais, en reprenant pour une nouvelle rédaction le mémoire écrit depuis si longtemps déjà, j'ai été conduit peu à peu à en creuser plus profondément le sujet ; ses dimensions sont demeu- rées restreintes ; mais sa portée maintenant dépasse, si je ne me trompe, celle d'un simple commentaire critique sur deux documents. Malheureusement, de cette transformation il est résulté un sérieux inconvénient. Un exposé de la politique des rois vis-à-vis de leurs serfs ne peut se passer de quelques indications générales sur le servage. Il ne suffit point de parler de mainmorte, de formariage, d'af- franchissement ; encore faut-il expliquer ce que c'est. Qu'est-ce c^ue le servage ? élucider cette grande question, tel devait être précisément l'objet essentiel de l'ouvrage que je comptais consacrer aux populations de l'Ile-de-France. Selon mon pre- mier dessein, l'étude que je publie aujourd'hui se serait appuyée constamment sur cet ouvrage. Maintenant ce secours lui manque. J'ai dû y insérer cjuelques développements sur les institutions serviles. J'ai pris soin d'y citer toujours les principaux d'entre les textes qui justifient mes affirmations. Mais une discussion critique, sur ces points pourtant très controversés, eût été hors de propos. Elle eût demandé, pour être menée comme il convient, une place beaucoup trop considérable. J'espère pouvoir la reprendre un jour, en son lieu. Je n'ai pas renoncé à mes anciens projets. Pour l'instant, je suis obligé de demander par- fois un peu de crédit. C'est le but et l'excuse des détails person- nels c[ue je viens de donner. INI. Jordan avait bien voulu lire le manuscrit de mon travail sous sa première forme. 11 m'a suggéré alors une correction 14 PRÉFACE précieuse dont j'ai fait mon profit. M. Langlois l'avait lu égale- ment. 11 m'a donné à cette occasion la preuve d'une bienveil- lance dont j'ai plusieurs fois senti les elîets. Mais ce que je lui dois surtout est d'un caractère plus général. Je serais ingrat en ne rappelant pas ici la belle série de ses études sur les anciennes archives de la Chambre des Comptes. Elles m'ont constamment servi de guide. Ce n'est pas assez dire : sans elles la plupart de mes recherches n'eussent pas été possibles, ni même concevables. Voilà de longues années déjà que je travaille sous la direction de M. Pfister. J'ai reçu son enseignement à l'Ecole Normale et à la Sorbonne avant de le retrouver dans son cher Strasbourg, comme doyen. Indiquer que je suis son élève, c'est exprimer en peu de mots tout ce que je dois à ses conseils, à son inlas- sable bonté, à cet esprit de mélhode et d'exactitude qui est l'àme de son enseignement. Son nom eût été inscrit en tète de ces pages si, obéissant à un sentiment profond qui sera compris de lui, je ^n'avais tenu à dédier ma Ihèse à un autre de mes maîtres qui me donne ses leçons depuis bien plus longtemps encore ^. 1. Tout travail d'érudition est, dans une très large mesure, œuvre de solidarité. Au cours de mes recherches et plus tard encore j "ai reçu bien des secours précieux, et contracté trop de dettes de reconnaissance pour pouvoir énumérer ici tous mes créanciers. ^lais je m'en voudrais de ne pas remercier tout particulièrement M. Henri Slein qui a très aimablement exécuté pour moi des collations fasti- dieuses, et mon ami ^I. Edmond Perrin qui, en m'aidant à relire mes épreuves, m'a rendu plus légère une tâche difficile et ingrate. INTRODUCr [ON BIBLIOGRAPII [QUE Je ne prétends pas donner ici sur l'histoire des serfs royaux, moins encpre sur l'histoire du servage, une bibliographie « com- plète ». Ce serait une entreprise immense et chimérique : car les sourcrs sont dispersées à l'extrême. Quelciues indications sur les procédés de référence adoptés, — et la liste des manuscrits ou ouvrages imprimés le plus souvent cités, voilà ce qu'on trouvera ci-dessous. Je n'ai eu qu'une ambition : rendre, dans le corps du livre, les renvois aussi simples et aussi clairs qu'il était possible. § 1. — Sources manuscrites. J'ai indiqué en abrégé les deux manuscrits suivants : 1^ Formulaire de Guillaume le Prêtre : Bibliothèque Mazarine, ms. 1319. Ce formulaire, ou Stilus litterarum, étudié et publié en partie par Tanon, Notices et extraits des manuscrits de la Biblio- thèque Nationale, 32 ii, p. 197-273, jut composé en 1290-1291 par un notcdre de Vofficialité de Paris, Guillaume le Prêtre, pour servir de guide à ses confrères. 2° Journal du Trésor du Louvre : Bibliothèque Nationale, latin 9783. Etudié par Borrelli de Serres, Recherches sur divers services publics, II, p. 108 suiv. ; va dans son état actuel du 18 mars 1298 cm 31 décembre 1301 (les premiers feuillets, commençant au 1" janvier 1297 sont perdus). Les documents conservés aux Archives Nationales sont indi- H) IXTlîOUUCTIOX BIBLIOGRAPHIQUE qués par leurs cotes, sans que les mots Archives Nationales soient répétés chaque fois ; toute cote d'archivé commençant par la lettre ou la double lettre de la série (K. J, JJ, etc.) doit donc être considérée comme se rapportant à ce dépôt. Les mots latin, français, nouv. acq. franc., Clairambault, etc, désignent les différents fonds du Cabinet des ^Manuscrits de la Bibliothèque Nationale. § 2. — Sources imprimées et Lilléraiure i. Ici, comme dans tous les renvois dans le corps du volume, les imprimés sont cités sans indication de format, s'ils sont in-8 ; — sans indication de lieu d'impression, s'ils ont été imprimés à Paris. A. — Recueils généraux. Ordonncuices des rois de Frcmce de la troisième race, 21 v, et 2 V. de tables, fol. 1723-1849. Recueil des historiens des Gaules et de la France. 24 vol., fol. 1737-1904 (Histor. de France). B. — Archives centrales de la royauté : recueils de documents et critique des sources (Chambre des Comptes; Parlement ; Trésor des Chartes). Les Actes du Parlement, éd. Boutakic (Archives Nationales. Inventaires et Documents). 2 vol. in-4, 1863-1867. Brussel 2. Xouvel examen de V usage général des fiefs en France pendant les XI^. XI F, XI IF et XIV^ siècles, 2 vol. in-4, 1750 3. H. F. Delaborde. Etude sur la constitution du Trésor des Chartes, dans Layettes du Trésor des Chartes (Archives Xatii>- nales. Inventaires et Documents), Y, in-4, 1909, p. i-ccxxiv. P. Guilhiermoz. Enquêtes et procès. Etude sur la procédure et le fonctionnement du Parlement au XI V^ siècle, in-4, 1892. 1. Les abréviations, employées au cours du livre, et qui pourraient faire difTiculté, sont indiquées entre parenthèses. 2. Cité avec les recueils de documents sur les archives centrales de la royauté, parce que je n'ai eu à m'en servir que pour les documents qu'il contient. 3. La première édition est de 1727. J'indique ici celle dont je me suis servi. INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE 17 Inventaire d'anciens comptes royaux dressé par Robert Mignon sous le règne de Ptiilippe de Valois, p. par Ch. V. Lan- GLOis (Recueil des historiens de la France. Documents financiers, l) in-4, 1899. (Mignon). Les Journaux du Trésor de Charles IV le Bel, éd. Jules ViARD (Documents inédits), in-4, 1917. F. Kern. Acta imperii Angliœ et Frcmciie ab a. 1267 ad a. 1313. Tiibingen, 1911. Ch.-V. Langlois. Registres perdus des archives de la Chambre des Comptes de Paris. Sotices et extraits des nmnuscrits de la Bibliothèque ScUioncde, XL (1917), p. 33-399. Ch.-V. Langlois. Textes relatifs à Vhistoire du Parlement de Paris (Collection de textes pour servir à V étude et à renseignement de r histoire), 1888. Layettes du Trésor des Chartes (Archives Xationcdcs. Inventaires et Documents), éd. A. Teulet, J. de Laborde, E. Berger, H.-F. Delaborde, 5 vol. in-4, 1863-1909. Les monuments historiques. (Cartons des rois), éd. J. Tardif (Archives Xcdionales. Inventaires et Documents), in-4, 1866 ^. Les Olim, éd. Beugnot (Documents inédits). 4 vol. in-4. Paris, 1839-1848. J. Petit. Essai de reconstitution des plus anciens mémoriaux de la Chambre des Comptes de Paris, ca^ec préface de Ch.-V. Lan- glois (Bibliothèque de la Faculté des Lettres de V Université de Paris, i. 7). 1899 (Petit, Mémoriaux). C. — Recueils d'actes roycnix : catcdogues d'actes royaux ; monographies de rois de Frcmce. H.-F. Delaborde. Recueil des actes de Ptiilippe- Auguste (Chartes et diplômes), I, in-4, 1916. L. Delisle. Catalogue des actes de Philippe-Auguste, 1851. A. LucHAiRE. Etude sur les actes de Louis VII (Histoire des 1. Cité ici pour plus de simplicité, bien que la série factice créée aux Archives Nationales sous le nom de Monumenls historiques ait été constituée surtout avec des documents empruntés aux archives ecclésiastiques ; les Cartons des rois renferment principalement des actes royaux, provenant de ces archives. 18 INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE institutions monarchiques de la France sous les premiers Capé- tiens. Mémoires et Documents), loi., 1885. A. LucHAiRE. Louis VI le Gros. Annales de sa vie et de son règne. 1890. Petit-Dutaillis. Etude sur le règne de Louis VII L (Bibl. de VEc. des Hautes-Etudes, i. 101). 1894. D. — Cartulaires ; recueils de documents et ouvrages relatifs à Vhistoire loccde. Archives anciennes de la ville de Saint-Quentin, éd. E. Lemaire. 2 vol. loi. Saint-Quentin, 1888 et 1910. Cartulaire de l'abbaije de Saint-Père de Chartres, éd. B. GuÉ- RARD (Documents inédits). 2 vol. in-4, 1840. Cartulaire de V église cathédrale Sainte-Croix d'Orléans, éd. Joseph Thillier et Eug. Jarry (Soc. archéol. de V Orléanais, Mémoires XXX) , Orlécms, 1906. Cartulaire de V église de Notre-Dame de Paris, éd. B. Guérard. (Documents inédits). 4 vol. in-4, 1850. Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, éd. E. de l'Epinois et Lucien Merlet. 3 vol. in-4. Chartres, 1862-1865. Documents relatifs au Comté de Champagne et de Brie, éd. AuG. LoNGNON (Documents inédits). 3 vol. in-4, 1901-1914 (Longnon, Documents) . Histoire du Languedoc, nouvelle édition. Toulouse, 14 vol. in-4, 1873-1889. Le livre des serfs de Marmoutier, éd. A. Salmon et Ch. L. Grandmaison. (Soc. archéol. de Touraine. Mémoires XVI). Tours, 1864. Le livre rouge de V hôtel-de-ville de Saint-Quentin, éd. H. Bou- chot et Emm. Lëmaire (Société académique de Saint-Quentin) , in-4. Saint-Quentin, 1881. Polyptyque de Vabbé Irminon, avec des Prolégomènes, éd. B. Guérard. 3 vol. in-4. Paris, 1884 ^. 1. Cité surtout à cause des documents postérieurs à l'époque carolingienne qu'il renferme et que n'a pas reproduits l'édition, meilleure pour le texte même du Polyptyque, donnée par M. A. Longnon. (Soc. de Vhisl. de Paris), 2 vol., 1895. INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE 19 G. Thaumas de la Thaumassière. Les anciennes et nou- velles coutumes locales du Berrij et de Lorris, ïol. Bourges, 1679. E. — Documents juridiques divers. Philippe de Beaumanoir. Coutumes de Beauvaisis, éd. Am. Salmon. (Collection de textes pour Vétude et V enseignement de Vhistoire). 2 "vol. 1899-1900. Formulae merovingici et karolini œvi, éd. Zeumer. (Monu- menta Germaniœ historica ; Legum, s. V), iu-4, Hanovre, 1886. F. — Travaux sur Vhistoire de la royauté ou Vhistoire des classes rurales. A. Artonne. Le mouvement de 1314 et les chartes provincicdes de 1315. (Bibliothèque de la Faculté des Lettres de Paris, f. 29). 1912. Félix Aubert. Nouvelles recherches sur le Parlement de Pcuis. Période d'organisation. Nouvelle Revue historique du Droit, XL (1916), p. 62 et 229, XLI (1917), p. 48 et 181 (Aubert, youvelles recherches) ^. Marc Bloch. Blanche de Castille et les serfs du chapitre de Paris, Mémoires de la soc. de Vhistoire de Paris, XXXVIII (1911). Borrelli de Serres. Recherches sur divers services publics du XIII^ auXVII^ siècles. 3 vol., 1895-1909 (Borrelli de Serres). G. BouRGiN. La commune de Soissons et le groupe communal soissonnais (Bibl. de VEc. des Hautes-Etudes, f. 167 j. 1908. A. GuiLLOis. Recherches sur les maîtres des requêtes de Vhôtel des origines à 1350 (Thèse droit Paris). 1909. G. Jeanton. Le servage en Bourgogne. (Thèse droit Paris). 1906. H. Sée. Les classes rurcdes et le régime domanial en France cm moyen-âge. 1901. L. Yerriest. Le servage dans le comté de Hainaut, Acad. roijcde de Bel gif pie. Classe des Lettres, Mémoires 2^ série, YI, ï. 3. Bruxelles, 1900. \. Toutes les citations se rapportent au t. XL (1916) de la Nouvelle Revue his- Jorique. 20 INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE § 3. — Chronologie ; identification des noms de lieux. Presque tous les actes cités au cours du livre étant datés selon le stvle de Pâques, les dates ont été, saut" indications con- traires, ramenées au nouveau style. Pour les identifications des noms de lieux, on devra se reporter à rindcx Géographique. LIVRE PREMIKR DE LOUIS VI A SAINT LOUIS CHAPITRE PREMIER LES DROITS SERVILES ET LEUR PERCEPTION § 1. — Le servage et les droits serviles. Au temps clos Capétiens, sur les terres du roi comme sur les terres des seigneurs, vivaient côte à côte deux espèces d'hommes: des hommes libres et des serfs. Les uns comme les autres, ils étaient soumis à l'autorité seigneuriale ; mais les raisons de leur dépendance, les charges qui pesaient sur eux, la force même du lien qui les attachait à leurs maîtres mettaient entre eux de profondes différences. Les mots qui dans la langue de l'époque désignaient ordi- nairement l'homme libre sont fort instructifs : c'étaient les noms de manants, de levants et couchants et surtout {{'hôtes. Ils évoquent l'idée d'une situation juridique née de la seule résidence. C'est cju'en efîet pour être astreint envers un seigneur à certaines obligations ou redevances fixées par la coutume du lieu il suffisait d'habiter sur sa terre ; il suffisait même de tenir de lui un bien fonds à cens ou, comme on disait aussi : en villainage. Domicile et tenure : c'étaient pour l'homme libre les deux sources de la sujétion. Il va de soi que plus d'un pavsan libre, ayant plusieurs champs, avait plusieurs seigneurs. Rien ne s'y opposait. La terre était soumise et l'homme seulement accessoirement. 22 ROIS ET SERFS La coiulilion sorvilc au conlraire no naissait pas de circons- tances l'orliiiles. Indépendante des choses et des lieux, elle se concevait comme rigoureusement héréditaire et personnelle. On était sert, à moins d'atïranchissement, de père en fils, et non pas d'une façon vague, mais très précisément serf d'un seigneur déterminé et d'un seul seigneur ^. 11 est vrai que ce maître changeait quelquefois ; le serf se transmettait à peu près comme un bien quelconque ; on le vendait, on le recevait en héritage. Mais une fois vendu, ou dévolu comme part d'une succession, il retrouvait un nouveau seigneur dont les droits étaient aussi imprescriptibles que ceux du premier. En principe le serf n'échappait jamais à son seigneur. Si loin qu'il s'en allât de lui, il lui demeurait attaché ; il ne cessait pas d'être obligé envers lui aux devoirs de sa condition ; pour cer- tains délits il continuait même à relever de sa justice ^. Les grandes communautés ecclésiastiques possédaient ainsi un bon nombre de serfs qui, établis en dehors de leurs domaines^ leur restaient soumis, en droit, sinon en fait. On les appelait serfs forains. Ces forains d'ailleurs se dérobaient souvent à l'em- prise seigneuriale. C'est pourquoi, d'assez bonne heure, quelques chapitres ou monastères, tels que Sainte-Croix ^ et Saint-Aignan d'Orléans '^, Saint-Liphard de Meung ^, Saint-Père de Char- 1. Naturellement, ce seigneur était quelquefois un groupe d'hommes possédant en commun. Nous verrons des serfs avoir ainsi plusieurs propriétaires ; mais ces propriétaires formaient entre eux une sorte de société, qui était le seigneur véri- table ; c'est à elle que le serf devait les charges de sa condition ; il n'était pas grevé davantage que s'il avait eu pour maître un individu unique. On put, de très bonne heure, être le vassal de plusieurs seigneurs différents ; c'est ce qui a fait la faiblesse du lien vassaiique : le serf au contraire n'a jamais ])u être l'homme que d'un seul seigneur ou. ce qui revient au même, d'un seul groupe. 2. Voir à ce sujet, entre autres textes, le très curieux accord conclu le 19 sep- tembre (lundi avant la Saint-Mathieu] 1306 entre le chapitre de Chartres et Charles de Valois, comte de Chartres. Cartiilaire de Notre-Dame de Chartres, II, n° cccLxxxviii ; l'accord entre la commune de Meaux et les abbayes Saint Denis et Sainte Geneviève en 1184, L 8(S.ô, 57 et S "2292. 45 ; et diverses pièces du xiv siècle relatives auy droits du chapitre de .Meaux dans les cartulaires de ce chapitre, Biblio- thèque de Meaux, ms. ()3, p. 372, 356, 382 ; ms. 66, p. 51 et 55. D'a]irès un arrêt du Parlement de la Chandeleur 1271 (Olim. I, p. 842, n» xl) le roi aurait renoncé à ses droits de justice sur ceux de ses serfs qui vivaient sur des terres seigneuriales. 3. Carlulaire de Sainte-Croix, n" cxlii, ccii, ccin : Layettes du Trésor des Chartes, II, n" 1670 ; L. Delisle, Philippe-Auguste, c. 861; Petit-Dutaillis, Louis VIII, Catalogue, c. 167. 4. Layettes du Trésor des Charles, I, n° 819; Hubert, Antiquilez historiques de l'église royale Saint-Aignan, in-4, Orléans, 1661, p. 106 ; Delisle, Philippe-Auguste, c. 973-974. 5. P. Viollet, Les Etablissements de Saint-Louis (Soc. de l'histoire de France), IV, p. 301 ; cf. Delisle, Philippe-Auguste, c. 934. LES DROITS SEHVILES ET LEUR PERCEPTION 23 très ^ jugèrent avantageux de les affranchir. Mais ces affran- chissements furent accordés à prix d'argent ; les serfs qui en furent les bénéficiaires avaient accepté de les payer; ils recon- naissaient donc c[ue, même transfuges, ils ne pouvaient se consi- dérer comme libres ciu'après avoir, par un acte formel, reçu de leur seigneur la liberté. Le serf était dit couramment : l'homme de corps de son sei- gneur. De corps, de son corps, comme on trouve quelquefois : peut-on rêver expression plus forte d'une dépendance purement personnelle ? On l'appelait aussi tout simplement : l'homme de son seigneur. Etre l'homme de quelqu'un : le Moyen-Age n'a pas connu, pour rendre les liens les plus stricts de terme plus plein de sens ; il l'a appliqué au vassal comme au serf ^. Mais qu'était-ce au juste qu'un serf ? Problème délicat, qui a embarrassé même les hommes d'un temps où les serfs étaient nombreux. C'est c^ue dans le détail les traits caracté- ristiques du servage ont varié selon les époques, et surtout variaient selon les lieux. Pour les régler en effet, point de loi ni de jurisprudence commune à tout le royaume, mais simple- ment la coutume locale ou, comme dit un arrêt du Parlement, la « coutume du pays » ^ : par quoi il faut entendre non pas un code d'usages régnant sur une province entière, mais, dans leur multiplicité, les traditions particulières des villages, parfois même à l'intérieur du village, les traditions propres à différents groupes de familles servîtes. Au xiv^ siècle, quand un serf du roi sollicitait son affranchissement, la Chambre des Comptes pres- crivait une enquête sur sa « condition ». Peu importaient les pro- cédures antérieures dont d'autres serfs de la même région pou- vaient avoir été l'objet. A chaque demande, il fallait renouveler la recherche. Les gens des comptes y tenaient la main *. Ils 1. Guérard, Carliilaire de S. Père, II, p. 673, n° lxxxi ; cf. Delisle, loc. cit., c. 1075. 2. On trouve même pour désigner le serf le mot d'homme lige. V. pour la Bour- gogne, Jeanton, Le servage en Bourgogne (thèse droit Paris), 1906, p. 58 ; pour Toulouse, la Coutume de Toulouse (de 1285), éd. Tardif, 1884, art. 154 et 155 ; pour le Bordelais, E. C. Lodge, Serfdom in the Bordelais, English Hisiorical Revieiv, XVIII (1903), p. 420. Cf. aussi Verriest. Le servage dans le comté de Hainaut, p. 57-58 et p. 106 n. 2. 3. « Secundum consuetudinem hujus patrie ». Arrêt de la Cour déclarant Jean, de Chevillv, homme de corps du chapitre de Paris. Parlement de la Saint Martin d'hiver, 1263. Olim, 1, p. 181, n° xiii. 4. Sous le règne de Philippe VI, une serve du roi, domiciliée sur le territoire de l'ancienne commune de Vailly, Chrétienne la Xaudette, avait demandé à être 24 ROIS ET SERFS estimaient que sans ces enquêtes individuelles, il était imposelbis de connaître, sur chaque individu, l'étendue des droits du roi. Une pareille doctrine a, pour l'historien, quelque chose de décourageant. Oserons-nous aujourd'hui, plus audacieux que les fonctionnaires des derniers Capétiens ou des premiers Valois, nous élever au-dessus des contingences locales ou familiales pour donner des marquas du servage une définition d'ensemble ? Le problème n'est pas nouveau ; parmi les institutions du IMoyen-Age, il n'en est pas une seule qui ne le soulève. Une variété de détails presque illimitée, quelque chose d'ondoyant et d'indéfiniment plastique dans des usages que l'écriture n'a que rarement et tardivement fixés, et par-dessus toute cette diversité, quelques grandes idées juridiques, très simples et, si l'on néglige les modalités de leur application pour n'en con- sidérer que le sens profond, étonnamment stables, c'est tout le droit du Moyen-Age. Le droit des serfs n'y forme pas une exception. Cherchons donc à en dégager les éléments essentiels. Une réserve toutefois s'impose. Nos définitions, pour ne point risquer de cesser d'être justes, devront se borner aux. pays de droit coutumier. La condition des serfs dans les pays de droit écrit nous demeure très mal connue. Non que les documents fassent défaut. Mais ils n'ont jamais été sérieusement mis en œuvre. Le peu que nous devinons laisse entrevoir avec les insti- tutions du Nord des ditîérences profondes. Aussi bien les mesures spéciales prises par les rois pour augmenter le profit qu'ils tiraient de leurs serfs ne se sont guère appliquées ([u'aux do- maines au nord de la Loire. Nous pouvons ici, au moins provi- soirement, négliger le Midi ^, affranchie. Les gens des comptes commirent pour faire l'enquête le bailli de Ver- mandois, qui à son tour délégua maître Jean Delouy. Mais la commission fut mal exécutée. Maître Jean se borna à rechercher quelle était la fortune de la postuhuite ; il négligea d'informer sur sa « condicion », et sur le protit que le roi devait tirer d'elle si elle mourait sans hoirs de son corps. La Chambre des Comptes fit recom- mencer l'enquête, (k'tte seconde enquête — menée également par maître Jean — nous a été conservée dans le Trésor des Chartes (JJ i031 u 27). On trouve en tête le mandement des gens des coni])tes prescrivant d'y j)rocéder ; il est daté du 17 fé- vrier 1316. Chrétienne fut affranchie avex- ses enfants, pour le ])rix de cinquante livres parisis. Mention de l'affranchissement figure au dos du rouleau. 1. Nous le retrouverons plus loin, au chapitre iv, p. 100. Le seul travail d'en- semble sur le servage méridional est celui de A. Comt)acal, Recherches sur le servage dans le Midi de la France (thèse droit Toulouse), Toulouse, 1897, dont il y a peu de choses à tirer. Il existe des monographies locales qu'il serait trop long de citer ici ; aucune ne paraît exhaustive. LES DROITS SERVILES ET LEUR PERCEPTION 25 On a vu comment la natm'e même du lien qui l'unissait à son seigneur faisait le serf très différent de ïhôtc, souvent son voisin «ur la même terre. Il s'en distinguait par d'autres traits encore : par certaines incapacités juridiques et, ce qui nous intéresse plus particulièrement ici où notre point de vue est somme toute celui de la fiscalité royale, par certaines charges propres à sa condition. Les incapacités dont le serf se trouvait atteint étaient de deux sortes : ecclésiastique, — sans avoir été préalablement affranchi, c'est-à-dire sans cesser d'être serf, il ne pouvait entrer dans les ordres, — de droit privé, touchant la transmission des successions et le mariage. Par ces dernières son statut familial comportait de graves restrictions qui formaient les signes peut-être les plus éclatants de son état. Des infériorités juri- diques de la famille servile découlaient pour le serf des charges très lourdes, pour le seigneur des profits notables ; c'est par ce côté sans doute que les agents financiers des Capétiens se plai- saient à les considérer ; nous ferons comme eux ; nous les étu- dierons à propos des droits fiscaux qui tiraient d'elles leur origine. Par le fait qu'il était domicilié sur une terre seigneuriale, ou cpi'il y tenait un bien-fonds en villainage, le serf était soumis aux mêmes obligations ou redevances que les autres habitants ou tenanciers de naissance libre. En même temps cjue serf, il était hôte ^, et l'était, à l'occasion, de plusieurs seigneurs à la fois. Mais en outre il avait comme homme de corps son seigneur propre ; ce pouvait être, c'était en fait le plus souvent le même personnage dont il dépendait déjà comme hôte, ou l'un de ceux-là ; exceptionnellement le /oram n'avait plus aucun rapport de résidence ou de possession avec celui auc[uel il res- tait attaché par un lien tout personnel. Le seigneur prélevait sur son « homme » certains droits particuliers, qui formaient les charges caractéristiques du servage. Les droits serviles étaient au nombre de trois : le chevage '^, 1. Cf. une lettre d'Etienne de Tournai, éd. Desilve, 1893. n» cxxxi, « liominem innocentem... béate Genovefe virginis hospitem et servum ». 2. Les ouvrages modernes disent souvent capilalion (de capitatio, terme désignant le chevage dans le latin des chartes). Mais pourquoi ne pas parler français ? 26 ROIS ET SERFS le tormariage (appelé aussi mesmariage) ^, la mainmorte. A cette liste on a quelquefois ajouté un autre nom. Certains auteurs ont considéré la taille < à volonté « comme une rede- vance spécifiquement servile, par rapport à la taille fixe, ou « abonnée > qui eût été réservée aux communautés libres. Les érudits du xix^ siècle n'ont pas inventé cette thèse ; elle appa- raît déjà dans quelques textes du xiii^ siècle. Ce sont, il est vrai, des sources de valeur médiocre ^. Une pareille opinion ne ren- contrait que des déienseurs intéressés, dont on peut soupçonner la sincérité : paysans libres qui, refusant la taille, prétendaient que seuls les serfs y pouvaient être soumis, ou bien, dans une abbaye déchirée par les factions, moines empressés à dénoncer en d'autres moines, dont les parents avaient payé la taille à volonté, des serfs affranchis, indignes par là-même des ordres sacrés ^. Aussi bien, pour l'historien qui cherche à élucider un point de droit, tous les textes ne sont pas également bons ; car les hommes ne connaissent pas tous avec exactitude les règles juridiques du temps où ils vivent. Consultons la jurispru- dence laïque ou ecclésiastique des xiii® ou xiv^ siècles. Il s'en dégage très clairement une théorie de la taille, que voici, briè- vement exposée. La taille était la forme pécuniaire de l'obligation très générale de l'aide ; c'est pourquoi elle était due à leur seigneur par tous ceux qui avaient un seigneur ; soit que de condition servile ils lui fussent attachés par un lien personnel, soit que de naissance libre ils dépendissent simplement de lui pai" le fait qu'ils habi- taient sur ses terres ou y possédaient des biens-fonds. Qui avait plusieurs seigneurs (dont un par exemple à titre d'homme de 1. C'est la forme qu'emploient en particulier les comptes du collecteur Nicolas de la Sofjne. Ci-dessous. Appendice II §1,1. 2. Sur l'histoire de la taille et des contestations qu'elle soulevait au xiii«^ siècle, cf. Marc Bloch, Blanche de Castille et les serfs du chapitre de Paris, notamment p. 277, n. 1. Au xiv*' siècle (en 1381) les habitants de Saint-Cloud refusèrent de ■^ayer à l'évèque de Paris, leur seigneur, la taille à volonté, sous prétexte qu'ils étaient <■ franches personnes ». Le Parlement leur donna tort. (Guérard, Carlul. de X.-D. de Paris, III, p. 325 suiv.) 3. Une polémique de cette sorte nous est révélée par une bulle d'Urbain IV pour l'abbaye de Lagny, datée d'Orvieto. 13 nov. 1262 (Cartulaire de Saint Pierre de Lagny, latin 9902, fol. 5 v°), très précieuse par les définitions c{u'elle donne de la taille et du servage. Bien entendu le pape se refusa à considérer comme de con- dition servile toute personne payant la taille à volonté. L'accusation de servage étajt une des armes classiques des querelles d'Eglise. Exemples : Cartulaire de S. Corneille de Compièyne, éd. Morel, in-4, I, p. 82, n" xl (Luchaire, Louis VI, LES DHOITS SEKVILES ET LEUR PERCEPTION 27 corps el raulrc ou les autres à litre d'hôte) payait plusieurs fois la taille ^ Le seigneur la levait quand il avait besoin d'un secours en argent ; il levait la somme même dont il avait besoin. Ainsi la taille à l'origine lut toujours « à sa volonté > ; par cette expression il faut entendre qu'il déterminait à son gré à la fois les époques et le montant des versements. La taille était alors une redevance sans périodicité régulière et d'un taux infiniment variable, parce qu'elle était une redevance exceptionnelle. La taille abonnée, perçue tous les ans et fixée une fois pour toutes à la même somme, nous apparaît partout comme une transfor- mation relativement tardive de la taille à volonté. Ce sont, à des moments diiïérents, deux formes d'un même droit, mais non pas deux droits ditlérents, caractéristiques chacun d'une classe sociale distincte 2. Sur les terres du roi, comme sur celles des autres seigneurs, les paysans libres comme les serfs devaient, à moins d'abonné-' ment, la taille à volonté. Aucune des mesures prises pour ren- forcer la perception des droits servîtes n'a touché la taille qui, désormais, cessera de nous occuper. Cherchons maintenant à définir sommairement le chevage, le formariage, la mainmorte. Le chevage était une redevance fixe, périodiciue, et person- nelle. Personnelle, son nom même l'indique : elle pesait indivi- duellement sur chaque tête, sur tout homme ou femme de corps « portant son chef )> ^. Périodique, c'est-à-dire exigible à inter- valles réguliers, en principe une fois l'an, à une date déterminée par les usages locaux. Fixe, en ce sens que sa valeur telle que c. 240) ; B. Monod, Essai sur les rapports de Pascal II avec Philippe I" (Bibl. Ec. Hautes Etudes, f. 164), 1907, p. 38 ; — Registres de Grégoire IX (Bibl. des Ee. d'Athènes et Rome), II, n» 3782 (cf. Hauréau, Notices et extraits des manuscr., XXI, II, p. 240). 1. Aide payée à l'abbaye de Saint-Denis pvar ceux de ses serfs qui demeuraient en deliors de sa terre : Petit-Dutaillis, Louis VIII, c. 69. 2. Qu'il s'agisse de la taille ou du caractère personnel du lien scrvile, il est bien entendu que je n'envisage ici que l'époque capétienne. Dans les pays où le servage s'est maintenu longtemps il a évolué ; et surtout les idées juridiques, à son sujet, sont devenues extrêmement confuses ; comment ei'it-on continué de comprendre une institution, qui n'était que la survivance d'un régime de relations personnelles en grande partie aboli "? Alors est née la mainmorte réelle : alors la taille à volonté a pu passer en certaines régions pour une marque de servitude. On relèverait aisé- ment, notamment en Champagne, des traces de cette confusion dès le xiv« siècle. 3. « Caput suum port ans ». Affranchissement des hommes de corps du trésorier du chapitre de Laon : juin 1255 (dans un vidimus de Saint Louis, même date, r. 29, Melun), JJ 26, fol. 275 ; cf. Layettes du Trésor des Chartes III, n" 4168. 28 ROIS ET SERFS rétablissait pour chaque serf une coutume héréditaire, demeurait invariable, sans considération de fortune : le riche comme le pauvre versait sa vie durant ce qu'il avait donné dans ses pre- miers jours et ce que ses pères avaient donné avant lui. Le che- vage était perçu ([uelquefois, mais rarement, en nature \ d'ordinaire en argent. Son montant était faible, souvent à l'extrême. Quatre deniers : tel paraît avoir été le chiflre le plus fréquent, peut-être traditionnel. En certains lieux pourtant il n'était pas atteint ; en d'autres, exceptionnellement, il était sensiblement dépassé. Sur le territoire de l'ancienne commune de Vailly, au xiv^ siècle, les serfs royaux, divisés en deux groupes, payaient les uns une obole, les autres trois sous tournois ^ : écart formidable, et bien étonnant. Trois sous c'est la somme la plus forte qui nous soit connue ^. Elle s'expliquait sans doute par quelque détail d'histoire locale, dont le souvenir s'est perdu. En tout cas, elle demeurait pleinement anormale. Au xi^ siècle, au début du xii«, le chevage était la charge caractéristique de la condition servile : mieux encore, son sym- bole. Pour se faire serf d'une abbaye, ou se reconnaître comme tel, un aveu oral ou écrit ne suffisait point : il fallait un acte matériel, une cérémonie inspirée par le génie formaliste du vieux droit médiéval. Le chevage en fournissait l'élément essentiel. L'homme s'acquittait solennellement de sa redevance sur l'autel même du saint, son seigneur ^ ; ou bien, devant le couvent assemblé, il se présentait portant sur sa tête les quatre deniers, cju'un des moines venait prendre sur le chef devenu servile ^. Peu à peu, cependant, l'importance du chevage diminua. 1. Par exemple en cire. Tel était le cas pour certains serfs royaux à Compiègne : Enquête sur l'administration de Mathieu de Beaune, bailli de Vermandois (1261), dans Hislor. de France. XXIV, p. *326, c. 179. Cet usage remontait aux temps carolingiens. Ciuérard, J'()ltji>lijqiic d'Irminon, I 1, p. 728. 2. D'après l'enquête signalée à la note 4 de la page 23. 3. Elle se retrouve dans une autre commune laomiaise, ti Bruyères : Langlois, Registres perdus, p. 132. N'y aurait-il pas eu abonnement à la taille, et confusion de la taille abonnée et du chevage ? 4. Exemples : Guérard, Carlul. de S. Père, II, j). 2()8, n" ix et p. 274, n° xvii. 5. Exemples : Livre des serfs de Marmoiilier, j). 19. n" xvii ; p. 74, n" lxxvii ; p. 90, n° xcvii; p. 100, n» cvi ; A])pen(iice, j). 171, n" xlvi, 172, n" xlvii, 17(i, n» L, 177, n» Li. Bien entendu l'acte par lc(]uel un liomme se reconnaissait le serf d'un autre homme ou d'une église pouvait prendre des formes diverses ; la symbolique du droit médiéval était fort riche et n'obéissait pas à des règles rigides ; en parti- culier, il est bien connu que dans des cérémonies de cette sorte la corde de la cloche, passée autour du cou du serf, servait souvent de signe de servitude. (Jn trouvera LES DROITS SERVILES ET LEUR PERCEPTION 29' La coutume, de toute ancienneté, le fixait à un chilTie une fois donné cjui le plus souvent demeura immuable, au cours des siècles. Or la valeur en numéraire des diiïérentes unités moné- taires avait décru, d'un mouvement continu. Aux premiers temps de la féodalité quatre deniers représentaient une c[uan- tité notable de métal précieux. Qu'était-ce au xiii^ siècle ciue ces quatre deniers ? bien peu de chose, si l'on ne tient compte que du métal qu'ils renferment ; matière tangible que nous pouvons peser encore aujourd'hui, — presciue rien si l'on admet,, ce qui est probable mais ne peut être rigoureusement démontré, que le pouvoir d'achat des métaux avait aussi baissé. Alors, le principal, presque le seul intérêt du chevage fut de constituer» au profit du seigneur, un signe du servage. Quiconque le payait se reconnaissait pour serf, et cela chaque année : aveu précieux, en un temps où la coutume réglait les relations sociales et où, par conséquent, tout droit risquait de se perdre par prescrip- tion 1. C'est ce que comprirent certains seigneurs, qui conti- nuèrent d'exiger avec rigueur le paiement du chevage : tel le chapitre de Chartres dont la politicjue servile fut un chef- d'œuvre d'exactitude administrative et de bon sens iinancier. IVIais beaucoup d'autres, incapables d'apprécier l'utilité d'une redevance qui rapportait si peu, la laissèrent tomber en désué- tude : ce fut le cas, au xiii^ siècle, de presque toutes les grandes communautés ecclésiastiques de l'Ile-de-France, Le langage rel'léta cette transformation : appelé autrefois couramment homme de chef, le serf, quand on le désigne par le nom des charges auxquelles il est soumis, est dit désormais « homme de formariage et de mainmorte ». Sur les terres du roi, le chevage subsista en maint endroit ; on le payait encore au xiv^ siècle les deux symboles — denier et corde — employés concurremment dans des actes nombreux : exemple : Ch. Métais, Carlulaire de l'abbaye de la Trinité de Vendôme, l, 1893,noccxiv. L'importance du chevage a été fort bien mise en lumière par M. Sée, Les classes rurales, p. 161, qui cite la curieuse histoire racontée au livre VI, c. n des Miracles de Saint Benoît, éd. de Certain (Soc. de iliist. de France), 1868, p. 218. Sur un rite accompli par certains rois de France et qui semble remonter à une antique conception du vasselage mal distingué encore de l'asservissement, v. H. F. Dela- borde. Pourquoi Saint Louis faisait acte de servaijeà Saint-Denis "? Bullel. Soc. Anti- quaires de France, 1897, p. 254. 1. Textes très nets à ce sujet : l'alTranchissement des serfs de la Trésorerie de Laon cité plus haut p. 27 n" 3 ; et le passage cité p. 28 n°l de l'enquête sur l'adminis- tration de Mathieu de Beaune. 30 ROIS ET SERFS dans plusieurs villages du Laounois ^. Les domaines d'où il avait disparu étaient-ils plus ou moins nombreux que ceux où il s'était maintenu ? Nous ne savons. Le ïormariage et la mainmorte naissaient des incapacités juridiques auxquelles était soumise la famille servile. Serfs et serves d'un même seigneur ne pouvaient se marier qu'entre eux. Cette interdiction était si absolue qu'elle fournis- sait, dans la vie courante, le signe le plus facile à observer et le plus net de la condition servile. Il arrivait pourtant qu'un serf désirait contracter une union en dehors de ce petit groupe, parfois singulièrement étroit ; il cherchait, disait-on, à se for- marier (se marier en dehors). Il le pouvait, mais à condition d'obtenir le consentement de son seigneur. Ce consentement, il fallait Tacheter. La somme ainsi payée portait le nom de for- mariage '^. En certains lieux, la coutume ou une convention l'avait fixée à un chiiïre toujours le même ^. Le plus souvent elle faisait, dans chaque cas particulier l'objet d'un traité entre le serf et son seigneur, et variait à l'infini selon la fortune de l'un ou les besoins de l'autre. En certains cas le seigneur recueillait l'héritage, 1' « échoite » de son serf. C'était la mainmorte, — mot désignant indifférem- ment le droit en lui-même ou l'héritage ainsi dévolu. De toutes les institutions serviles, la mainmorte demeure la plus obscure. Les contemporains eux-mêmes paraissent avoir eu peine à la définir ; et devant l'imprécision des textes et leur incohérence, on est quelquefois tenté de dire aujourd'hui, comme ce paysan, que des enquêteurs interrogeaient, en 1252, sur la condition des gens d'Orly : les biens des serfs, quand ils n'avaient pas d'hoirs de leurs corps, revenaient à leur seigneur, plutôt qu'ils n'y reve- naient point (' crédit etiam, quod si aliquis morialur sine herede de corpore suo, quod bona ejus deveniant ad capilulum, magis 1. Par exemple à Vailly et l-"ilain (enquête citée à la note 4 de la page 23), à Bruyères (Lan^lois, lii-yislres perdus, |). IH'i). 2. Ou, comme on la vu plus haut, de mesmariage, c'est-à-dire de mauvais mariage, mariage interdit. 3. En 134(i, sur le territoire de l'ancienne commune de Vailly, 5 sous tournois pour les serfs du roi, le mariaf^e des serves étant libre (enquête citée p. 23, n. 4). La charte de commune accordée par Saint Louis aux villa.t,'es d'Alzy et .loiiy (juin 1232) fixait le f jrmariage uniformément à 7 sous et ckini f Ballet. s(jr. archeol. Soissons, 1885, XVI, de la 2^ série p. 53 suiv.). LES DROITS SERVILES ET LEUR PERCEPTION 31 qiiam non deveniant » ^. Essayons néanmoins, négligeant les variétés locales, de dégager le principe général du droit de main- morte. Quelque part sur une terre du nord de la France un serf est mort. J'admets pour l'instant qu'il est mort intestat. Que vont devenir ses biens ? Supposons d'abord qu'il ne laisse point de progéniture. Alors, point de difficultés. L'homme de condition servile ne saurait avoir d'autres héritiers naturels que les «. hoirs de son corps, procréés en légitime mariage «. Ni les collatéraux ni sans doute les ascendants - n'entrent en compte. A défaut d'enfants ou de petits enfants qui donc est appelé ? Le seigneur. Absence d'hé- ritiers en ligne directe : c'est le premier cas où joue le droit de mainmorte. Faisons maintenant une nouvelle hypothèse. Au défunt sur- ^^vent ses descendants. Hériteront-ils ? Oui, le plus souvent, mais toujours non pas. Pour pouvoir prétendre à la succession d'un serf, il ne suffit pas de descendre de lui. Il faut encore être resté dans sa « poté >>, dans sa « maimburnie », n'avoir pas été « émancipé », forisfamiliatus, c'est-à-dire il faut avoir vécu avec lui, selon l'expression médiévale en « compagnie », sans qu'il y ait jamais eu distinction de biens entre le chef de famille et le petit groupe né de lui. Somme toute, c'est moins un héritage qui échoit, qu'une communauté familiale c[ui se poursuit. Les enfants ou petits-enfants ont-ils quitté la maimburnie du père ou de l'aïeul ? Leur droit devient caduc. Ils sont, devant la coutume, comme s'ils n'étaient pas ^. Et tel est le second cas où le seigneur recueille la mainmorte. Le droit français du haut moven-à«e ionorait le testament. 1. Marc Bloch, Blanche de Caslille et les serfs du chapitre de Paris, p. 268, c. 25. 2. En effet, du moment que la fortune du serf décédé est distincte de la fortune de son père, c'est que la communauté familiale entre eux a été rompue. Et dans ce cas comme on va le voir le fils ne saurait hériter du père. Très probablement le père non plus n'héritait pas du fils. Pourtant, d'après un accord fait avec le chapitre de Paris en 1109, les serfs des chanoines demeurant à Corbeil pouvaient avoir leurs pères pour héritiers ; mais on remarquera que cet accord fixe le droit de succession servile d'une façon tout à fait particulière, — limitant la vocation héréditaire à certains degrés de parenté, mais laissant absolument de côté la notion de maim burnie ; des serfs urbains avaient sans doute intérêt à ne plus s'embarrasser de communautés familiales (Guérard, Cartulaire de X.-IJ. de Paris, l, p. 375, n° viii). 3. V. pour la jurisprudence du Parlement, Olim, I, p. 396, n° i. 32 ROIS ET SERFS Quand celui-ci réapparut, vers le xii^ siècle ^ ce fut pour le règlement des mainmortes une complication de plus. Interdire le testament aux serfs : il n'y fallait pas songer. C'eût été leur défendre une œuvre pie, dont l'objet essentiel à l'origine consis- tait dans les legs aux églises, c'eût été empêcher le clergé de recevoir les aumônes post mortem d'une ])artie de ses fidèles. On se borna à limiter la portion de sa fortune dont le serf pou- vait disposer dans ses dernières volontés. Quelles limites furent fixées ? Ici entra en jeu l'infinie variété des coutumes locales, d'autant moins bornées dans leur diversité que le testament se présentait comme une institution nouvelle, étrangère au temps où s'était formée la première idée générale du servage. Les com- binaisons possibles étaient innombrables. Quand Beaumanoir affirme qu'en Beauvaisis la somme laissée à la disposition du serf était de cinq sous ^ Il systématise sans doute, à son habitude; il est peu probable que, même à l'intérieur d'une petite pro- vince, le droit fût si uniforme. En 1263, le Parlement se montrait plus prudent ; énumérant, dans un arrêt, les carac- téristiques de la condition servile sur la terre du chapitre de Notre-Dame, à Chevilly, près Paris, il disait simplement : les hommes de corps n'ont pas la même libre façon de testament que les hommes libres du même pays ^. Ici où nous n'avons pas à entrer dans les détails du droit servile, nous emprunterons au Parlement cette peu compromettante formule. Héritier à défaut des hoirs naturels, le seigneur était en tout point, qu'il s'agît de leurs droits ou de leurs obligations, substitué à eux. Il recueillait la succession entière, les meubles, même 1. Une des plus anciennes mentions de legs pieux faits par des serfs se trouve dans un acte de l'abbaye orléanaise de Bonne-Nouvelle, datant de 1110 environ, de Vassal. Recherches sur le monaslère de Xolre-Dame de Bonne-Xouvelle, Orléans, 1842, p. just., p. 36. 2. Chap. XII, c. 365, éd. Salmon, II, p. 174. La même théorie, sans doute d'après Beaumanoir, est reproduite dans une petite compilation coutumière ajoutée (peut- être au xv» siècle seulement) à V Ancien Coulumier de Cham])a(jne. Collinet, Nouv. Revue historique du Droit, XXXIV (1910). p. 677, c. 84. 3. Arrêt cit/' p. 23. n. 3. Sur la terre de l'évêque, à Meaux, à la fin du xiii<' siècle, le serf pouvait léguer « pour son âme », c'est-à-dire sans doute seulement en faveur de l'Eglise, le tiers de ses meubles. Coutumier de la terre de l'évêque, à Meaux : Cartulaire du chapitre de Meaux, Biblioth. de la ville de M., ms. 64, p. 200-201. Autre solution encore à Toulouse : v. Ad. Tardif, Le droit privé au A'//7« siècle d'après les coutumes de Toulouse et de Montpellier, 1886. p. 29 et p. 67. Cf. aussi V Abrégé champenois des Etablissements de Saint Louis, Etablissements éd. VioUet III p. 150, c. XXXII. LES DROITS SERVI LES ET LEUR PERCEPTION 33 les plus vils, comme les immeubles. Il devait, s'il y avait lieu, respecter l'usufruit du conjoint survivant. Enfin, — fût-il le roi, — il était tenu des dettes, qui parfois grevaient lourdement son bénéfice ^. Souvent, il est vrai, sa qualité d'héritier demeurait toute fictive. La mort d'un mainmortable mettait en présence, d'une part les proches du défunt qui, exclus de la succession, regret- taient la maison, l'exploitation rurale, les instruments de tra- vail dont les écartait une impitoyable coutume, — d'autre part un seigneur qui, embarrassé des meubles et souvent même, s'il ne tenait pas à arrondir son domaine propre, n'ayant que faire des biens-fonds, ne voyait pour tirer profit de son droit qu'une ressource : vendre. Les deux parties étaient naturellement con- duites à un accord. Les proches versaient au seigneur une somme d'argent, ils « finaient » et gardaieat moyennant paiement l'héritage qui, s'il n'avait été soumis à la loi des serfs, eût été leur sans bourse délier -. La mainmorte, c'était en principe le droit pour le seigneur de s'emparer dans certains cas de la suc- cession de son homme de. corps; en pratique elle s'exerçait fréquemment sous la forme d'un simple droit de rachat perçu au profit du seigneur sur les parents du mort. Certaines coutumes allaient jusqu'à accorder à ceux-ci une option sur les biens que le seigneur mettait en vente, et un prix particulièrement avan- tageux 3. De telles dispositions sont exceptionnelles. D'ordinaire le seigneur fixait le prix à son gré, et vendait à qui lui plaisait. Toujours, en tout cas, il demeurait maître de conserver l'hé- ritage. Le rachat par les proches n'était qu'une habitude. 1. Compte du collecteur Richard de Verberie (ci-dessous, Appendice I § 1,2): Je collecteur ayant recueilli au nom du roi la mainmorte de Girard de Marsîui porte en dépenses « Item Jacobo dicto Johanni xx s. pro dcbito defuncti Girardl ûc JMarsillac [o] ». Cf. un acte de Philippe-Auguste, Paris, août 1220 : S 1337,9 (Delisle, Catalogue des actes de Philippe-Auguste, n" 1988). Selon le principe bien connu de l'ancien droit d'après lequel les meubles étaient le siège des dettes, ï Ancien Cou- tumier de Champagne, c. lx (éd. de 1(330, in-4, Paris) autorisait le seigneur à ne pas payer les dettes, s'il renonçait aux meubles. 2. De bons exemples de cet usage sont fournis par une enquête menée vers 1250 au nom de la Cour du Roi et touchant les droits de l'abbaye Saint-Germain-des- Prés sur le village d'Esmans. Ce document a été publié par Guilhiermoz, Enquêtes et procès, Appendice, p. 293 suiv. Autre exemple, du xii» siècle, dans Poupardin, Recueil des chartes de l'abbaye de Saint- Germain-des-Prés, I, in-8, Paris 1909* (Public, de la Soc. d'Hist. de Paris), p. 153, n» C. 3. Coutumes de la terre de l'évèque à Meaux (fin du xiii^' siècle). Cf plus haut p. 32, n. 1. 1 . 34 ROIS ET SERFS le plus souveiil dépourvue de l'orce légale, mais extrêmement répandue. § 2. — La perception des droits seiDiles. Comment furent perçus, sur les terres du roi, avant la mort de saint Louis, le chevage, le formariage et la mainmorte ? Des dilîérences profondes séparaient le chevage des deux autres charges serviles.Ceux sur qui il pesait le payaient chaque année, à des jours déterminés par d'anciennes coutumes. Cette régularité, en un temps qui fondait le droit sur la tradition,, lui donnait un air d'évidente légitimité ; d'où une perception aisée, que les procès troublaient rarement. Son montant par tête était fixe. Sur une même terre, son produit total n'augmen- tait ou ne diminuait qu'en proportion des fluctuations de la population servile : dans toute circonscription étendue, pour une période de quelques années, il devait apparaître à peu près constant. Enfin c'était une bien faible redevance. Facilité de la perception, invariabilité au moins relative de la somme à per- cevoir, médiocrité du revenu escompté, toutes ces raisons ont fait que le chevage n'a jamais occupé, parmi les droits infini- ment divers que les Capétiens levaient sur leurs domaines, une place à part. En même temps que ces droits, ou pour mieux dire confondu avec eux, il était aflermé dans le Nord aux prévôts, dans le Midi aux bayles. Dans les comptes royaux jamais son nom ne figure. Chaque prévôt ou bayle versait au roi un loyer » annuel, qui, à tout renouvellement de la ferme, était fixé d'après la valeur des terres et des redevances. Quand il s'agissait d'esti- mer cette valeur, bien des éléments devaient être envisagés : le chevage était l'un d'eux. Les prévôtés où les serfs étaient nom- breux et la somme payée par tète point trop basse rapportaient sans doute au roi un revenu plus fort. Mais de ces calculs, rien ne transparaît dans les documents. Perdu dans la foule des petites redevances, le chevage n'avait rien qui alliràt l'attention : ni grosse importance pécuniaire, ni incidents de perception. Jamais aucune mesure spéciale n'a été LES DROITS SERVILES ET LEUR PERCEPTIOxN 35 prise pour augmenter le profit que les rois tiraient de lui. Il cessera désormais de nous intéresser. Le formariage etla mainmorte, —la mainmorte surtout, — se présentaient sous de tout autres traits. Considérons une famille servile. De mémoire d'homme, les fils ont toujours succédé aux biens des pères. La communauté séculaire s'est poursuivie de père en fils sans que jamais enfant quittant la maimburnie ne soit venu à la rompre. Jamais le seigneur n'a recueilli d'héritage. De même, aussi haut que le souvenir remonte, on a toujours vu filles et garçons rechercher en mariage les serfs ou serves de leur seigneur. Puis, tout à coup, la descendance en ligne directe vient à manquer ; ou bien la « compagnie » familiale s'est brisée. La mainmorte échoit. Un enfant se met en tète de contracter une union en dehors du groupe servile. Il y a lieu à percevoir le for- mariage. Le seigneur, dans l'un comme dans l'autre cas, invoque son droit. Mais ce droit paraît d'autant plus exorbitant qu'on ne se souvient pas l'avoir jamais vu s'exercer. Souvent il sera contesté. Si la terre est de celle où le chevage est tombé en abandon, les familles de serfs ne s'y distinguent des familles franches que précisément par la mainmorte et le formariage : c'est dire qu'elles s'en distinguent malaisément puisque ces charges, par leur nature même, ne se manifestent que rare- ment. Tantôt le seigneur exige à tort la mainmorte d'un homme hbre. Tantôt, un mainmortable décédé, ses proches cherchent à le faire passer pour de franche origine et peut-être le croient tel ; ou bien la notion de maimburnie, fuyante et susceptible de bien des interprétations diverses, forme l'occasion de la dispute. D'où une multitude de procès que termine selon le temps et les lieux soit un duel, soit une enquête. Sur les terres du roi, vers la fin du xiii^ siècle, les « plaids » de cette sorte étaient extrême- ment nombreux. Du formariage et de la mainmorte naissait un flot de chicanes ^. Il y a plus. Supposons maintenant que le droit revendiqué par le seigneur soit accepté sans discussion, ou bien, cju'après une 1. Cf. ci-dessous, p. 89 suiv. Le fait n'était pas particulier à l'administration royale. Certains procès de servage ont duré des générations : tel le grand procès entre Sainte-Geneviève de Paris et les hommes de Rosny-sous-Bois où durent intervenir le roi Louis YII et les papes Lucius III, Innocent III et Honorius III. 36 ROIS ET SERFS longue querelle il ait enfin été reconnu. S'il s'agissait d'une rede- vance ordinaire, exactement fixée par la coutume, il ne reste- rait plus qu'à en recevoir le paiement ; les difficultés seraient terminées : ici elles ne font que commencer. Un serf veut-il se formarier ? il faut déterminer d'après ses ressources la somme qui sera exigée de lui. Une mainmorte est-elle échue ? il faut rassembler les biens du mort, les vendre ou bien traiter avec les proches du prix de rachat. La perception des formariages et des mainmortes apparaissait comme singulièrement épineuse, non seulement par les disputes qu'elle soulevait, mais aussi parce qu'elle supposait l'étude indéfiniment renouvelée de cas. individuels, des enquêtes sur les fortunes et, pour les main- mortes, la liquidation toujours délicate de patrimoines entiers. Selon que le serf était riche ou pauvre, la permission de se marier « au dehors » lui était vendue plus ou moins cher. L'échoite d'un paysan cossu rapportait gros. Celle d'un misérable journa- lier ne valait guère la peine d'être mise en vente. Surtout il était rigoureusement impossible de calculer à l'avance, pour une terre et une période données, la valeur des droits. Comment deviner le nombre des serfs qui mourraient sans enfants ? ou celui des unions qui seraient contractées à l'extérieur du groupe servile ? Le produit des mainmortes et des formariages demeurait toujours incertain et changeant ^. Difficultés infinies de la perception, variabilité d'un revenu qui échappait à toute prévision, ces caractères sont cause que la mainmorte et le formariage n'ont pas eu sur les terres royales la même histoire que les autres recettes du domaine. Mais il y a plus. L'histoire du formariage n'est pas tout à fait la même que celle de la mainmorte. C'est qu'il présentait les traits qui viennent d'être décrits avec une force bien moindre. Moins lourd, il soulevait moins de procès. Il ne posait pas le redoutable problème économique de la vente des biens-fonds. Enfin, d'un plus faible rapport, il semblait moins intéressant. Aussi fut-il longtemps compris dans les fermes des prévôtés et baylies. A la différence du chevage, il 1. Sur rcxtrèmc variabilité des fortunes serviles, voir ci-dessous, p. 91, les chiffres -pothèse. Nous connaissons fort mal les formes extérieures de la manumission. Autre cas : Huguc, seigneur de Méreville, donne aux moines de S. Florentin de Bonneval, pour le repos de l'àme de son fils, un serf ; il l'affranchit d'abord sur la tombe du mort, puis l'ollre (obtulit) sur l'autel du prieuré de S. Pierre de Méreville. cl le voue au service des martyrs de Bonneval (eumque... SS. marti/rum Bonnevallensiitm seroitio dedicavit) : copie du xviii« siècle d'un acte s. d., indicpié par le copiste comme du xi'' siècle. Biblioth. de la ville d'Orléans, ms. 4ubliés par la Société de l'histoire de Paris), II, 1895, xii, c. 49, p. 173 et xxiv, c. 112; les mentions de même date ajoutées au Polyptyque carolingien de Saint-Maur-des-Fossés, Guérard, Poli/ptijque de l'abbé Irminon, II, in-4, Paris, 1841, p. 287. c. 20 et 288, c. 2 ; cf. latin 3, fol. 408. Je connais dans la région pari- sienne deux exemples d'asservissement volontaire au xjir' siècle, tous deux en faveur du chapitre de Meaux ; l'un du 0 janvier 1255, Biblioth. de la ville de Meaux, LES AFFRANCHISSEMENTS ROYAUX 47 recommandation d'ordre intérieur. Du serf au vassal la termi- nologie variait assez peu : l'un comme l'autre, n'étaient-ils pas dits les « hommes » de leurs seigneurs ? La société, chez les nations de l'Europe occidentale, présentait un aspect comme fragmentaire. Elle se composait d'une foule de petits groupes, serrés chacun autour d'un maître. N'étant pas une, elle n'était guère hiérarchisée. Il n'y avait pas de caste noble. L'idée de classe manquait de force. Pas plus qu'aux puissants, elle ne s'appli- quait étroitement aux humbles. On vit longtemps des serfs arriver à la chevalerie ^. Ces temps, favorables aux asser- vissements volontaires, l'étaient peu aux aiïrauchissements. Plus tard, vers le xii^ et le xiii^ siècle, de profondes transfor- mations eurent lieu. L'État reprit une vigueur nouvelle. Les liens d'homme à homme se relâchèrent. Il se forma une noblesse héréditaire. L'idée qu'il existait des catégories sociales, de rangs différents, retenant les hommes de père en fils, se précisa dans les esprits. La notion du groupe servile, de la mesnie ^ servile nis. 65, p. 242, est inédit ; l'autre de mai 1273 ("même ms., p. 219 et ms. 63, p. 263) a été publié par dom Toussaint Duplessis, Histoire de l'église de Meaiix, II, in-4. 1731, p. just., n» CDix. La Coiilume de Toulouse, de 1285, dans un article qui ne fut pas approuvé par Philippe III, reconnaissait encore l'asservissement volontaire : éd. Tardif, 1SS4. p. 76, art. 155 a. Cf. pour la Bourgogne, Jeanton, Le servage en Bourgogne, p. 34 et 89 ; et ;Max. Quantin, Recherches sur le Tiers-Etat au moijen- âge dans les pays qui forment aujourd'hui le département de l'Yonne, Auxerre, 1851, p. 10 et p. 107. n» 8. En Bourgogne, où le servage a duré longtemps, la pratique de l'asservissement volontaire s'est maintenue également fort tard. 1. On pourrait citer d'assez nombreux exemples tirés des sources narratives. Glabert de Bruges a rendu célèbre la famille des chevaliers, issue de souche servile et non affranchie, à laquelle appartenaient les meurtriers du comte de Flandre, Charles le Bon. Mais les exemples de cette sorte sont toujours un peu suspects ; plus d'un noble homme a dû être traité, à tort, de fils de serf par ses ennemis ; pour peu cjue ceux-ci aient compté dans leur parti un annaliste ou chroniqueur quelconque dont les œuvres aient été conservées, la calomnie sesera transmise jusqu'à nous. On accueillera plus volontiers les textes diplomatiques. Il en est de frappants : tels un acte de Marmoutier, de 1097 (Livre des serfs, app. CXLII et Carlulaire de Marmoutier j)our le Dunois, éd. Mabille. Chàteaudun, 1874, c. CL IV), et surtout l'affranchissement j)ar le chapitre d'Orléans d'un de ses maires, à la fois serf et chevaher : Carlulaire de Sainte-Croix, c. CLIII (1" févr. 1210). La règle de jurispru- dence, exposée par Beaumanoir (chap. xlv, c. 1450, t. II, p. 253), d'après laquelle 0 chevaliers et sers ne peust il estre ensemble » ne s'était pas encore établie au début du XIII'' siècle. La plupart de ces serfs-chevaliers étaient des ofTiciers seigneu- riaux, surtout des maires : catégorie sociale dont le rôle était alors considérable et où se recruta sans doute une bonne partie de la petite noblesse. Cf. P. Guilhier- moz. Essai sur les origines de la noblesse en France au moyen-âge, 1902, p. 459 et suiv. ; je ne partage d'ailleurs pas sa façon de voir. 2. Je ne connais, il est vrai, comme documents où le mot mesnie soit appliqué à des serfs que les textes cités par Vemest. Le servage dans le comté de Hainaut, p. 58. C'est que pour l'époque où cette expression aurait eu son sens plein les textes français sont rares. Mais on trouve fréquemment dans les textes latms le mot de familia désignant le groupe servile. Or nous savons que les scribes traduisaient volontiers mesnie par familia. C'eut encore aux xiv^ siècle l'usage des rédacteurs de lettres de sauvegarde qui traduisent, lorsqu'ils écrivent en français» par mesnie 48 ROIS ET SERFS ayant pour centre un seigneur, s'opposant à d'autres groupes analogues, s'elïaça peu à peu. La notion de classe servile, qui vivait sourdement dans les pensées, grandit et s'imposa. Le serf se sentit décidément un être inférieur, plus lourdement chargé que le libre manant, et plus méprisé que lui. Partout il chercha à secouer u le vilain jou de servitude » i. Mais pour se racheter de ce joug, il lui fallait gagner beaucoup d'argent, ou pouvoir en emprunter. Dans les villes, dans les campagnes les plus prospères, les plus proches des grands marchés, là où de riches ecclésiastiques ou bien des bourgeois en quête d'opérations lucratives étaient disposés à faire office de préteurs, les serfs ont pu acquérir leur liberté. Ailleurs, non. Ainsi le nombre des aiïranchissements fut, en dernière analyse, fonction des conditions économiques du lieu et du moment. Il est probable que les rois, comme les seigneurs, ont, presque de tout temps, accordé par occasion des manumissions indivi- duelles, soit à des serfs particuhérement riches, et en raison de leur situation sociale, particulièrement désireux de se débar- rasser de la tare servile, soit peut-être à titre gratuit à des serfs bien en cour. C'est ainsi qu'on voit Louis YIII faire bénéficier de cette faveur la femme d'un de ses archers, sous conditions ou en pur don, nous ne savons 2. 11 semble même qu'en certaines circonstances solennelles les rois distribuaient la hberté autour d'eux. Des manumissions que les souverains francs octroyaient parfois à l'occasion de la naissance d'un fils ^, il n'y a, à ma connaissance, plus trace aux temps capétiens. Mais Nicolas de Bray raconte que lorsque Louis VIII, revenant du sacre, fit à Paris une entrée magnifique, en même temps qu'il délivrait des prisonniers, il « soulagea du ]e familia du formulaire latin. Comparer par exemple clans J. Viard, Documents parisiens du rèr/ne de Philippe de Valois (Soc. de l'hist. de Paris), les documents, I. n" Lxviii et il, n" cccciv. 1. J'emprunte cette expression à un affranchissement accordé par le connétable Gauthier de Chàtillon, S. Jean-Baptiste, 1317 (dans un vidimus roval, Paris, juil- let 1317), JJ, fol. 103. 2. JJ 26, fol. 248 v ; latin 9778, fol. 205 ; Petit-Dutaillis, Louis VIII, Catalogue, c. 172. 3. Marculfi Formulae, éd. Zeumer, I, n" 39, p. 68 et II, no 52, p. 106; et peut- être Grégoice de Tours, Historia Francorum, J. VI, c. 23. LES AFFRANCHISSEMENTS HOYAUX 49 joug » quelques serfs ^. Nicolas de Bray, poète pédant, est uu historien médiocrement sur. Néanmoins, sur ce point particu- lier, on peut, semble-t-il, lui faire crédit. Affranchir des serfs, comme créer des chevaliers, passait aux yeux des hommes du xii^ et du xiii^ siècles, pour un de ces gestes nobles qui accompa- gnaient brillamment les grandes fêtes. Quand Tristan, après trois ans passés dans la forêt de Morrois et dans les solitudes du Pays de Galles, eût ramené au roi Marc Iseult la Blonde, l'heureux mari donna de belles réjouissances ; le bon Béroul sait bien qu'en ce jour « franchi li rois cent sers Et donna armes et haubers A vint danzeaus qu'il adouba » 2 Les afîranchissements qui ne touchaient qu'un individu ou une famille n'ont contribué que dans une mesure assez faible à la disparition du servage. Le nombre des hommes de corps n'a commencé à diminuer fortement que du jour où se sont multi- pliées ces grandes chartes, s'étendant à des agglomérations entières, que certains cartulaires appellent des « manumissions générales ». Quand les Capétiens ont-ils commencé à faire expé- dier des actes de cette sorte ? Les premiers groupes qui reçurent des rois leur affranchisse- ment collectif furent des villes. Je n'entends point parler ici des villes de commune. Non que l'abolition des redevances caractéristiques du servage n'ait souvent figuré parmi les conces- sions qu'énuméraient les chartes communales accordées ou sanctionnées par les rois. Cette clause de liberté apparaît déjà dans le diplôme octroyé ou mieux vendu en 1111 par Louis le Gros aux bourgeois de Laon. C'est, à ma connaissance, son plus ancien exemple. Elle se répéta par la suite dans des textes nom- breux et se répandit largement, surtout sous le règne de PhiUpps- Auguste. Mais les villes ainsi favorisées n'étaient point des villes 1. Hislor. de France, XVII, p. 315. Je ne vois pas que, comme le croit M. Petit- Dutaillis (Louis VIII, p. 418), Nicolas de Bray ait jamais prétendu que Louis VIII ait affranchi tous ses serfs : « Servis servitii juga libertate remittens » n'implique rien de pareil. 2. Béroul. Le roman de Tristan, éd. E. Muret (Les Classiques français du moyen- âge), in-12, Paris, 1913, v. 3007 suiv. 50 ROIS ET SERFS royales ; les serfs ainsi aiîrancliis n'étaient pas les hommes de corps du roi. Sur leurs terres les Capétiens n'ont permis les com- munes que tout à fait par exception. Nous possédons néan- moins (juclques chartes communales délivrées par eux en qualité non plus seulement de rois, mais aussi de seigneurs immédiats : celles de Dreux, de Senlis, de Crépy-en-Valois, et les actes établis au profit des places fortes du Vexin qui, boulevards de la monarchie contre les entreprises des souverains anglo-normands, lurent l'objet de grâces spéciales ^. Mais seule la charte de Crépy, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure, prescrit la suppression de la mainmorte et du formariage. Rien de pareil ne se lit dans les privilèges des autres villes, soit que leur population fût libre de toute ancienneté, soit que le rachat des charges particulières aux serfs y eût formé la matière de documents distincts, aujour- d'hui perdus 2. Pourtant l'histoire du mouvement communal n'est pas sans lien avec l'histoire de l'afïranchissement des serfs sur le domaine royal, à ses débuts. Au xiiarlcs et ])rivilèges de la ville de Dreux » l"acle pm' IccmçJ Robert, comte de Dreux, confirniaeii IISO la connnune octroyée i)ar soii pôrc'. -Gf, Luchaire, Louis VI, c. (524. Celle de Senlis. dans J. Flanynermont,, i-//i'/()jrt des instilulions munieipalcs de Senlis (Bibl. Le. Ilaulcs LJliidés, î. 4.5), IcSSl, p. 15». Celles de Mantes, Ordonnances, XI, p. 197 (Lucliaire, Louis VI, c. 10.5) i CMumo]4t en Vexin, Pontoisc et Poissy, Delaborde. Actes de Philippe-Auf/usIe, n"" 59, 233 et 234. On peut citer aussi' une petite commune établie ))ar Phiiii)pe-Auf,niste dans le villa^je royal de Laneuvillcroy, en Beauvaisls. Cf. Bourrin, La cammune de •5of.s.w;M, p. 270 suiv. Le servage y subsista." après l'octtoi du droit coniuiUiial. 2. A Senlis la charte, accordée par U)uis VII e1i.ll7;3. mentionne le formariage «t le ehcvage. Mais il s'agit seulcjnent. semble-t-il, de serfs seitau-uriaux^cttBipris dans la commune. Vraisemblablement, à cette épo(|ue, * le roi n'avnit pkis d.e secfe à Senlis ». Flammem>Ç)nt, lor. cit., p. 7. lin tout cas, cioiis ne.\iJQsséiitlons. pafe jiour Senlis de manumission accordée par le roi. ...;- ".'■^- ./ ,;:itjt ,-i;!il .i.I-;ii ,\t>v;ô LES Al FRANCHISSEMENTS ROYAUX 51 des Capétiens l'aboliliou des redevances perçues sur les serfs : en va voir par quelles étapes. Le plus ancien diplôme en faveur des serfs Orléanais remonte à Louis VI. 11 fut expédié par la Chancellerie à la date du 11 avril 1137. 11 n'avait qu'une portée restreinte. Entre tous les droits serviles, il ne touchait que la mainmorte, et ce n'était point pour en prononcer l'abolition définitive, mais simplement pour établir une prescription. Les exigences des officiers rovaux étaient d'autant plus insupportables qu'aucune limite de temps ne les arrêtait ; ils ne craignaient pas de réclamer sous prétexte de mainmortes des successions échues depuis de nombreuses années. Louis VI défendit que les héritiers, en possession depuis sept années révolues, fussent désormais inquiétés. Concession bâtarde, imaginée peut-être pour calmer à Orléans une efîer- vescence menaçante ^. ,; iQu'un mouvement quasj-iwolutiônnaire se préparât dès lors àlQrléansyil n'est,, en effet; guèçe:possible d'ie il )douter. Il éclata quelques mois après. A peine Louis le G"ro^, et ait-il mort, — le ler août de cette même année 1,13^^,— que fes^ bourgeois procla- maient la comiïiutie.? Cependant 'Louis VIL iurpris eh Aquitaine par la nouvelle e[ui le faisait lilaître; du royaume^ r6v;enait en hâte vers Paris. Sur son passage il ; j' arrêt ft^ à. Orléans-, refasa de reconnaître 'la comniunet t-iQpmm« etit ^ Singe'!'^ « rÉpima bravement t^follfs entreprise; rtentée; ,i>ar ■quelq.ues..^pts^coàitre La .aiîâjesté royale ; cela :n' alla: pas sa-iig S^iïffr£(hee9?^o:ur iqBBlcjfues'-tinj » 2. Orléans, vieille cité patrimoniale des Capétiens, au nœit-é 'des routes sur la Loire, riche marché et .poiht stratégique depremer OTdsei devait rester étroitement dans la maiir des Tpis îet' lïe pouvait avoir de commujne; ; . ni oh : :,!-^i•f•jq!J,'^ ■-. ' 1. Le diplôme de Louis VI est perdu. Nous ne le connaissons que par la mention qui en est faite dans le diplôme de Louis VII cité ci-dessous p. 52, n. 1. Cf. Luchaire Louis VI, no 582. Voici comment ses dispositions sont résumées par le diplôme de Ltmis VU V « Item pat er no&ter„. conc<'Sserat quod nec ipse nec servieiitts iiui aliqûas mortuas manus rcquircrent que.antc septcm annos retroactos eveniss'cnr^.) Ce ti'xte est fort peu clair. M. Luchaire l'a compris, semble-t-il. comme une tiispo- sitix^n tçanfvitoire : le rai renonce à faire" valoir ses droits «sur les mainmort:(?$\ échues antérieuremeirt aux. sept deruièxcs années' k J'aime mieux y voir un rè<dè textes r^ëui-i tsi^riif^ à l'élude de l'histoire^ 4. 4),, 1881, p. 165, ; . r : . . . < .'.'■ ,->i.v.ui- -.nVr"!-.; >,^ 52 ROIS ET SERFS Sans doiile remploi de la force ne suflit-il point à calmer les esprits. Dès le début de l'année 1138, Louis YII crut devoir accorder quelques faveurs à la ville dont il avait brisé les velléités d'indépendance ; d'abord l'amnistie, puis quelques privilèges d'ordre administratif ou financier, les uns nouveaux, d'autres renouvelés de diplômes royaux antérieurs. En particulier, il confirma la règle établie par son père, l'année précédente, au sujet de la prescription des mainmortes ^. Neuf ans après, nouveau pas en avant. Se trouvant séjourner à Orléans au cours de l'année 1147, Louis VII, considérant que la mainmorte y était devenue pour les hommes du roi la cause d'une grande oppression, en interdit, à tout jamais cette fois, la perception dans la ville. Ainsi la plus lourde des charges qui pesaient sur les serfs était abolie, — mais non pas la servitude tout entière ^. La servitude ne disparut à Orléans qu'en 1180. Cette année-là, Louis VII affranchit tous ses hommes et femmes de corps de la ville et des faubourgs ^. C'était la concession dernière. Il avait fallu aux serfs Orléanais quarante-trois ans pour l'obtenir. Leurs efïorts vers la liberté n'ont pas laissé d'autres témoi- gnages que des diplômes remplis par la phraséologie propre à ce genre de documents, et quelques lignes d'un historiographe officiel qui raconte et réprouve leur révolte. Quels troubles, quelles négociations, quels marchandages sans doute ont rempli ces quarante-trois années ? C'est ce que l'histoire ne saura jamais. Une autre grande ville du domaine capétien sut se faire accorder par Louis VII, sinon l'aflranchissement total, du moins la suppression de la mainmorte. C'est Bourges, à qui il faut joindre la seconde ville royale du Berry, Dun-le-Roi. Nous avons conservé le texte d'un diplôme délivré aux gens de Bourges et 1. Diplôme éd par IJimbenct, Me'm. de la soc. d'af/ririiUurc d'Orléans, XVI (187^), p. 67. Cf. Luchairo, I.nuis VII, c. 15. 2. lid. Luchairc, Histoire des instiliilions monarchi(iiies de la France sous les premiers Capétiens, 2" éd., II, 1891, p. .'}37, d"aprùs l'oriiiiiial conservé aux Archives I)éi)arlomentak's du Loiret. Cf. Ludiaire, Louis VII, c. 207. .'5. .\cte édité maintes fois, notamment Ordonnances, XI. p. 214; cf. Luchairc, Louis VII, c. 771 et \. Cartellieri, I'hilipp-Au;/ust. I, Leijjzij,' et Paris, 1890, Bei- lagen, p. 60, c. 7.5. Lorifjinal se trouvait autrefois aux Archives Municipales d'Or- léans (cf. Ordonnances, loc. cil. et Hubert, AiUiquile: historiques de l'église royale LES AFFRANCHISSEMENTS ROYAUX 53 e-Auuuste, c. 20(),'-5. 2. En particulier les hommes et femmes demeurant sur les « terres » (domaines royaux) d« Meung, Gémif>nj' et Champ. .Je dois l'identification de plusieurs ])armi les no:r.s de lieux cités dans la manumission orléanaise à l'érudition et l'obligeance de M. .J. Soyer, archiviste du Loiret. LES AI FRANCHISSEMENTS HOVAUX 55 le Coudreau, ainsi que outre Loire les hommes et femmes domi- ciliés à Saint-Mesmiii et autres hameaux. Enfin Louis Vil n'a pas défendu la perception de la mainmorte seulement à Bourges et Dun-le-Roi ; la seplaine de Bourges, c'est-à-dire, semble-t-il, sa banlieue, et la sénéchaussée de Dun tout entière participèrent à cette même faveur. Que dans chaque ville les faubourgs et la banlieue aient dé- fendu les mêmes revendications et obtenu les mêmes succès que le centre du groupe urbain, on ne saurait s'en étonner. Mais la sénéchaussée est déjà une circonscription plus vaste ^. Et les deux privilèges Orléanais dépassent de bien loin les remparts de la cité. Le plus ancien surtout, celui de 1147, frappe au pre- mier abord par l'extrême étendue de la région à laquelle, si on le prend au pied de la lettre, il paraît s'appliquer : le diocèse tout entier. Ne nous y trompons pas cependant. Il est probable que les deux- diplômes de Louis VU, celui de 1147 et celui de 1180, avaient au fond à peu près la même portée. Le roi possédait à l'intérieur du diocèse d'Orléans, des serfs dans un certain nombre de localités. Fallait-il afin d'éviter toute équivoque, donner une liste de ces terres ? Le clerc qui rédigea l'acte de 1180 ne crut pas pouvoir s'en dispenser. Son énumération, il est vrai, ne brille pas par la clarté ; il n'a même pas eu le courage d'aller jusqu'au bout de sa tâche : il n'a pas transcrit tous les noms de hameaux qui s'olTraient à lui. Grâce à son zèle pourtant, nous savons quels étaient, dans l'Orléanais, les principaux villages habités par les serfs royaux. Son prédécesseur, le scribe de 1147, n'avait pas le même esprit de précision ; il lui parut sans doute fastidieux, et peut-être inélégant, d'enfiler, à la suite les uns des autres, tant de noms plus ou moins barbares. Puisque tous les lieux privi- légiés étaient compris dans le diocèse, il se borna à indiquer, comme limites à la libéralité royale, les frontières mêmes de cette circonscription ecclésiastique. Entre les deux diplômes il y a 1. Il faut d'ailleurs ajouter que si la septaine de Bourges avait au xii" siècle la même étendue qu'au xvii'=, elle dépassait de beaucoup les dimensipns d'une banlieue ordinaire. V. la liste des localités comprises en 1553 dans la septaine S. Cathcrmot, Les Tribunaux de Bourges, in-4, Bourges, 1683, p. 6 ; cf. Jean Chu- neau, Histoire de Bernj, fol.. Bourges, 1566, p. 247. Dans ce cas la raanumission de Bourges serait, par son ampleur, de tout point comparable à la manumission orléanaise. L'étymologie du mot de septaine est obscure et a beaucouji fait divaguer. 56 ROIS ET SERFS surtout, à mon avis, une différence de forme. Ils intéressaient probablement, à peu de choses près, les mêmes agglomérations rurales. On ne dira jamais assez combien les mauvaises habi- tudes de certains employés de chancellerie ont valu de per- plexités aux historiens ^. Les villages affranchis par Louis VII forment autour d'Orléans une sorte de cercle. Le plus éloigné, Neuville-aux-Bois, est à plus de vingt kilomètres de la ville. Comment expliquer que leurs habitants aient participé à la même mesure de liberté que les bourgeois ? Le silence des textes sur ce point est absolu. On ne peut faire que des hypothèses. Voici celle qui me paraît la plus vraisemblable. Les communautés rurales, au Moyen-Age, ont été beaucoup plus capables d'entente qu'on ne se l'imagine quelquefois. Leur vie nous échappe presque complètement ; les chroniqueurs les ont dédaignées ; les actes rédigés par les chancelleries enre- gistrent quelquefois les privilèges conquis par elles ; mais, selon une fiction trop facile à comprendre, ils les présentent tou- jours comme des concessions gracieuses faites, dans un esprit de pure bienveillance, par les seigneurs ou par les rois. Néan- moins quelques renseignements épars de ci de là laissent entre- voir dans les campagnes des groupements assez forts et un esprit d'union assez répandu. L'histoire des petites communes du Laonnois est bien connue. Je citerai deux autres exemples, qui intéressent des régions plus voisines de l'Orléanais. Sous Philippe-Auguste, trois villages de la Beauce, Abonville, Boisville-la-Saint-Père et Germignonville s'unirent dans une commune révolte contre les moines de Saint-Père de Chartres leurs seigneurs. Nous ignorons presque tout de cet épisode. Le cartulaire de Sainl-Pèrc nous a conservé la copie d'un mande- ment daté du mois de novembre 1220 par où le roi invitait ses bailhs et ses prévois à prêter main-forte à l'abbé ^. C'est notre 1. Il y a pourtant une difficulté. Ctst que Janville, compris dans le diocèse d'Orléans, n'a été affranchi que par Saint Louis (cf. ci-dessous, p. 61). Peut-être ce village n'appartenait-il pas encore au domaine, au temps de Louis VIL Et puis il est probable qu les deux diplômes de Louis VII avaient à peu près le même champ d'application ; mais rien n'oblige à supposer qu'ils s'étendaient exactement aux mêmes agglomérations. 2. Guérard, Carlul. de S. Père, 11, p. 683, D° xcvi ; cf. Delisle, Philippe-Auguste, i. 2002. LES AFFRANCHISSEMENTS ROYAUX 57 seul document. Nous savons d'autre part qu'en 1258 et 1266 deux de ces villages, Boisville i et Abonville ^ obtinrent, à prix d'argent, la franchise. Toutefois le terme de manumission conviendrait mal aux actes de « paix » que conclurent avec les moines ces fiers paysans. Les gens de Boisville et d' Abonville durent, il est vrai, se résoudre à payer une certaine somme afin de ne plus être inquiétés pour la perception des droits servîtes ; mais (à tort ou à raison) ils ne consentirent point à reconnaître qu'ils avaient été serfs ; dans les accords eux-mêmes ils firent insérer leur protestation ; ils déclaraient n'avoir jamais cessé d'être libres. Dans cet attachement à la Uberté, on doit sans doute voir déjà l'origine de la rébellion de 1220. Sous saint Louis sept villages des environs de Paris, apparte- nant au chapitre de Notre-Dame, s'unirent pour une action toute pacifique cette fois, au moins au début. Us désignèrent des délégués communs qui, au nom de cette sorte de confédé- ration, cherchèrent à négocier avec les chanoines un vaste affran- chissement. Les pourparlers durèrent longtemps. Us se rompirent enfin. Quelques temps après, un des villages eut une querelle avec le chapitre. Les autres villages a figues » furent soupçonnés d'inspirer sa résistance et de lui fournir un secours pécuniaire ^. Nous ne connaîtrons jamais les événements qui ont précédé et préparé la grande manumission orléanaise. Mais faut-il supposer qu'ils ont été très différents de ceux par oîi s'est annoncé sur les terres de Saint-Père ou de Notre-Dame l'affran- chissement des serfs ? Ces villages dont les noms figurent côte à côte dans le diplôme de Louis VII, d'où vient qu'ils appa- raissent ainsi groupés entre eux et avec la ville voisine ? hasard, caprice de la bienveillance royale : il est difficile de le supposer. Un pareil groupement évoque beaucoup plutôt l'idée d'une alliance : négociations poursuivies en commun, peut-être résis- tance commune. Quand les paysans de Notre-Dame de Paris négocièrent avec les chanoines l'achat de leur liberté, plus tard 1. Ibid., II, p. 703, n» cxxxiv (septembre 1258). 2. Ibid., II, p. 711, n» cxxxvii (1265 a. s. vendredi après Letare, — 1266 n. s. 12 mars). Les habitants de Germignonville furent affranchis peu à peu, par familles ou petits groupes. 3. Jai raconté ces faits dans mon travail sur Blanche de Castille el les serfs du chapitre de Paris, 58 HOIS ET SERFS quand ([iiol([ues-uns d'ouliv eux, après une sorte de révolte, tentèrent une réconciliation, ils prirent pour intermédiaires des bourgeois de Paris. Combien les raisons d'union ne devaient-elles pas être plus fortes encore, quand gens de la ville et gens du plat pays étaient également serfs, et du même seigneur, le roi ? Les bourgeois, propriétaires fonciers presque autant que com- merçants, avaient souvent des intérêts à la campagne ; ils y faisaient des placements. Si la franchise accordée par Louis VII a dû être payée, sans doute l'argent a-t-il été prêté, sous une forme ou sous une autre, par les alîranchis de la ville aux afïran- chis des villages. J\lais a-t-elle été payée ? Et d'une façon générale, les manumis- sions ou les exemptions de droits servîtes accordées par les rois ont-elles été des faveurs gratuites, ou bien ont-elles été vendues ? Les diplômes de Philippe Auguste pour Pierrefonds et la Ferté-^lilon ne souiïrent point d'éciuivoque. On y trouve expres- sément mentionné le prix de la liberté, conçu d'ailleurs chaque fois sous une forme différente. Pour Pierrefonds, c'est une rente : vingt livres parisis par an. Pour la Ferté-Milon, la combinaison adoptée est moins simple : les bourgeois devaient anciennement au roi une redevance annuelle (censa) de quarante livres ; la coutume les autorisait à payer en monnaie noire, c'est-à-dire en mauvaise monnaie ne renfermant pas le poids légal d'argent ; désormais ils verseront quarante livres en bonnes espèces parisis. Les droits servîtes, toujours fort aléatoires, faisaient ainsi place à un revenu assuré et fixe. Vraisemblablement les deux parties en cause, Trésor et contribuables, trouvaient également leur profit à cette transformation ^. Quant aux autres actes ils se présentent à les interpréter littéralement comme des privilèges purement gracieux, comme des témoignages d'une bonté toute désintéressée 2. Nul paiement 1. L'ensemble des privilè.^es accordés aux gens de Crcpy i)ar leur charte conunu- nalc — parmi lesquels figurait rexem])tion de la mainmorte et du formariage — valut au roi une rente de 370 livres en monnaie noire. 2. Les formules de piété sont d'ailleurs extrêmement simples dans les diplômes de Louis VIL Quant aux afTranehissements émanés de Philippe-Auguste, ils se donnent tout uniment pour ce qu'ils sont : des rachats de droits, par les serfs, et non des actes de i)iété royale ; seul celui de PieiTefonds renferme, non pas une pensée pieuse, mais une allusion à un des inconvénients i)raliques de la condition Li:S AI FH ANCHISSEMENTS ROYAUX 9^ n'y est iiuliqué. Mais peul-ou tirer de celle omission une conclu- sion quelconc[ue ? Je ne le pense pas. Voici pourquoi. La piété commandai l au seigneur de donner à ses serfs la liberté : l'intérèl bien entendu lui conseillait de la leur vendre. Tel est le dilemme qui, comme je le montrerai plus loin avec plus de détails, pesa sur la pensée du Moyen-Age. Il conduisit les hommes de ce temps à une conception médiocrement sincère de l'acte de manumission. Même accordé contre uue forte indemnité, cet acte parut longtemps devoir présenter extérieu- rement la forme d'une donation ; il ne semblait pas décent d'y indiquer le prix versé. Ce n'est guère qu'au xiii^ siècle qu'on commença à rompre avec cette coutume : avec quelles hési- tations, quels retours en arrière, quiconcjue a feuilleté des recueils de chartes peut aisément s'en rendre compte. L'ofTicialité de Pari«, jusque vers 1275, ne consentit qu'exceptionnellement à faire mention des sommes versées ou dues par les nouveaux affranchis. On mettait une sorte de pudeur à avouer la nature réelle d'une opération pourtant courante : le rachat par un serf ou un groupe de serfs des charges propres à leur condition. Ainsi un nombre considérable de manumissions se donnaient pour gratuites. L'étaient-elles vraiment ? Dans bien des cas particuliers, le problème demeure insoluble. Du moins une chose est sûre : c'est qu'il ne faut pas croire ces textes sur parole ; car il arrive c[ue nous puissions les confronter avec d'autres documents, qui les contredisent. Du mois d'août 1253 au mois de janvier 1255, les chanoines de Notre-Dame de Paris accor- dèrent onze affranchissements, par pure générosité, semble-t-il au premier abord. Ouvrons le Uvre de comptes du chapitre ; nous V trouverons les noms de tous les alîrancliis, avec les sommes payées par eux ^. L'abbaye de Sainte-Geneviève, enl248, rendit à la liberté presque tous ses serfs de l'Ile-de-France ^ ; elle rédigea de belles lettres de franchise, où il n'était point question d'ar- gent, et à côté d'elles fit établir des lettres de créance (obliga- servile : la difTiculté que les serfs éiirouvaicnt à se marier : « X'os igitur utilitatem castri nostri et- ipsoruni hoininuin attendentes quia idem homines paucos invenie- bant qui eorum maritagia pro])ter dictam angariam alïectarcnt ». 1. Guérard, Cartulairc de X.-D. de Paris, III, p. 467-468, n° cxci. Je ne puis citer ici toutes les cotes d'archives des affranchissements visés. 2. V. ci-dessous, p. 67. 60 ROIS ET SERFS tiones) par où les anciens hommes de corps s'engageaient à des versements déterminés i. Aussi bien, pourquoi demander nos exemples aux seigneuries ecclésiastiques ? Les archives royales nous en offrent d'aussi nets. Nous verrons tout à l'heure saint Louis, affranchissant le village de Yilleneuve-le-Roi, taire dans la charte de liberté le prix que nous fait connaître un fragment de compte. Le même silence qui, au temps de saint Louis, ne prouve rien ne saurait non plus rien prouver sous Louis VI et Louis VIL Mais aucun document ne permet de contrôler les diplômes de ces deux rois. A s'en tenir strictement aux textes, il faudra donc répondre à la question que je posais plus haut : nous ignorons absolument si les gens de l'Orléanais, de Bourges et de Dun ont conclu un marché ou reçu un cadeau. Mais faut-il s'interdire tout appel aux vraisemblances histo- riques ? Les charges servîtes rapportaient, malgré leurs défauts, un revenu notable. D'autre part, le gouvernement royal était justement soucieux de ses intérêts. L'entourage des Capétiens se composait d'hommes d'État, non de mystiques. Il est infini- ment peu probable que ces hommes raisonnables et qui savaient la valeur de l'argent aient de gaieté de cœur sacrifié des droits lucratifs sans réclamer et obtenir une large compensation. Croire aux affranchissements gratuits, ce serait prendre des financiers pour des philanthropes. § 3. — Les affranchissements sous saint Louis. Louis VII et Philippe Auguste avaient aboli le servage dans des villes. A quelques-unes de leurs chartes de liberté, il est vrai, les populations des campagnes avaient participé, mais seulement comme liées aux populations urbaines voisines. Sous saint Louis les grandes manumissions rurales tirent leur apparition. 1. Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 351, fol. 99 à 102 et 356, p. 324. Même procédé employé par l'évêque de Paris Guérard, Carlulaire de N.-D. de Paris, ni, p. 342, n" Lxvi. Peut-être l'était-il aussi par le chapitre ; mais les lettres se sont perdues. Les livres de comptes de Sainte-Geneviève mentionnent d'ailleurs à plusieurs reprises le i)rix des aflranchissements. LES AFFRANCHISSEMENTS ROYAUX 6t A notre connaissance, elles se sont étendues à quatre régions différentes : les environs de Paris, — la Beauce, — la châtellenie de Pierrefonds (vallée de l'Aisne et plateaux au sud de cette rivière), — le Laonnois. Près de Paris, ou, plus précisément, dans le pays immédiate- ment au sud de cette ville, saint Louis affranchit, de 1246 à 1263, les serfs royaux habitant Villeneuve-le-Roi, Thiais ^ le Val 2, Arcueil, Granchet ^, Orly, Paray, Issy, Meudon, Fleury, Valen- ton et un autre lieu appelé Villeneuve qui est vraisemblable- ment Villeneuve-Saint-Georges. Cette hste. est déjà longue ; elle n'est peut-être pas complète. Sur ces faits, nous sommes très mal renseignés. Les registres de la Chancellerie nous ont transmis le texte de deux seulement parmi les lettres de manu- mission qui furent alors accordées ; l'une concerne les habitants de Villeneuve-le-Roi, au nombre de 326, enfants non compris *, l'autre, quelques-uns des serfs de Paray, qui semblent avoir reçu leur liberté par plusieurs actes successifs^. Les autres « franchises " ne nous sont connues que par le rôle des baiUiages de France de la Toussaint 1256, où leurs produits figurent parmi les recettes du prévôt-bailli de Paris; ce document a péri, comme tant d'autres de son espèce, mais Brussel en avait pris un extrait, qu'il a reproduit dans une note de son Xouvel examen de V usage général des fiefs, où nous pouvons le lire^. Ainsi le hasard d'une citation nous a conservé les noms de onze villages du Parisis, déhvrés de la servitude par saint Louis ; d'autres heux voisins ont pu obtenir le même privilège sans que leurs noms soient venus jusqu'à nous. Pour la Beauce, nous sommes plus mal partagés encore. Un arrêt rendu au Parlement des octaves de la Toussaint 1262 mentionne la liberté octroyée sans doute peu de temps aupara- vant par le roi à ses hommes de Janville '. C'est tout ce que 1. Dans le compte cité ci-dessous n.G. Thiell... ; identification douteuse. 2. Même compte, Vall... ; localité non identifiée. 3. Même compte : localité non identifiée. 4. Octobre 124G, r. 20. JJ 2t), fol. 9(> et lat. 9778, fol. 68 ; Ordonnances, XII, p. 321. 5. JJ 30 A, fol. 103. Vincennes, février 1263. 6. II, p. 467 n. e ; Histor. de France, XX II, p. 742 e-f. 7. Olim, I, p. 164, n» xiii. 62 ROIS ET SERFS nous savons. Jnnvillo l'ul-il le seul village beauceron à bénéficier d'une pareille laveur ? 11 i'auL poser la question ; rien ne permet de la résoudre. La ville de Pierrefonds, depuis Philippe Auguste, avait cessé de devoir la mainmorte et le formariage. Les serfs de la châtelle- nie environnante n'acceptèrent pas longtemps de rester soumis à ces charges. Ils négocièrent avec Blanche de Castille, qui possé- dait le pays en douaire ; après la mort de la reine-mère, ils obtinrent de saint Louis son fils l'afîranchissement qu'elle leur avait sans doute promis ^. Le diplôme c[ui les lit libres est daté de septembre 1255. 11 est fort court. Mais son rédacteur prenait soin de renvoyer le lecteur, pour complément d'informations, à une pièce auxiliaire, désignée en ces termes : « un cahier inséré dans un des registres du roi «. Ce précieux document n'a point disparu. On le trouve aujourd'hui encore à la même place, semble-t-il, c^u'en 1255 ; il est relié entre deux feuillets du véné- rable Registrum Giiarini. Il donne les noms, villages par villages, des nouveaux aiïranchis et les sommes payées par- i. Chacun d'eux. Vers le même temps que la chàtellenie;, ^eux, loçÊllitéfe situées sur la rive droite dq:,l';0J5!e,R€my et ]\Jargi;ay, ^vaiend^ reçu du roi la liberlfé, par une;. lettre qii€,}iou>sjijavQft«.;plu3.^{ l^e cahjev A^c^û^ifjhtiégî^tçmeiît les.rejiSjejgiremejits, fjij^ jks çonciérq ri^,€^ûjt.. Ce gj"3ii4:jaGJbç.rpo!y!^I eïïibras§avai^\si>drente!tSppt, yiUages où .habitaieiitrOS^ pCkéiif^ges ^eryilesrp..-: b b'I/3^cfl 'J iarilA -L;,^ lettre de aianumissi-on ppur;le Laonnois s'^si pejdue.JVIaîsr u^ie)lis!te?iaiiaJi(j^iAe; à.çdle du ,G,^liiidr, du Pierrjefaïub çu; a,,coi\seryè le souvenir. Ouvrons en effe\,Ie^qgis|;E<^j^iÊléiqvii pointe a^jpurd-'hMif .5'îoono c'jgGhBq f£m çjjlq c'jîiimo?. euoii .oojjGoa rA •mo'-l L'IiJPottt TaÉrtxTii'dhiSsi?méiifed"e ta ohûtelleme; dfiFÎarrî^oùifi, JvbiS^esise'ài'l'ApI pcndice I où l'on trouvera les références. , , ■' a . -, ■ 21 T^n'ïirrôf fTu Parïemeilf rendu à là session de Toctave de la Toussaint l2éë nous fait connaître les noms de deux autres localités, aux environs de Corapiègney oti vivaient des- serfs affranchis par Saint Louis : Armancotirt et Canly': et de dciix autres localités, dans le même cas, que je n'ai pu identilier. Cf. Appendice I, ]). 179. 3. Trente-sept villafies : c'est Je chiffre donné par le cahier. I^our les divergences entre le cahier et^la nianumission, v. ci-dessous, p. 178 n. 3. Par ménage servile j'en- tends le groupe (composé, le, plus soliveut d'un mari-et d'uiie femme, mais (fuelqie- fois aussi constitué i)ar une communauté familiale.. d'une autre tiature, et parfois même réduit à un seul individu) qui formait unité liscale. Le rédacteur du cahier Uici se souciait pas d'énumérer le;v individus ; il a éiumiéré soigneasemenl chafjiu' versement, indiquant chaque fois non pas le nom de tous ceux au nom de qui; avait été fait le paiement (les enfants en bas iViic: ne soiit jjunais .lucntiounes), mais les noms des ])rincipaujx..(l'ïn.trc eux-' A chaque versement correspond ce ^e — faute d'un meilleur mot — j'appelle un ménage. .,;.< ;; . ■/ .(, .i ,;r.;'iv'' .. LES AFFRANCHISSEMENTS ROYAUX 63 aux Archives Nationales la cote JJ 30"^. Entre autres pièces, datant du règne de saint Louis, et, plus précisément, des années 1258 à 1260, on y lit, aux folios 154 à 156, une longue énuméra- tion dont voici l'intitulé : « Ce sont les noms des villes et des per- sonnes auxquelles la franchise est concédée par le roi, dans la terre laonnoise >>. Suivent les noms de cjuarante-et-un villages et plus de 712 serfs et serves ^. Ainsi, sous le règne de saint Louis, de vastes alîranchisse- ments se sont étendus sur les domaines ruraux des rois. Leurs bénéficiaires ont été le plus souvent non pas. des villages isolés mais des groupes de villages. Pour la chàtellenie de Pierrefonds et le Laonnois, la chose saute aux yeux. Dans la région parisienne elle-même, où le mouvement paraît avoir eu un caractère plus fragmentaire, les localités c[ui versèrent, en 1258, au prévôt, le prix de leur manumission sont énumérées dans le compte trois par trois, ou quatre par quatre : unies pour le paiement comme elles l'avaient été sans doute dans l'acte de concession royale. Nous savons déjà que ces associations n'avaient rien d'excep- tionnel. De nombreux serfs ont dû à Louis IX leur liberté. Or Louis IX fut appelé saint. Ne serait-il pas tentant de chercher dans ses sentiments mêmes et dans la.géiiérosité;ide_son cœur l'origine de tant d'actes d'aiïranchissements ? Certains panégyristes ont .préteaiiu. Mtril^ii^i:, à. L'ji||lueac,e^;dii jj^i^iux, souy^rain ju.sq^^'aux lïi^htrTriîssîons .fïrîvêe's:,octriÉivê€SVSQ«9 is-^n rè^të par divers' ^i^ ^neuifS "^ ; ils ignaraient les faits qu€ j'ai- rapportés plus îia^', sMÎs avai^at -pii .; citer les i privilèges ^accordés, aux' villages /:àiii ï^aiïsfôv iCiji:^^'îï-^HÎi&iSb.et'^ pays. âfèPîerrefoud»,y nul doute cftif îeïïr ^éioqùericé ;;ii"^-qtûA^iitrQ^^ j^e^^i tli^^ïié^i'^^dirifrai^l^ç^ Seconds 3 - ••-Vv" --/i^ .rn^mouoaàljp^imi.. ..)y.,i y.':-^h ■:,.:: -jin.Ar -.i, .U. . 1 .. Appendice--!;': p. '000.; Jfe n?ai compté. qui n'étaient que par occasion percepteurs de droits serviles, il régnait sans doute (juelque incertitude dans les pratiques administratives ; toutes les mainmortes n'étaient pas perçues par eux. Cf. Mignon, c. 1129. 4. Pièces justif. VII. LES COLLECTEURS DES MAINMORTES 77 ment, par la même lettre, désignés comme « enquêteurs des biens concelés «. Il est vrai que cette désignation a passé au second plan. Les redevances serviles, à l'origine simples cas particuliers dans une classe de revenus, ont vite absorbé toute l'activité des fonctionnaires chargés de les recueillir. Les collecteurs des mainmortes, comme tant d'ofllciers de la monarchie, et de plus haut placés, ont commencé par être des délégués temporaires avant de devenir des agents permanents ; ils n'étaient, par leur origine, que des enquêteurs spécialisés. Les enquêteurs opéraient en principe deux par deux. De même, au moins à l'origine, il y eut deux collecteurs des mainmortes pour chaque circonscription, nommés tous deux par la même lettre royale. Ils opéraient quelquefois solidairement. Mais plus souvent ils travaillaient chacun de son côté. Très probablement, en bien des cas, un seul d'entre eux exécutait réellement sa commission, son collègue étant retenu ailleurs par d'autres fonctions ^. C'était en effet une habitude invétérée chez l'administration capétienne que de confier en même temps plusieurs tâches diffé- rentes au même agent. Sans les cumuls, on n'eût jamais trouvé un personnel suffisant pour faire face aux innombrables com- mission's délivrées chaque année par la Chancellerie. De cette pratique, les collecteurs des mainmortes fournissent des exemples très nets. Chargés de la perception des droits serviles, on les voit au même moment, dans la même région ou dans des régions voisines, exploiter des régales ou des annates, lever les décimes ou les finances pour l'ost. En Champagne, l'un d'eux fut rece- veur du comté 2, Rien d'étonnant que dans ces conditions 1. Ainsi que le prouve en particulier l'examen des comptes originaux ou inven- toriés par Mignon. Très souvent un seul des deux collecteurs présente son bilan. D'ailleurs les lettres de commission leur donnaient le pouvoir d"agir indépendannnent l'un de l'autre (V. Pièces justif. I et VII). Pourtant ces lettres devaient leur être communes. Guillaume de Mussi, en fonctions comme enquêteur des mainmortes de Champagne depuis le 29 août l'298, reçut une nouvelle commission en même temps que son nouveau collègue Jacques de Saint-Aubcrt. le 23 mars 1303, — une nouvelle encore lorsque Jacques fut, le 28 octobre suivant, remplacé par frère Raoul de Gisi. De même, lorsque Oudart Maquart fut adjoint à Hugue de Serqueux déjà en fonctions, une lettre datée du 23 mars 1318 fut expédiée conjointement aux deux collègues (App. II, § 2, c. 11, 12, 13, 20. 21). 2. Pour ces faits, v. App. II, § 2, les indications recueillies sur les cursus des collecteurs. 78 ROIS ET SERFS quelques-uns d'entre eux n'aient sans doute eu du collecteur des mainmortes que le titre. Les collecteurs appartenaient à ce corps de fonctionnaires royaux qui a tant fait pour l'établissement de la monarchie et après tout pour la formation de l'État français : groupe social trop mal connu et trop difficile à connaître. Il faudrait, pour commencer à en pénétrer l'histoire, réunir des renseigne- ments abondants sur l'origine et le cursus des hommes qui le composaient. J'ai tenté ce travail pour les collecteurs. J'ai récolté peu de chose ^. On rencontrait dans leur rang, à pro- portion semble-t-il à peu près égale, des laïques et des clercs : parmi ces derniers surtout des chanoines (les bénéfices cano- nicaux, lucratifs et peu absorbants, étaient particulièrement recherchés par les officiers royaux que le roi savait au besoin imposer au choix des chapitres), mais aussi un Templier, frère Raoul de Gisi, qui devait plus tard, dans le procès où sombra son ordre, jouer un rôle médiocrement brillant ^. Nous connais- sons avec quelque précision les carrières de plusieurs collecteurs : carrières d'agents financiers d'un rang moyen, elles les prome- naient de régale en double centième et de franc-fief en décime à travers tout le royaume, et les maintenaient toujours dans des postes secondaires. Il faut laisser de côté Guillaume d'e Mussi et Jacques de Saint-Aubert ; la série des percepteurs de droits serviles, pour la Champagne, s'ouvre par leurs noms ; mais, enquêteurs plutôt que collecteurs, leur mission, au moins dans son principe, était, comme nous l'avons vu, singulièrement plus étendue que celles dont furent chargés après eux les fonc- tionnaires qui prirent leur suite. Guillaume et Jacques exceptés, aucun des personnages qui figurent sur nos listes ne paraît jamais avoir atteint aux grands postes de bailli ou de sénéchal, ni jamais avoir siégé dans aucune des sections de la Cour du Roi. Dans le personnel administratif de la monarchie capétienne 1. App. II, § 2. 2. Raoul de Gisi fut nommé collecteur le 28 octobre 1303 ; il était déjà, mais sans doute depuis peu, receveur de Champagne. Cette double nomination est un signe, entre plusieurs autres, du regain de faveur dont le Temple fut à ce moment l'objet. On sait quen cette même année 1303 le Trésor royal qui avait été retiré à l'Ordre en 129.5. lui fut de nouveau confié. Cf. Borrelli de Serres, II, p. 27 suiv. et le compte rendu de cet ouvrage par M. Ch.-V. Langlois, Journal des Savants, 1910, p. 492. LES COLLECTEURS DES MAINMORTES 79 il y avait vraisemblablement des classes assez tranchées, dont on ne sortait guère. Les collecteurs des mainmortes ne se rat- tachaient point à la plus élevée. Examinons maintenant de plus près les fonctions des collec- teurs. Et demandons d'abord quelques renseignements aux titres même qu'ils portaient. L'usage courant les nommait : collecteurs des mainmortes et formariages. Les actes ofliciols étaient plus explicites : Oudart Maquart de Mareuil par exemple, dans une charte passée sous son sceau le l^r mai 1319 S s'intitulait : « Collecterres des mains mortes, des mesmariages \ des aubains, bastars, espaves et des choses concelees et recelées en toute la conté de Champaigne et ou ressort d'icelui ». Il convient d'expliquer les diflerents termes de cette nomenclature. Choses concelees et recelées. — Je n'y reviens pas,m'étant étendu plus haut sur ces mots, témoins des premiers temps de l'institu- tion des collecteurs. Espaves. — Ce sont les biens sans maîtres qui, sur les domaines, revenaient au roi. Leur exploitation posait à peu près les mêmes problèmes que celle des héritages laissés par les serfs morts sans enfants. Il paraissait naturel d'en charger les mêmes fonction- naires. Aussi bien la mainmorte n'était-elle pas un bien tombé en déshérence, une sorte d' « épave » ? Aubains et bastars. — Que viemient-ils faire ici ? Pour le com- prendre, il faut dire rapidement un mot du droit qui les régissait aux xiii^ et xiv^ siècles : droit hésitant, variable selon les lieux et souvent contesté, mais dont on peut néanmoins, comme pour les institutions servîtes, dégager les traits généraux. L'étranger, l'enfant illégitime, l'un comme l'autre n'avaient de famille que leur descendance. S'ils mouraient sans hoirs de leurs corps, et eux-mêmes intestats ^, leurs biens revenaient au seigneur haut-justicier sur la terre duquel ils avaient vécu. 1. JJ 64, fol. 59 vo. 2. Le manuscrit porte mainsmariayes, ce qui est évidemment une faute de copiste. 3. L'aubain, le bâtard avaient-ils le droit de tester ? et si oui jusqu'à concurrence de quelle part de leur fortune ? La question était controversée. Un arrêt du Par- lement du 1() avril 1328 reconnut aux bâtards, au moins à Paris, la pleine faculté de tester : J. Viard, Documents parisiens du règne de Philippe VI de Valois (Soc, de l'Histoire de Paris), I, 1899, n" vi. so ROIS ET SERFS L'héritage ainsi dévolu s'appelait : u mainmorte ». Pour beaucoup de coutumes, les pouvoirs du haut-justicier sur ses aubains et bâtards allaient plus loin encore. Voulaient-ils se marier ? ils ne pouvaient chercher femme que parmi ses serfs. S'ils pas- saient outre, ils devaient le formariage ^. Comment se débar- rasser de ces entraves gênantes ? en achetant du seigneur un acte de liberté, qu'on nommait « affranchissement » 2. — Main- morte, formariage, affranchissement, tous ces mots ont, pour emprunter au Grand Coutumier une expression qu'il applique à l'aubain, ■ une saveur de servitude » ^^ C'est qu'en effet, plus ou moins consciemment, l'opinion tendait à assimiler l'aubain et le bâtard au serf. Enfant né hors mariage, étranger venu de loin, ils n'avaient pas ou n'avaient plus d'attaches familiales ; on n'en concevait que plus forts et plus astreignants les hens qui devaient les unir au seigneur sous la justice duquel ils vivaient. Que les collecteurs des mainmortes aient eu à s'occuper des aubains et des bâtards qui habitaient sur les terres du roi, rien n'est donc plus naturel : ces hommes étaient de condition quasi servile. Il peut au premier abord paraître plus étonnant que les collecteurs aient parfois tenté d'exploiter, en dehors même du domaine, les droits d'aubaine et de bâtardise. C'est que sur ce point, comme. sur tant d'autres, la coutume n'était pas claire. Deux tendances contradictoires se partageaient l'opinion juridique : rattacher le sans-famille au seigneur, ou le rattacher au souverain. Cette dernière tendance répondait à des idées très vieilles \ antérieures à l'établissement du régime 1. Exemple : L. Delisle, Essai de reconslilulion d'un volume perdu des Olim (dans Boutaric, Actes du Parlement de Paris, I), p. ;}(i!t. n" 4 19. 2. Exemples d'afTranchisscments par le roi : d'un aubain, juin 1319, JJ 59, loi. 11, oct. 1347, JJ 72, fol. 214 v%- - d'un bâtard, déc. 1347, JJ 72, fol. 210; — et surtout v. ci-dessous p. 170. Il est curieux de constater que l'alTranchissement d'une bâtarde, daté d'oct. 1342.' dans JJ 75, fol. 23 des mainmortes les entraîne parfois bien loin de leur champ d'action normale : à Provins ^, à Troyes ^ à Sainte-Menehould, à Beaumont en Lorraine ^, et jusqu'à Bruges même ^. Quel que fût le lieu où le serf royal 1. Très nombreuses mentions des sergents dans les comp)les. Il semble qu'ils opéraient par deux ou par trois, chaque groupe ayant pour circonscription le ressort de deux ou trois prévôtés. Vraisemblablement il n'y avait rien de très fixe. Caractéristique du genre d'activité exigé de ces ofTiciers subalternes est l'ex- pression du compte 7 : « Pro expcnsis triuni servientium euncium per preposi- turas Lauduni, Petrefontis, Bestisiaci, Compendii. » Chose curieuse, ils paraissent avoir été à Ja nomination directe du roi : Pièces justificatives V. 2. Exemples d'actes de vente : JJ 38, fol. 67 v° (18 juillet 1303) et JJ 38, fol. 67 (4 janv. 1305). Très exceptionnellement les mainmortes de grande valeur étaient quelquefois affermées au lieu d'èlre vendues : Journal du Trésor du Louvre, fol. 89 \». à la date du 10 juillet 1299 : « De morluis manibus aflîrmatis ad quatuor annos defunctorum .Marie la Graviere, de Evroles, Colardi et Ermengardis iiberorum ejus, pro termino Ascensionis sancli .Johannis evangeliste pro toto primo aniio X 1. par. computatas per Guillebnum de Roquemont, firmario, super re|gem]. » Cas sans doute analogue, Mignon, c. 1967. 3. Compte 5. 4. Compte 2. 5. Compte 11, au v°. 6. Compte 4 ; le voyage dura quatorze jours et coûta Ki 1. 17 s. 1 d. LES COLLECTEURS DES MAINMORTES 83 avait émigré, quelle que fût la terre où il avait ac([uis des biens, s'il mourait sans hoirs de son corps demeurés en sa maimburnie, il fallait coûte que coûte mettre la main sur sa succession. La nature des droits serviles, leur caractère accidentel et comme fugitif, les contestations sans nombre qu'amenait leur perce])- tion, les transactions auxquelles elle donnait lieu, la mobilité des populations rurales, plus grande qu'on ne l'imagine commu- nément, tout conspirait à rendre l'existence des collecteurs sin- gulièrement active et sans doute quelque peu agitée. § 2. - La gestion des collecteurs et ses résultats. Créés pour tirer de droits souvent contestés un fort rendement, recrutés dans un personnel administratif dont on connaît de reste le zèle tracassier, les collecteurs des mainmortes ne pou- vaient manquer d'être impopulaires. Que leur main ait souvent paru lourde aux populations serviles, les rois eux-mêmes l'ont avoué. Le 3 juillet 1315, maître Philippe le Convers et maître Michel IMauconduit reçurent l'ordre de se rendre dans le bail- liage de Vermandois afin d'affranchir les serfs royaux. Les lettres de commission qui leur furent délivrées s'ouvrent par un long exposé des motifs. On y lit ceci. Nous voulons, dit Louis X, que « nostre commun pueple par les collecteurs, serjans et autres offîciaus qui ou temps passé ont esté députez sus le fait des mains mortes et formariages ne soient plus grevés ne domagiés pour ces choses si comme il ont esté jusques -ci, la quele chose nous desplest » 1. La formule est sévère. Qu'on ne s'en étonne point. De tels blâmes étaient de style. En paroles l'administration capétienne était souvent très dure pour ses agents, quitte, en fait, à les maintenir à leur poste. Du reste, offrant aux serfs la Uberté à prix d'argent, les gens du roi avaient intérêt à noircir 1. Pièces justificatives IV. La lettre de commission délivrée le même jour à Xicolas de Brajc et Saince de Chaumont, commissaires aux alïranchissements dans le bailliage de Senlis, ainsi que celle qui fut remise le 23 janv. 1318 au même Xicolas de Brave, assisté cette fois dAnseau de Morienval, présentent exactement le même préambule : cf. ci-dessous le chapitre VL 84 ROIS ET SERFS le tableau de leur servitude. Mais voici, d'après les registres du Parlemeut, un petit fait plus siguificatit ^. C'était au début de l'année 131(S. Le collecteur en Vermandois prétendait « exploiter " comme serf du roi un certain Robert le Normand. Il lui réclamait un formariage. Afin d'en obtenir le paiement, il se rendit au village de Givry, où Robert demeurait. Une petite troupe de sergents et de serviteurs l'accompagnait. Sans doute craignait-il une échauflourée, car il avait exigé du maire du lieu et de ses habitants la promesse de le défendre contre toute voie de fait. Vaine assurance ! Aussitôt arrivé, les parents et les amis du serf l'assaillirent et le frappèrent lui et ses hommes. Deux des sergents furent gravement atteints. Quand le Parlement, quelque temps après, donna l'ordre d'informer, ils étaient en péril de mort. Ainsi les colères rurales éclataient quelquefois. Les collecteurs n'excitèrent pas seulement les haines du o com- mun pueple. » Ils mécontentèrent parfois l'entourage même du souverain. A deux reprises, en r2, de l'autre «les mainmortes (ou formariages) des serfs des églises dont le roi a la moitié (ou le tiers) par appel )> ^. Que désigne ce mot d'appel, au premier abord un peu énigmatique ? très probablement, l'appel fait occasionnellement par les seigneurs ecclésiastiques au concours des collecteurs. Par opposition aux pariages héré- ditaires, il servait à noter des associations de fraîche date, peut-être provisoires. Les collecteurs continuaient d'endosser, au nom du roi, des créances suspectes. En 1302, nouvelle défense^. Fut-elle plus respectée que la première ? Nous l'ignorons ; mais on en peut douter. Les ordonnances royales s'appliquaient surtout à rappeler aux collecteurs que, fonctionnaires d'ordre financier, ils étaient dépourvus de toute qualité judiciaire. Chargés, dans les affaires de leur compétence, de représenter devant les tribunaux les intérêts du roi, ils ne devaient sous aucun prétexte se transformer en juges. Ces sages dispositions contrariaient chez eux des ambitions très tenaces et très vastes. Ils voulaient juger. Toutes les causes servîtes leur semblaient devoir leur revenir. Deux personnes privées se disputaient-elles un serf ? ils évo- quaient à leur barre, au détriment du juge seigneurial, ce litige où le roi pourtant n'avait point de part. Il fallut leur interdire de tels excès d'autorité ^. Quant aux procès de servage où le roi était partie, en droit point d'incertitude. La connaissance en appartenait aux baillis. La règle, antérieure aux ordonnances et rappelée par toutes deux, était trop formelle pour que les collecteurs pussent habi- 1. « Per appellacionein » : comptes 3, fi, 9, 10. Le compte 7, sans consacrer aux appels de paragraphes distincts, mentionne un forniariage <■ per appellacionem factam a thesaurario de Souci pro ecclesia Sancti .Medardi Suessionensis ». 2. Olim II, p. 456, art. 2 : ♦ Item ordinatum fuit quod dicti collectores novas associaciones de cetero pro nobis non récipient absque nostro speciali mandato ». De même, au paragrajjlie suivant, lordonnance, ayant à mentionner incidem- ment le cas où un collecteur revendiquerait pour le roi une i)art dans les bierts d'un serf, spécifie que cette revendication ne saurait s'appuyer que sur une association ancienne : <■ racione associacionis antique ». 3. Interdiction promulguée par l'ordonnance de 1302, Olim, II, p. 45G, art. 3. LES COLLECTEURS DES MALNMOKTES 87 tuellemeiil s'y soustraire ^. Us ont souvent plaidé devant les assises baillivales 2. Toutefois l'insistance même avec laquelle les ordonnances répètent ce principe prouve cju'il lut souvent violé. Aussi bien, par une sorte de contradiction, les lettres de commission que la chancellerie délivrait aux collecteurs leur conféraient, en termes imprécis, de vagues pouvoirs judiciaires *. Surtout leurs connaissances spéciales en matière de coutumes serviles en faisaient dans bien des afïaires les collaborateurs forcés des tribunaux ordinaires. Nous voyons à plusieurs re- prises un bailli ou même le Parlement leur confier des enquêtes. Alors, il est vrai, ils instruisaient et ne jugeaient point. Il n'en reste pas moins que de pareilles missions mettaient pratiquement entre leurs mains la décision dernière dans les cas où les droits du roi sur un serf ou prétendu tel se trouvaient en jeu. D'ail- leurs, plus impartiaux qu'on eût pu le croire, ils n'opinaient pas toujours en faveur du roi*. Enfin l'ordonnance de 1302 elle-même réservait prudemment au souverain la faculté dé soustraire certains procès de servage aux baillis pour les confier à un juge extraordinaire ^. Par la porte ainsi entr'ouverte, plus d"un collecteur a dû se glisser. La séparation des pouvoirs n'était pas dans les mœurs. Pour la conscience de l'époque. 1. Ordonnance de 1287 : « Quando erit contencio de aliqua manumortua vel forismaritagio, ballivus loci cognicionem habebit. » Ordonnance de 1302 : « et de causis hujusmodi ballivus noster illius loci cognoscet, nisi earum aliquam alii forcitam duxerimus specialiter comniittendam, et dicti coUectores coram dicte ballivo nostro vel deputato a nobis jus nostrum in hujusmodi prosequentur et défendent » (art. 4). a. Nombreuses mentions des assises baillivales dans les comptes des collecteurs (aux frais de déplacement). Exemple d'arrêt rendu par une assise baillivale dans une affaire où le collecteur était partie, et contre le collecteur : Appendice II, § 2,8. 3. Commission des collecteurs Hugue de Serqueux et Oudart Maquart, Pièces justificatives VII : net exhibendi omnibus quibus intererit céleris justicie comple- mentum ». 4. Exemples d'enquêtes confiées par le Parlement à des collecteurs : arrêt rendu en nov. 1300 sur rapport de Thomas de Cemay et Pierre le Gros, qui avaient conclu en faveur d'une famille poursuivie comme serse par leur prédécesseur Richard de Verberie, JJ 38, fol. 18 v" ; — peut-être aussi compte 2 ; le collecteur se rend à Vendeuvre pour faire une enquête au sujet d'une mainmorte et va faire son rapport à Paris. — Exemple d'enquête confiée par un bailli : le collecteur Oudart ÎNIaquart avait voulu percevoir la mainmorte d'un homme de la ville de Romain ; les habitants protestèrent, disant qu'ils étaient libres ; le procès fut porté devant le bailli, de Vitry qui désigna pour l'instruire Oudart lui-même ; Oudart s'informa et reconnut que les gens de Romain avaient raison : commission délivrée par le bailli. S. .Martin. 1318 et acte de Oudart sous son propre sceau, !«■■ mai 1319, le tout dans un vidimuti de Charles IV, Paris, janv. 1320, JJ 64, fol, 59 v° ; la com- mission est datée par erreur de 1319. 5. Texte cité plus haut, n. 1. 38 ROIS ET SERFS percevoir une redevance, juger les contestations dont cette redevance formait l'objet étaient deux fonctions étroitement liées 1. L'ordonnance du 20 février 1302 met dans la bouche du roi un curieux préambule. « De graves et multiples plaintes, y est-il dit, parviennent fréquemment jusqu'à nous et jusqu'à nos gens contre les collecteurs par nous députés sur le fait des main- mortes, aubains et bâtards. On dénonce les procès désordonnés et abusifs qu'ils engagent, et plusieurs usurpations qu'ils com- mettent. Nos sujets souffrent par là un grand dommage et détriment, et en même temps la part qui doit nous revenir sur certains de leurs biens s'en trouve diminuée. Quoiqu'on dise que les biens de cette sorte ont existé et existent en grande quan- tité, les collecteurs n'ont jusqu'ici rendu et ne rendent compte à nos gens que de quantités médiocres » ^. Il semble bien qu'en haut lieu on avait attendu beaucoup de l'institution des collec- teurs de mainmortes, et qu'elle avait déçu. Somme toute les droits servîtes rendaient mal. Comment ne pas en rendre respon- sables ceux qui avaient mission de les percevoir ? Examinons, à notre tour, les griefs des gens du roi. Nous possédons dans leur entier cinq comptes de collecteurs de mainmortes. Un seul d'entre eux, le premier en date, nous fournit le bilan exact des recettes et des dépenses. Les dépenses s'y élèvent à 24 % des recettes ^. Proportion formidable, qu'il convient de ne pas ériger en règle générale. Nicolas de la Sogne, qui exécuta ces belles opérations, fut plus tard l'objet de poursuites judiciaires. C'était peut-être tout simplement un fripon. Ce fut en tout cas — le document lui-même en témoigne — un comptable incorrect *. Son administration particuliêre- 1. Les deux ordonnances règlent également le séquestre et rinventorisation des biens contestés, la première ordonnance sommairement, la seconde avec beau- coup de détails. 2. ♦ Graves clamores et multiplicités fréquenter, tam ad nos quam gentes nos- tras, perveniunt contra collectores per nos députâtes in negociis manuum mor- tuarum, aubenorum et bastardorum, super inordinatis et abusivis ])roce'ssibus et usurpacionibus ])luribus qui per eos fiunt, ut dicitur, in grave subditorum nos- Irorum dampnum et dispendium, ac eciam in diminucionem earum que ad nos debent pertinere in bonis eorumdem, cum ipsorum bonorum quantitatcs magne fuisse et esse dicantur, et dicli collectores de modicis quantitatibus dumtaxat reddiderint et reddant nostris gentibus racionem. » 3. On trouvera les chiffres à lAppendice II, § 1, 1. 4. Cf. Appendice II, § 3, p. 191. LES COLLECTEURS DES MAINMORTES 89 ment malheureuse ne saurait être prise comme exemple. Les quatre autres comptes sont moins explicites. Ils ne donnent en effet les sommes recueillies que déduction faite des petits frais courants, et ne retiennent au chapitre des Expensa que les débours extraordinaires. Par ce procédé, le rapport apparent des dépenses aux recettes se trouve diminué. Nous ne savons de quel chifl're il conviendrait de le majorer pour obtenir un résultat exact. Tel quel, il demeure imposant. Il oscille entre 12 et 18 « /o ^ Plus de 18 o /o de frais de perception grevant les droits serviles, on conçoit le mécontentement des gens du roi ! La gestion des collecteurs paraissait à juste titre singulièrement onéreuse. Etait-ce entièrement leur faute ? Certes ils ne semblent pas avoir toujours été bien économes des deniers publics. Ils ne font grâce au fisc d'aucune dépense : parchemin acheté pour y inscrire leurs comptes ^ — maladies de leurs chevaux ^ — surtout frais de déplacement, — ces derniers peut-être par quelques-uns artificiellement enflés. En 1285 Richard de Verberie, s'étant rendu à Paris et y étant demeuré six jours, dit avoir déboursé 108 sous 10 deniers ^. Or, en 1292 ^, pour ce même voyage et sept jours passés dans la ville, Laurent Filleul ne porte que 44 sous. De tels écarts, dont on pourrait multiplier les exemples, sont suspects et témoignent à tout le moins d'une regrettable fantaisie d'appréciation. L'ordonnance de 1302 reprochait amèrement aux collecteurs leur esprit chicanier. Elle les accusait d'engager à tort et à tra- vers des procès coûteux. De fait leurs comptes conservent la mention d'innombrables litiges. Sur trente-trois perceptions — mainmortes et formariages — que note celui de la Chandeleur 1283, huit — près du quart — sont accompagnées de la men- tion « par plet >. Hôtes assidus des assises baillivales et du Par- 1. Exactement 12,70 % (c 2) ; 15,20 % (c. 4) ; 18,71 °/o (c 7) ; 16,10 «/o (c. 8). 2. Compte 2 : « Item pro percameno xiiij s. » ; 11 : « Pro presentibus rotulis scribendo xxv s. » 3. Compte 2, après les frais d'un voyage à Troyes : « Item pro expensis cqui domini Richard! et garciferi qui rcmansit apud Trecas pro dicto oquo observando per scx septimanas et pro sallario marescalli Iv s. » 4. Compte 2. 5. Compte 8. 90 ROIS ET SERFS lement \ les coUecleiirs oui bataillé contre une foule de sei- gneurs, de serfs ou d'héritiers de serfs : luttes dangereuses, dont le vainqueur même risquait de sortir accablé de lourdes charges. Outre la procédure, outre les déplacements, c'étaient tantôt les salaires des avocats ^ ou bien des tabellions 3, tantôt pour les grandes enquêtes par tourbe l'entretien des témoins amenés devant les juges instructeurs en troupes imposantes *. Une bonne partie des recettes s'en allait ainsi en fumée. Vraisemblablement, les critiques de l'ordonnance de 1302 n'étaient pas sans fondement. Que l'amour de la chicane ait souvent entraîné les collecteurs à des dépenses inutiles, on n'en peut guère douter. Ce travers ne leur était point particulier : qui ne l'avait parmi les fonctionnaires, leurs collègues ? qui ne l'avait parmi leurs contemporains ? Le Moyen-Age a beaucoup plaidé. A vrai dire, il eut pour cela quelques bonnes raisons. L'enchevêtrement des droits multiples dont chaque individu, dont chaque lopin de terre était l'objet, la prépondérance de la tradition orale, l'infinie variété des usages locaux, le rôle de la coutume et de la prescription, ont développé cet esprit procédurier qui a été une nécessité sociale avant de devenir un trait de caractère. Plus qu'aucune autre peut-être, les rede- vances serviles, nous l'avons vu, appelaient les contestations. Comment s'étonner que les collecteurs des mainmortes n'aient pas fui les procès ? Bien des causes, auxquelles les collecteurs ne pouvaient rien, grevaient la perception des mainmortes et formariages, telle qu'elle avait été organisée, de charges très lourdes. D'abord l'entretien de la machine à percevoir elle-même. Certaines des dépenses engagées par les collecteurs étaient peut- être excessives ; mais même réduites par la plus stricte honnê- 1. Voir leurs compU-s. On remarc|uora dans le compte 4, pour désigner le Par- lement, TexpressioD : « eundo apud Paiisius ad dics baronum ». 2. Compte 11 : « Pro consilio et auxilio habendo pro jure régis sustinendo racione ipsius mortue manus... • et au v» (tlétail des dépenses pour la mainmorte de Raoul Symoneej : >• Item cuidam advocato eonsiliario in predictis xvj 1. » 3. Compte 11, au v° : a Item duobus tabellionibus de Vcrduno... » 4. Compte 5, dans les dépenses d'un procès contre le chapitre de Soissons : > Item pro ^J testibus productis coram auditoribus predictis prodomino rege ad probandum quandam consuetudinem in castellania Petrefontis existentem et contra capitulum predictum per ""^ dies x lib. v d. » Lr:S COLLECTEURS DES MAINMORTES Jet teté, elles eusseiil subsisté et fussenl demeurées assez iortes : Irais de bureau, irais de déplacement, comment les éviter '? Ajoutons les salaires des collecteurs — fixés semble-t-il unifor- mément à soixante livres par an et par tête \ — et les salaires des sergents, qui paraissent avoir été variables. On avait créé tout un personnel administratif. II. fallait le payer. Surtout chaque somme à recueillir entraînait fatalement une dépense : s'il s'agissait d'un formariage, enquête sur la fortune du serf qu'il convenait de taxer, s'il s'agissait d'une mainmorte frais d'inventaire des biens et frais de mise en vente. Tout cela, s' ajoutant aux déplacements de collecteurs, quelquefois aux frais de justice, formait un total qui n'était point négligeable. Reprenons le compte de Nicolas de la Sogne, le seul, comme l'on sait, qui nous donne un bilan complet ^ ; et cherchons c[uelques articles qui, ne comportant point de « plet », présentent seule- ment les charges ordinaires de la perception. Les deux main- mortes les plus faibles sont de 10 sous (produit brut) ; dépenses : respectivement 2 et 4 sous : le cinquième ou plus du tiers de la recette. La mainmorte la plus forte — 34 livres — coûte 8 livres, — -'un peu moins du quart. Le plus rémunérateur des formariages atteint 74 sous ; il faut en retrancher 12 sous, un peu moins du sixième. Le plus bas, de 12 sous, doit être de la même façon diminué de 4 sous, le tiers. On voit de quelles sommes, variables mais toujours proportionnellement fortes, ou même très fortes, étaient grevées les recettes, même lorsqu'on n'allait pas en justice. On dira peut-être cjue Nicolas de la Sogne, fonctionnaire sans doute infidèle, est un témoin suspect. Ne le calomnions pas. Une pièce auxiliaire de comptabilité, remise aux gens du roi par un collecteur inconnu, nous a été conservée. C'est un état des dépenses fort détaillé mais sans l'état des perceptions cor- respondant ^. Les chiffres qu'elle fournit sont de tout point comparables à ceux que portait, dans la colonne El pensa, 1. Compte 2 : « Doniinus Richardus et niagister Galterus pro salarie suo de terminis preteritis usque ad Omnes Sanctos LXXXV» : ^^x j. „ ; 5 ; <, Magister Galterus et dominiis Richardus pro salario suo pro toto ariiio equalitcr ^x i_ ,> j 8 : « Pro aagiis collectons Ix 1. » 2. Compte 1 ; cf. Appendice III, § 3, p. 192. 3. Compte 11 ; cf. Appendice III. § 3, p. 193. "92 HOIS ET SERFS notre Nicolas, qui, sur ce point du moins, se trouve ainsi jus- tifié. Et puis, faut-il rappeler que quatre comptes, imprécis mais certainement sincères, indiquent comme pourcentage des dé- penses aux recettes au minimum plus de 12 «'o, au maximum plus de 18 o o ? l^ne parfaite précision dans les données numé- riques est sans doute impossible. Mais tout nous ramène à la même conclusion. La perception des mainmortes et formariages l'oùtait cher au roi et lui rapportait peu. Il y avait à cela des raisons profondes. Les seigneurs de médiocre importance pouvaient tirer des droits serviles un profit honorable. Dans les hmites étroites d'un petit fief chacun se connaissait. La condition de chaque famille était patente. Sans frais, le seigneur se tenait aisément au courant des événe- ments susceptibles de l'intéresser. Les morts, les mariages, la rupture d'une communauté ne pouvaient passer inaperçus. Un serf venait-il à se formarier ? point besoin d'enquête pour le taxer en proportion d'une fortune qui était notoire. L^ne mainmorte venait-elle à échoir? Le seigneur employait les champs à arrondir son domaine, ou bien, s'il préférait vendre, n'ignorant rien du marché local, trouvait acquéreur à un prix convenable. Au contraire, pour l'administration royale que de difficultés ! Peu lui importent les biens-fonds. Il lui faut de l'argent. Aussi toute échoite de mainmorte devra être vendue le plus vite pos- sible. L'opération sera confiée à un fonctionnaire qui ne saurait dans toute l'étendue de sa circonscription avoir pénétré exac- tement les conditions économiques particulières de chaque vil- lage. Souvent sans doute la vente ne sera point faite au meilleur compte. Pour surveiller ses serfs, maintenir et exploiter les droits qu'il possède sur eux, le roi entretient toute une troupe de sergents et de collecteurs, qui parcourent le pays, enquêtent, plaident, paperassent, — et mangent au Trésor de grosses sommes. En vérité la mainmorte et le formariage, revenus bons pour un modeste seigneur vivant sur sa terre, n'étaient point faits pour une grande monarchie besogneuse ^ 1. Pour une autre époque — le xvr siècle cl les siècles suivants — la différence de valeur des droits serviles, selon qu'il sajiit d"une i)etite ou d'une grande sei- tineurerie, a été mise en lumière par .M. Febvre, l'hHij>])v II ri la Franchc-Comlé (thèse Paris), 1911, p. 20f Littéraire, XXVI, p. 539-551. 110 ROIS ET SERFS Détachés par le gouvernement central, les commissaires ris- quaient de mal connaître les conditions juridiques ou écono- miques particulières à chaque région. Leur ignorance en cette matière eût pu être préjudiciable aux intérêts du roi. Aussi devaient-ils solliciter, sur place, le secours du chef de l'adminis- tration locale. Leurs lettres de commission leur faisaient une obligation d' « appeler à eux et de s'adjoindre » le bailli — ou le sénéchal — du lieu. Deux de leurs actes seulement sont venus jusqu'à nous : pour la Champagne une confirmation d'affranchis- sement, pour le Midi un amortissement. Le premier émane à la fois de Jacques de Saint- Aubert et du bailli de Vitry, Guillaume de Chaudenai : le second de Richard Leneveu et du sénéchal de Toulouse et Albi, Biaise Leloup ^. Comme le voulaient les ordres royaux, baillis (ou sénéchaux) et commissaires travaillaient donc en collaboration. Les fonctions des commissaires étaient nombreuses et diverses. Comme jadis en Vermandois les personnages inconnus dont Biche et Mouche avaient été les receveurs, ils étaient chargés d'exploiter au profit du souverain toutes sortes de ressources exceptionnelles : francs-fiefs, amortissements, amendes pour défaut de comparution à l'ost de Flandre, anoblissements. Mais, en première ligne dans leurs lettres de commission apparaissaient les affranchissements. Affranchissements royaux d'abord. Ils recevaient le droit de « délivrer du poids de la servitude » tous les hommes de corps du roi, et de leur concéder » d'être désormais des bourgeois, et de jouir des privilèges, libertés, immunités et franchises de toute espèce » dont jouissaient les autres bourgeois du royaume. Le mot de bourgeois est curieux. A l'origine, il avait désigné tout simplement quiconque avait sa résidence dans une ville fortifiée. 11 en était venu, à la fin de l'époque capétienne, à prendre le sens à la fois plus compréhensif et juridiquement plus précis d'homme libre. C'est que, les populations urbaines ayant été l'objet de faveurs spéciales, l'habitant des villes semblait l'homme libre par excellence, 1. Ci-dessus, p. 108, n. 1 et p. 109, n. 1. , LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS PHILIPPE LE BEL 111 Affranchissements seigneuriaux aussi. Les commissaires avaient le pouvoir « de concéder à tous les seigneurs temporels, nos fidèles, la faculté d'affranchir leurs hommes de corps ou autres personnes leur étant soumises par un joug de servitude ». Pourquoi cette intrusion des fonctionnaires royaux dans les affaires privées des seigneurs ? Elle s'expliquait par un point du droit féodal, habilement exploité. Tout possesseur de fief qui donnait la liberté à ses serfs diminuait par là même la valeur du bien qu'il détenait. Toute manumission constituait, comme disaient les juristes, un « abrè- gement » de fief. Elle devait donc être autorisée par le seigneur de qui la terre relevait. Ainsi les vassaux du roi ne pouvaient sans sa permission, affranchir leurs hommes ^ et naturellement cette permission, il fallait l'acheter 2. Ne convenait-il pas d'of- frir, pour r « abrègement >, une juste compensation ? Jusqu'ici rien que de très normal, et de parfaitement conforme aux cou- tumes courantes de la féodalité. Mais le roi n'était pas un sei- gneur comme les autres. Il n'étendait pas son autorité seulement sur ses vassaux, au sens strict du mot. Il semble que les églises placées sous sa sauvegarde aient cru, dès les premiers Capétiens, ne pouvoir accorder de vastes franchises sans son assentiment *. 1. Cf. pour la jurisprudence du Parlement, Olim, I, p. 842, n" xl. 2. Selon un taux égal sans doute à 1 /5 du prix versé par le serf au seigneur. Cf. le compte du bailli de Senlis de la Toussaint 1256, Brussel, I, p. 467, n. (d) et Histor. de France, XX 11, p. 742 h. 3. Les confirmations par les rois Capétiens d'affranchissements accordés par des églises (surtout de la région parisienne ou de l'Orléanais) sont à la fois trop nombreuses et trop connues pour qu'il y ait quelque intérêt à les citer ici. Certains seigneurs ecclésiastiques reçurent une fois pour toutes l'autorisation de donner la liberté à leurs serfs, sans avoir besoin de solliciter chaque fois l'assentiment royal : Louis VI accorda cette faveur à l'évèque de Paris (qui prétendait à tort ou à raison la posséder de toute antiquité), à Saint-Denis, à Saint-Victor (Luchaire, Louis VI, c. 156, 140, 160). D'autres, et non des moindres, comme Saint-Germain- des-Prés ou Sainte-Geneviève de Paris, durent toujours demander aux rois, au moins pour chaque affranchissement important, des confirmations particulières. D'où venait ce droit du roi sur des serfs, qui n'étaient ni à lui, ni à proprement parler à ses vassaux ? A l'origine sans doute c'était une des manifestations de cette autorité, juridiquement mal définie, mais pratiquement fort efficace, que les premiers Capétiens étendaient sur certaines églises de la France du Nord ; on sait quelle force ils en tirèrent. La théorie du droit de sauvegarde n'est vraisemblable- ment qu'une construction juridique postérieure, imaginée à l'époque où on ne pou- vait plus guère songer, comme on le faisait volontiers avant la réforme grégorienne, à rattacher ces seigneuries ecclésiastiques au souverain par un lien de vassalité. En tout cas, au xiv^' siècle, c'est bien la sauvegarde qui paraît la source de l'obli- gation pour certaines communautés religieuses de faire confirmer par le roi les affranchissements qu'elles accordent. En 1317, Eude de Coulommiers, commissaire aux amortissements et francs-fiefs (cf. Ordonnances, I, p. 631), poursuivit Jean de Bazoches, drapier et bourgeois de Sens, ancien serf qui avait été affranchi par ses deux seigneurs (il appartenait à chacun d'eux pour moitié), un ecclésiastique, 112 • ROIS ET SERFS Même ceux parmi les seigneurs laïques qui ne lui devaient pas l'hommage sollicitaient souvent son approbation pour les manumissions qu'ils octroyaient ; ou bien c'étaient les serfs eux- mêmes qui la désiraient. Une vieille conception populaire vou- lait en elïet que les actes munis de la sanction royale en reçussent une force plus grande ; ils paraissaient dignes de plus de respect et assurés d'une durée plus longue ^. On n'aperçoit pas que, au moins sous les Capétiens directs, le consentement du souve- rain ait jamais été considéré comme nécessaire pour les alïran- chissements, en dehors de ceux qui émanaient de personnes tenant des fiefs de lui, ou de certaines églises ; mais il était sou- vent demandé. Le droit de le donner, au nom de leur maître, et d'en recueillir le prix, fut confié en 1302 par le gouvernement aux commissaires délégués dans les provinces ; la lettre qui leur conférait ce pouvoir, volontairement vague, mêlait adroitement dans une même phrase les cas où l'intervention royale était obligatoire, à ceux où elle n'avait qu'un caractère d'utilité. Beaucoup de chemin avait été parcouru depuis la lettre-patente de 1299 pour le Toulousain. Plus d'actes accordant en paroles la liberté à toute une province ; on avait renoncé à ces formules trompeuses, empruntées sans discernement aux vieilles manu- missions ; de simples lettres de commission, annonçant assez honnêtement la campagne financière qu'elles ouvraient. Les commissaires déterminaient eux-mêmes le nombre de serfs qu'ils choisiraient d'affranchir. Surtout, pour le prix, point de taux fixé à l'avance. Chaque commissaire gardait la faculté d'adapter ses exigences à l'infinie variété des cas individuels. Ainsi les méthodes de l'administration royale, aux prises avec le prieur de Saint-Sauveur, près Bray-sur-Seine, et un écuyer, ,Iean Mailiart de Charneyaro : l'assentiinont du roi n'avait pas été demandé ; lîude j)rélendit que la nianumission n'était pas valable et fit payer 10 1. tournois au drapier. Voici ses raisons : " Sic dictus prior (jardiam sperialem et feoda sue ecclesie quibus sub- jectus est domino rejii, et dictus armiger feoda sua in hoc parle minucndo et ab cisdeni detrabendo, que redundabant et redundant in danipna et prejudicium domini Régis. » .JJ 56, fol. 130. Quelques grands feudataires prétendaient au même droit sur les afiranchissements accordés par les abbayes situées dans leurs sei- gneuries : voir par exemple, pour les comtes de Vendôme, Carlulaire de l'abbaye de la Trinité de Vendôme, II, 1894, n° ccccxlvii. 1. C'était, somme toute, à une conception de cette sorte que répondait déjà l'antique pratique de l'affranchissement par le denier. Mais elle n'intéresse plus notre époque. Le dernier exemple connu date de Louis VI en 1109 (Luchairc, Louis VI, c. 79 ; Prou et Vidier, Recueil des Chartes de l'abbaye de Saint-Benott- sur-Loire. Documents publiés par la soc. histor. et arcliéol. du Gâtinais, I, n° cv). LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS PHILIPPE LE BEL 113 le problème des afîraiichissements s'étaient faites plus souples. Quels furent les fruits de cette transformation ? On aimerait à le savoir. Malheureusement, une fois de plus, notre ignorance est absolue et semble irrémédiable. Les lettres de franchise déli- vrées par les commissaires ont toutes péri, à l'exception d'une seule, — confirmation d'un acte seigneurial qui, ayant été pour on ne sait, quelle raison vidimée à son tour par le roi, fut sauvé de l'oubli par les registres de la Chancellerie. Leurs comptes aussi ont disparu, sans laisser de traces. Jacques de Saint-Aubert, Guil- laume de Gilly, Richard Leneveu et ses confrères remplirent-ils avec quelque succès la délicate mission qui leur avait été confiée ? Cette question, comme tant d'autres, doit rester sans réponse. Sous le règne de Philippe le Bel, l'affranchissement des serfs était devenu un expédient fiscal courant. Comme tel, il présen- tait évidemment un grave défaut. Une fois sa liberté achetée, contre une somme immédiatement payée, l'homme de corps ne rapportait plus rien. Un tel inconvénient ne devait pas arrêter les gens du roi. Leur politique financière ressemblait par bien des côtés à celle de l'avare qui tua la poule aux œufs d'or. Ce n'était point leur faute. De nos jours d'ingénieux moyens de Tréso- rerie permettent aux gouvernements, sans trop compromettre l'avenir, de faire face dans un délai très rapproché à de grosses dépenses. Au temps des Capétiens, et bien longtemps après eux, rien de pareil n'existait. Quand la nécessité pressait — en temps de guerre surtout — il fallait souvent, pour remplir les coffres, aliéner les recettes futures. Des opérations de cette sorte sont ins- crites à toutes les pages de l'histoire financière de la monarchie française. En vendant les lettres de franchise, les derniers Capé- tiens directs agissaient comme plus tard agira Louis XIV, ven- dant, sous forme de lettres de noblesse, des exemptions d'impôt ^. 1. Déjà, sous les derniers Capétiens, on voit les manuniissions et les anoblisse- ments rapprochés dans la pratique administrative. Les commissaires envoyés en 1302 dans les provinces avaient reçu le pouvoir d"anoblir en même temps que d'alTranchir. Un livre auxiliaire du Trésor des années 1326 à 1330, conservé aujour- d'hui aux Archives Nationales sous la cote KK 2 (cf. Borelli de Serres, II, p. 172 suiv.), comporte un chapitre de recettes intitulé Francliisie concesse où figurent des anoblissements. Mais, si la lettre de noblesse était déjà un procédé fiscal, et à ce titre pouvait être rapprochée de la manumission, elle n'avait pas encore, et pour cause, le caractère d'une exemption d'impôt. CHAPITRE V LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V CRITIQUE DES SOURCES En 1302, aiguillonné par un désastre militaire, le gouverne- ment de Philippe le Bel avait entrepris une vaste campagne d'afîranchissements ; ses commissaires avaient parcouru au moins deux bailliages et six sénéchaussées. Faut-il croire que Louis X et Philippe V, dépassant leur père par l'ampleur de leurs desseins, aient rêvé de délivrer tous leurs serfs, dans le royaume tout entier ? Interrogeons les textes. Eux seuls pour- ront nous fournir les éléments de la réponse. Nous avons sur les mesures prescrites par les deux rois plusieurs témoignages, provenant de sources différentes. Il convient de les classer, de les comparer et de les interpréter. § 1. — Les lettres de commission. Allons d'abord au plus connu. C'est une lettre-patente de Louis X, expédiée le 3 juillet 1315 à Paris ^. Elle se hsait autre- fois au verso du soixante-dix-seplième feuillet d'un des registres conservés au greffe de la Chambre des Comptes, — le Mémo- rial A, recueil d'actes de toute espèce intéressant la Chambre qui fut formé, conformément à des ordres royaux, au temps de PhiUppe le Long. Le Mémorial, comme tant de documents 1. Ce document a été édité maintes fois, comme on le verra par la suite. Ren- voyons immédiatement à l'édition la plus pratique : Ordonnances, I,' p. 58.3 ; — cf. Isambert, lU-cucU (jénéral des anciennes lois françaises, III, p. 102, n" 494 (texte fautif). LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 115 précieux de même origine a péri dans le déplorable incendie d« 27 octobre 1757. Mais en l'espèce il n'y a point lieu de regretter trop amèrement cette perte. L'acte qui nous occupe est bien connu. Nous en possédons un grand nombre de copies, tant manus- crites ^ qu'imprimées ^ C'est que, en raison sans doute d'un préambule éloquent, il a de bonne heure passé pour particulière- ment remarquable. La plus ancienne mention que j'en con- naisse date de 1420. Cette année-là un clerc attaché au Trésor des Chartes rédigea un grand répertoire méthodique, en forme de dictionnaire, des archives confiées à sa garde. Bien que les Mémoriaux se trouvassent appartenir à un autre dépôt, il les dépouilla au même titre que les registres du Trésor. A l'article manumissio il ht place à la lettre-patente de Louis X ^. Après lui, des érudits de toute. épocjue l'ont transcrite ou simplement citée; comme lui tous, sans exception, se référaient à la même source : le fol. 77 vo du Mémorial A, qui demeure ainsi l'origine unique de notre tradition manuscrite. Qu'est-ce au juste que ce texte fameux ? On lui a souvent appliqué le terme d' « ordonnance », et cela depuis longtemps ; déjà l'auteur du répertoire de 1420 le connaissait sous le titre d'Ordinacio de servis libertati donandis. Plus exactement, c'est une lettre de commission. Le roi s'adresse à deux de ses fonction- naires, Nicolas de Brave et Saince de Chaumont. Il les envoie a en la bailhe de Senlis et es ressort d'icelle ». Là ils se mettront en rapport avec les individus, <( personnes singulières », — ou les « Ueus, viles, communautez > qui désireraient leur liberté et ils accorderont, moyennant un prix convenable, des actes d'afl'ran- 1. Enumérées dans Petit, Mémoriaux, p. 106 c. 598. On peut citer aussi une mention dans le Manuel rédigé sous Louis XI par le clerc de la Chambre des Comptes Pierre Amer : français 10988, fol. 59. Cf. sur ce manuel A. M. de Boislisle, Histoire de la maison de Xicolay, II, in-4, Nogent-le-Rotrou, 1873, p. xv. 2. Ce sont à ma connaissance 1° d'après le Mémorial, consulté, semble-t-il, directement : Brussel, Usage général des fiefs, II, pr. p. lxxii ; Du Gange, Glossa- Hum, V. Manumissio, éd. He ischel, IV, p. 255 ; et le Recueil des Ordonnances ; 2° d'après une copie de Vvon d'Hérouval, exécutée sur le Mémorial : d'Achery, Spicilegium, éd. princeps, XIII, in-4, Paris, 1672, p. 385 et éd. de 1723, fol., III, p. 707 ; La Thaumassière, Coutumes du Berrij, p. 251. Notre texte est en outre cité par Pierre Pithou. Coustumes du bailliage de Troyes en Champagne, éd. de 1629, in-4, p. 22, d'après le Manuel de Pierre Amer (dont il reproduit les termes), et par J. Brodeau, Coustume de la prevosté et vicomte de Paris, fol., 1689, II, p. 485, peut-être d'après Pithou. 3. JJ 279, fol. 801 yo : « Ordinacio de servis libertati donandis solvendo ftnanciam pro facto guerre m° ccc^ xv^ i\ibr]o A /« v" Ixxvij. » On remarquera que le rédacteur de l'Inventaire ne se faisait aucune illusion sur le caractère fiscal de l'acte. 116 ROIS ET SERFS chissement. Somme toute, avec des différences de forme, qui ne nous intéressent pas pour le moment, un acte pareil à ceux qui, dans chaque circonscription, avaient accrédité sous Philippe le Bel les commissaires de 1302. On trouvait également dans le Mémorial A un autre docu- ment relatif à la mission de Nicolas de Brave et Saince de Chau- mont. Nous en avons quelques copies ^. C'est un mandement, daté du 5 juillet 1315, par lequel Louis X prescrivait à ses deux envoyés de lever un impôt sur ceux des serfs royaux qui, dans le bailliage de Senlis, refuseraient l'afîranchissement. Simple complément, comme l'on voit, de la lettre précédente. Laurière. qui a reproduit au t. P^" du Recueil des Ordonnances, l'acte du 3 juillet 1315, lui conférant ainsi une sorte de notoriété ofTicielle, n'ignorait point, bien entendu, qu'il paraît n'intéresser qu'un seul bailliage. Mais il le concevait comme renfermant des dispositions particulières destinées à assurer, dans un terri- toire restreint, l'exécution d'une mesure de portée générale. Adoptons un instant sa théorie, et demandons-nous sous quelle forme une pareille mesure, s'étendant à tout le royaume, aura pu être promulguée. Ce que nous savons des habitudes de la Chancellerie royale autorise deux hypothèses. On peut supposer d'abord que l'affranchissement des serfs aura fait l'objet d'une vaste ordonnance, rédigée selon les for- mules des grands établissements royaux. La publication de ce texte, aujourd'hui perdu, aurait précédé l'envoi, dans les pro- vinces, des commissaires chargés de l'appUquer. C'est exacte- ment ce (jue croyait Laurière : « Ces lettres », a-t-il écrit, « font mention d'une ordonnance qu'on n'a plus » ^. D'où lui venait cette idée ? très certainement, d'un passage de la lettre du 3 juillet 1315 — le préambule, — où il pensait trouver une allu- sion à ce grand acte préliminaire. J'examinerai plus loin ce curieux morceau ; j'essaierai alors de montrer qu'on peut y chercher, si l'on veut, des indications sur les lieux communs chers aux 1. Mémorial A, fol. 78. Petit, Mémoriaux, p. 106, c. 599. D'Achcry, éd. princeps, XIII, p. 387 ; éd. de 1723, III, p. 707 (d'après une copie cornmuniquée par Vyon d'IIérouval : Lî Thaumassière, Coii'umcs, p. 251 (même source) ; Ordon- nances, XI, p. 4.34 (d'après le .Mémorial : référence fausse [fol. 28]) : cf. Isanibert, III, p. 10(i, n° 495. Indiqu. Pierre Pithou, loc, cit., d'après le Mémorial. 2. Ordonnances, I, p. 583 n. a. LES AFIRAXCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 117 clercs de chancellerie, mais nullement des renseignements précis sur des points de fait. Je me bornerai pour l'instant à faire observer que, si nous nous rallions à la théorie de Laurière, il faudra reconstruire de toutes pièces l'ordonnance supposée, car nulle part aucun fond d'archives n'en oiïre la moindre trace. Aussi bien la forme, générale et impersonnelle, des établisse- ments législatifs, réservée aux actes qui paraissaient exiger une publication particulièrement solennelle, a toujours été rare. Le plus souvent, lorsque le gouvernement capétien prenait une mesure d'ordre politique ou financier s'appliquant à la France entière, il se contentait de la porter à la connaissance des fonctionnaires intéressés par une série de mandements, adressés nommément à chacun d'eux. Un même texte servait pour tous ; seuls les noms des destinataires, et des circonscrip- tions, mettaient entre eux une difîérence. Tel a pu être le cas de 1315. Nous avons vu la lettre de commission délivrée à Nicolas de Brave et Saince de Chaumont. Des lettres rédigées dans les mêmes termes ont pu être remises à d'autres commis- saires, députés dans les autres bailliages ou sénéchaussées du royaume. En subsiste-t-il quelques-unes ? Il faut le demander aux archives royales ou à leurs débris. Abandonnons un moment la Chambre des Comptes et par- courons les registres de la Chancellerie, conservés à l'hôtel Sou- bise, dans le fonds du Trésor des Chartes. En quatre endroits différents, dans des vidimus royaux, on y lit cpiatre actes diffé- rents, expédiés sous les sceaux de deux clercs du roi, Philippe le Convers et Michel Mauconduit ^ ; ce sont, tous quatre, des manumissions ; et chacun d'eux renferme une même lettre de Louis X, adressée aux dits Philippe et Michel. Cette lettre répète mot pour mot celle dont Nicolas de Brave et Saince de Chaumont avaient été les destinataires ; elle a même date : 3 juillet 1315 ; seulement les mots : « a que vous allez dans la baillie de Senlis » sont remplacés par ceux-ci : « que vous aliez dans la baillie de Vermandois ». C'est une commission pour l'affranchissement des serfs, dans le Vermandois. 1. Appendice III, c. 1, 2, 11, 12. Cf. Pièces justificatives, n" IV. 118 . ROIS ET SERFS Ainsi Louis X a voulu olïrir la liberté à ses hommes de corps dans deux bailliages au moins. A-t-il voulu davantage ? C'est ce que nous ne sommes pas capable de décider, pour le moment. Passons maintenant à Philippe le Long. Il désigna, le 23 jan- vier 1318, deux de ses clercs, Anseau de Morienval et Nicolas de Brave pour procéder dans le bailliage de Sentis à l'affranchisse- ment des serts royaux. Le second, on s'en souvient, avait déjà reçu de Louis X la même mission, mais assisté alors d'un autre collègue. Nous avons encore la lettre de commission d' Anseau et Nicolas. Elle nous a été conservée à la fois pai' les registres de la Chancellerie dans quatre actes de manumissions, accordes par les deux clercs et vidimés par le roi — et par un des registres de la Chambre des Comptes, le Livre Rouge, où l'un de ces quatre actes avait été transcrit i. Elle figure au Recueil des Ordon- nances ^ ce qui lui a assuré l'honneur d'être assez souvent citée par les historiens. Quant à son texte, il n'a rien d'original ; moins les noms, il reproduit exactement celui des lettres qui, deux ans et demi auparavant, le 3 juillet 1315, avaient été délivrées par Louis X aux commissaires députés tant dans le Vermandois que dans ce même bailliage de Senlis. Ce sont trois exemplaires d'un modèle unique. Dans le Nord de la France, des serfs assez nombreux avaient deux seigneurs : le roi et une communauté religieuse. On a vu plus haut l'effet de cette situation sur les opérations des collec- teurs des mainmortes. Aux commissaires chargés des afïran- chissements elle créait aussi des obhgations particuUères. Lorsque des serfs, ainsi partagés, demandaient leur Uberté, le commissaire ne pouvait la leur accorder de sa propre autorité ; il lui fallait d'abord obtenir l'assentiment de l'éghse intéressée et s'entendre avec elle sur le prix qiu devait être exigé en com- mun par les deux seigneurs. Négociations délicates, pour les- quelles le gouvernement de Philippe le Long crut devoir munir les deux clercs envoyés à Senlis, Anseau de Morienval et Nicolas de Brave, de pouvoirs spéciaux distincts de leur lettre de com- mission. Tel fut l'objet d'un mandement, daté, comme la com- 1. Appendice III, c. 15, 16, 17, 18. 2. I, p. 653, d'après lacté cité dans mon Appendice III, c. 16. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 119 mission elle-même, du 23 janvier 1318. Ce texte très biel et dépouillé de toute élociuence est jusqu'ici demeuré inédit. Huit manumissions, copiées sur les registres de la Chancellerie, nous l'ont pourtant transmis ^. Lettre de commission, mandement annexe, ces deux actes concernent tous deux le bailliage de Sentis. I^s archives ne gardent point trace d'actes analogues, datés du même règne» touchant d'autres régions de la France. Nous avons épuisé la liste des lettres royales, connues de nous, portant nomination par Louis X et Phihppe V de commis- saires aux alîranchissements. Avant d'aller plus loin, récapitu- lons ces textes et les sources à qui nous les devons : Nous avons : 1» Une lettre de commission, émanant de Louis X (3 juil- let 1315), relative au bailUage de Senhs. Source : un des mémo- riaux de la Chambre des Comptes. 2° Un mandement annexe à cette lettre, du 5 juillet, même cir- conscription, même source. 30 Une lettre de commission, du même souverain, et de même date, mais s'apphquant cette t'ois au Vermandois ; elle nous a été conservée par quatre manumissions, toutes distinctes, — ces quatre actes ayant été transcrits sur les registres de la Chancel- lerie, et l'un d'eux seulement sur un des registres de la Chambre des Comptes. 40 Une lettre de commission de Pliilippe V (23 janvier 1318), relative au bailhage de SenUs. Source : quatre manumissions, transcrites sur les registres de la Chancellerie. 50 Un mandement annexe à cette lettre, même date, même circonscription. Sources : huit autres manamissions, provenant des mêmes registres. En résumé, ces cinq documents se répartissent sur deux cir- conscriptions seulement. Sentis et Vermandois. Trois d'entre eux nous sont connus par des copies multiples ; et (chose plus importante encore) ces copies, se trouvant contenues dans des actes d'affranchissement accordés à des personnes différentes, 1. Pièces justifie, n° YI. 120 ROIS ET SERFS sont absolument indépendantes les unes des autres. Une ques- tion vient naturellement sur les lèvres. Est-ce là tout ce qu'ont fait Louis le Hutin et Philippe le Long pour la liberté des serfs ? ou bien d'autres provinces françaises furent-elles touchées par des documents de même espèce, aujourd'hui perdus ? 11 ne nous est pas encore permis de rejeter cette dernière hvpothèse. Pourtant elle nous paraîtra déjà souffrir quelques difficultés. Certes, le hasard qui préside à la conservation des textes his- toriques est d'ordinaire fort capricieux ; mais, en l'espèce, il le serait presque jusqu'à l'invraisemblance, prodiguant de toutes parts les renseignements sur deux bailliages, rigoureusement avare au contraire pour tout le reste du royaume. § 2. — Les comptes: Agents financiers, les fonctionnaires désignés par Louis X et Philippe V pour oiïrir aux serfs leur manumission recueil- laient des sommes assez considérables, les versaient au Trésor et justifiaient de leur gestion auprès de l'administration centrale. Leurs comptes ont péri, mais non pas sans laisser de traces. Trois articles de l'inventaire de Robert Mignon ^, une mention contenue dans les Journaux du Trésor de Charles IV ^ nous livrent sur les opérations de ces personnages des indications sommaires, mais précieuses. Voici ce c[ue l'on peut y apprendre. Les lettres de commission de 1315 et 1318, telles que nous les avons conservées, n'attribuaient à leurs destinataires que deux pouvoirs : donner la liberté, et (au moins en 1315) lever un impôt sur ceux des serfs qui dédaigneraient les faveurs royales. En fait, sous Louis X et Philippe V, comme auparavant en 1302, les fonctions des commissaires aux affranchissements étaient très 1. c. 1045 : compte de Nicolas de Brave, avec Saince de Chaumont, pour l'année 1315: remis 5 mai 1318 (corr pour 1328); — c. 1802: compte dAnseau de .Morienval et Nicolas de Brave, remis en décembre 1319 ; — c. 1808 : compte de Philippe le Convers et Michel Mauconduit, remis le 6 juin 1320 ; un reliquat de 100 1. 19 s. 1 d. par. fut versé par eux au terme de l'Ascension 1322 et mention de ce versement portée au dos du rôle des bailliages de France, au terme susdit. 2. c. 1225 : mention du versement de l'arriéré indiqué à la note précédente,. à la date du 9 juillet 1322. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 121 variées et ne se bornaient point aux questions serviles. Nous les voyons, par l'Inventaire de Robert Mignon, percevoir les revenus de toutes sortes d'expédients financiers: Nicolas deBraye et Saince de Chaumont dans le bailliage de Senlis, en 1315, les finances des usuriers et les nouveaux acquêts \ le même Nicolas et Anseau de Morienval en 1318, à Senlis toujours, les amortissements, les francs-fiefs et d'autres droits encore qui ne sont pas spécifiés ; Philippe le Convers et Michel de Mauconduit, en 1315, dans le Vermandois, les irancs-fiefs et on ne sait quelles autres rede- vances. Ils avaient sans doute reçu de la Chancellerie, outre les lettres que nous possédons, d'autres commissions que nous n'avons plus. Anseau de Morienval et Nicolas de Brave remirent leur compte à la u Cour » au mois de décembre 1320 ; ils le faisaient commencer en 1318 (1317 a. s.) ; c'était en eiïet le 23 janvier de cette année qu'ils avaient été envoyés par Philippe le Long « en la baillie de Senlis ». Philippe le Convers et Michel Mauconduit présentèrent également leur bilan en 1320 (le 6 juin), sous Phihppe le Long par conséciuent mais ils indi- c[uaient pour leurs opérations un point de départ plus lointain : Tannée 1315, date de leur nomination par Louis X. La désignation faite par le roi défunt, n'ayant pas été annulée, restait valable sous son successeur. Nous n'avons pas trouvé au nom de Philippe le Long d'acte prescrivait l'aiïranchissement des serfs dans le Vermandois ; n'accusons pas les lacunes des archives royales ; un pareil acte n'a jamais existé. La lettre du 3 juillet 1315, relaj^ive à ce bailliage, n'avait pas besoin d'être renouvelée. Les mêmes commissaires y ont travaillé, sous les deux souverains. A Senlis les choses s'étaient passées tout autrement : nous avons pour cette circonscription deux lettres de commission : l'une de Louis X, l'autre de Phihppe V. Quel est le secret de cette dillerence ? L'Inventaire de Robert Mignon va nous le faire entrevoir. Dans leurs comptes, Anseau de ]\lorienval et Nicolas de Braye, 1. Comme suppléants fsubrogatij de Renoud du Bois et du bailli de Senlis. Cf. ci-dessous, p. 122, n. 3. 122 ROIS ET SERFS nommes à Senlis par Philippe Y, de même que Philippe le Convers et Michel ^Nlauconduit, commissaires dans le Ver- mandois sous les deux règnes, inscrivtuent pêle-mêle parmi les recettes plusieurs expédients fiscaux que j'ai déjà énumérés ; mais ils ne les mentionnaient qu'à côté du produit des affran- chissements, très expressément noté. Lisons au contraire l'ana- lyse que INIignon a donnée du compte remis (vraisemblablement le 5 mai 1318) par Nicolas de Brave et Saince de Chaumont, députés à Senlis par Louis le Hutin. On y voit indiquées les sommes perçues dans le bailliage » sur le fait des usuriers et des [nouveaux] acquêts )> en vertu d'une commission datée de Tannée 1315, mais d'affranchissements point du tout. Pourquoi ce silence ? Probablement parce que Nicolas et Saince n'avaient affranchi personne. Ce n'est pas une hypothèse en l'air. Nous verrons tout à l'heure que, seuls entre les commissaires, ils ne nous «ont pas laissé de lettres de manumission expédiées sous leurs sceaux. Chargés de tâches diverses, ils ne les exécutèrent pas toutes. Occupés des usuriers et des nouveaux acquêts, ils négligèrent les serfs. Ils espéraient peut-être s'y consacrer plus tard. Mais l'un d'eux, Nicolas de Braye, dut bientôt quitter les pays du Nord pour une mission plus importante ; dès le mois d'oc- tobre 1315, il fut envoyé en Saintonge comme enquêtem'- réformateur ^ ; il y resta au moins jusqu'en avril 1316 ; puis, pendant la seconde partie de celte même année 1316, il fut, semble-t-il, employé au Parlement 2. Quant à Saince de Chaumont nous ne savons ce qu'il devint ; sa carrière administrative fut très humble ou très courte ; il n'était sans doute qu'un comparse. Le départ de Nicolas de Braye mit fin, dans le bailliage de Senlis, à l'activité des commissaires désignés en juillet 1315^. 1. Sur cette mission (dans laquelle Nicolas de Braye eut pour collègue Louis de Viilepreux), v. Ordonnances, XII, p. 424 ; P. Guérin, Documents extraits du Trésor des Chartes relatifs à l'histoire de la Saintonge et de l'Aunis. Arch. histor. de la Sain- tonge, XII (1884), p. 149, 183: Mignon, c. 272G. Cf. Hislor.de France, XXIV, p. *11, n. 6 et A. Giry, Les Etablissements de Rouen, I (Bibl. de l'Ec. des Hautes- Etudes, fasc. 55), Paris, 1883, p. 74 et 75, n. 1. 2. Il y était employé le 5 juin 1311) (Aubert, Nouvelles Recherches, p. 235) et le 20 décembre de la même année, (Jlim, III, ii, p. 1060, n° iv et 10()2, n° v. 3. Robert Mignon, c. 1646, nous ajjprend avoir lu dans un des Journaux de la Chambre que Nicolas de Braye et Saince de Chaumont avaient été de nouveau dési- LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 123 Ainsi, dans celte circonscription, les serfs n'avaient, en l'ait, pas été touchés par les ordres de Louis X ; le Trésor n'avait tiré d'eux aucun revenu extraordinaire. Le gouvernement de Philippe le Long voulut réparer cette lacune. Pour la seconde fois, Nicolas de Brave fut chargé de leur porter la liberté, mais avec un autre collègue. Un nom ayant changé, la lettre de com- mission du 3 juillet 1315 ne pouvait plus servir ; il fallut un acte nouveau; ce fut celui du 23 janvier 1318. Vermandois et Senlis : les registres de la Chancellerie, et ceux de la Chambre des Comptes, interrogés sur les commissaires aux aiïranchissements nommés par Louis X et Philippe V, ne nous avaient livré que ces deux noms. Ce sont eux encore que l'on voit revenir, à l'exclusion de tout autre, dans l'Inventaire de Robert Mignon. Coïncidence étrange, si elle n'est que for- tuite ; mais faut-il n'en accuser que le seul hasard ? J'essaierai de répondre un peu plus loin ; auparavant il nous faut examiner encore quelques textes. § 3. — Les lettres de manumission et Venquête sur les aliénations du domaine. Plus heureux pour les règnes de Louis X et de Philippe V que pour celui de Philippe le Bel, nous connaissons, soit dans leurs textes mêmes, soit par de simples mentions, un certain nombre des actes d'affranchissement octroyés par les commis- saires de ces deux rois. Ils nous ont été conservés par deux sources : d'une part les registres de la Chancellerie, de l'autre le dossier de l'enquête instituée par Philippe le Long sur les aliénations du domaine. Voici comment. Les lettres de manumission que les commissaires délivraient sous leurs propres sceaux ne passaient pas par les mains des clercs de la Chancellerie. Il ne semble pas que nulle part on en gardât copie. Elles n'existaient qu'en une seule expédition gnés en 1316 pour lever dans le bailliage de Senlis les finances des usuriers et les nouveaux acquêts ; mais il ne trouva pas dans ses archives de compte se rapportant à cette mission. Sans doute, en l'absence de Nicolas, ne fut-elle pas exécutée, pas plus qu'il n'y eut d'affranchissements. 124 ROIS ET SERFS originale ; et ces originaux, remis aux intéressés, ont depuis longtemps péri. Tirant leur force de la délégation royale dont chacune d'entre elles répétait le libellé, ces lettres étaient, sans autre formalité, parfaitement valables. Pourtant, tous les serfs ne s'en conten- taient pas. Quelques-uns parmi eux, craignant sans doute qu'un jour les commissaires ne fussent accusés d'avoir outre- passé leurs pouvoirs, et que leurs actes ne fussent révoqués, tenaient à se munir d'une pièce venue d'une autorité plus haute ; ils ne se croyaient libres que du jour où le roi s'était personnel- lement engagé à respecter leur liberté. Ils apportEÙent à la Chan- cellerie la manumission qu'ils avaient obtenue et sollicitaient pour elle la confirmation royale qui, moyennant le pçiiement des droits prescrits \ était toujours accordée. La lettre royale était naturellement soumise à l'enregistrement ; et, comme elle reproduisait le texte de la manumission délivrée par les commis- saires, ce texte trouvait place, à son tour, sur les feuillets des livres de la Chancellerie. C'est pourquoi nous pouvons lire encore, dans des vidimus éinanés des souverains, quelques-uns des actes de liberté vendus par leurs délégués ^. On rencontre des actes de cette espèce en bon nombre — dix-huit en tout — dans les registres de Philippe le Long. On en trouve même deux, bien plus tard, dans les premiers re- gistres de Philippe de Valois : il y eut parmi les affranchis, des hommes prudents, mais avares, ou bien d'esprit lent, qui se décidèrent seulement, après de longues réflexions, à une mesure à la fois sage et coûteuse. En revanche nous n'avons aucune manumission vidimée par Louis X. C'est que la série des registres de ce prince, telle que nous la possédons aujourd'hui, n'est pas complète ; elle s'arrête au mois de juillet 131ô, c'est-à-dire à la date même, ou peu s'en faut, des commissions pour l'affranchis- sement des serfs ^ : cette lacune nous dérobe ainsi tous les textes qui eussent pu nous intéresser ; on verra tout à l'heure 1. l'n droit de chancellerie de 60 sous, comme pour toutes les lettres en cire verte ; mention du paiement de ce droit est inscrite sur les registres de la Chancel- lerie au bas des actes cites à notre Appendice III, c. 2, 11 et 13. 2. Liste de ces actes : Appendice III. 3. Artonne, Le mouvement de 1314, p. (i et p. 81, n. 1. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 125 comment ou peut, dans une ceriaine mesure, y suppléer. Toutes les lettres de manumission, ainsi confirmées par les rois, émanent, soit de Philippe le Convers et Michel Maucon- duit, soit de Nicolas de Braye et Anseau de Morienval. C'est dire qu'elles se rapportent toutes aux bailliaj^es de Senlis et de Vermandois. Gardons de tirer ici de ce lait un nouvel argument. Car ces lettres nous les avons déjà produites ^. En citant les commissions, que nous ne connaissons que par elles, nous nous sommes étonnés de les voir toucher deux bailliages seulement. Cette remarque, une fois présentée suffit. 11 serait peu honnête de faire paraître deux fois, sous des masques diiïé- rents, les mêmes témoins. Les serfs précautionneux qui avaient désiré pour leur affran- chissement la sanction royale ne s'étaient pas trompés en soup- çonnant, par avance, l'exactitude de l'administration à tenir ses engagements. C'est précisément sous le règne de Philippe le Long qu'on vit, pour la première fois, remettre en question, dans une vaste enquête, toutes les aliénations opérées précé- demment au dépens du domaine : singulière pratique, qui mena- çant de caducité les faveurs accordées parles rois, non seulement comme obtenues frauduleusement, mais tout simplement comme imprudentes, risquait d'aboutir et aboutit en effet à une sorte de banqueroute ofTicielle et périodique. Cette enquête s'ouvrit au mois de mars 1321 ; elle se poursuivit jusque sous le règne de Charles IV. La commission de quatre membres qui en fut chargée remua une masse énorme de documents, sans arriver, semble-t-il, à des résultats positifs bien importants ^. Sa tâche était peut-être trop considérable pour pouvoir être menée à bonne fin. Les dons gracieux octroyés par les rois, depuis Philippe le Bel, n'étaient pas seuls menacés d'être annu- lés. Tous les actes portant aliénation du domaine, fût-ce à litre de vente ou d'échange, paraissaient également suspectset devaient 1. A Texception de deux de ces actes (App. III, c. 14 et 22), qui sont siiiijjle ment analysés par les Registres, et par conséquent ne donnent point le texte des lettres de commission. 2. Cf. Langlois, Registres perdus, p. 112 suiv. M. Ch.-V. Langlois a le premier débrouillé l'iiistoire, jusqu'alors inconnue, de cette grande enquête, et rassemblé les débris de ses archives. Je renvoie, une fois pour toutes, à cette sagace et savante étude. 126 ROIS ET SERFS èlre soumis à révision. Or l' affranchissement d'un serf équi- valait à l'aliénation, au profit de cet homme, au détriment de son seigneur, des droits serviles autrefois perçus. C'est pourquoi, parmi les titres passés au crible, figurèrent les maiiumissions royales. La commission étendit naturellement ses recherches au royaume tout entier. Elle accumula de prodigieuses archives ; nous ne les possédons plus dans leur intégrité première, tant s'en faut ; mais il nous en reste encore d'imposants débris. Ce sont des rapports de baillis, des inventaires où se trouvent cata- logués et analysés les pièces remises par les personnes qui avaient bénéficié des grâces royales, des procès- verbaux d'en- quêtes sur des cas particuliers confiées à des fonctionnaires locaux. Tout cela forme aujourd'hui un grand dossier fragmen- taire, mutilé, décousu, mais où presque toutes les régions de la France capétienne sont représentées. Remuons ce fatras, pour y chercher trace des affranchissements. Dans une seule circonscription nous les trouvons mentionnés : en Vermandois. Voici dans ce bailliage comment les choses se passèrent. Conformément aux ordres contenus dans une circulaire géné- rale du 12 mars 1321 ^ toutes les personnes habitant le Ver- mandois en faveur de qui une parcelle du domaine avait été aliénée, et parmi elles les nouveaux affranchis, envoyèrent des copies authentiques de leurs titres à Paris, où elles furent centralisées entre les mains d'un notaire royal attaché au service de la commission, Gui Juliot ^. Pour en faciliter l'examen, Gui établit un inventaire assez détaillé, qui fut, selon l'usage, écrit sur un rouleau de parchemin. Nous possédons encore ce docu- ment 3. Sa rubrique est pleine de promesses. Item Van monstre pluiseurs lettres de Ph[ilippe] et Loys, roy de France qui font mencion de pluiseurs franchises baillés a pluiseurs villes, commu- nes et personnes de condicion des apiaus de Laonnois et de mortes mains et fnrmariages. En fait il ne contient à peu près rien de ce 1. Registres perdus, p. 112, n. 1. 2. Registres perdus, p. 125 et 132. Sur ce personnage, connu par de nombreuses mentions extra sigillum sur les registres de la Chancellerie, cf. Guillois, Les maîtres des requêtes, App. I, n" 14 et p. just., n" 7, p. 275 et Journaux du Trésor de Charles IV, à la table, et plus particulièrement, p. 126, n. 3. J 1021, 25. Cf. Registres perdus, 117. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 127 que ces mots aniiouceiU : ni lettres de manumissioii, ni actes tou- chant les appeaux [volages] du Laonnois ; simplement quelques ventes, dons ou échanges de terres. Il est clair qu'il est incom- plet ; il semble l'avoir toujours été i. Parmi toutes les pièces qui s'entassaient à Paris, inévitablement quelque désordre s'était glissé. Quand le moment fut venu d'inventorier les copies des manumissions, on ne les trouva plus. Sans doute, lorscjue les commissaires se mirent à examiner les alïaires du Vermandois, cette lacune de leurs archives les frappa et ils s'elforcèrent d'y remédier. Pour cela ils eurent recours à une enquête faite sur place ; ils la confièrent ^ au bailli de Vermandois, Jean de Saillenay, qui, à son tour, étant « empes- chiés... de pluseurs autres besoingnes », délégua son lieutenant Gobert Sarrasin. Gobert convoqua les affranchis dont les nonns lui avaient été transmis par les commissaires : en tout neuf per- sonnes qui tenaient leur liberté de Philippe le Convers et Michel Mauconduit, chargés, comme l'on sait, par Louis le Hutin, de distribuer les francliises dans ce bailliage ; il se fit présenter leurs « privilèges », tous munis du sceau du roi Louis, s'informa auprès d'eux ainsi qu'auprès de témoins « dignes de foi », du prix qu'ils avaient versé et du rapport de ce prix à leur fortune totale, et consigna tous ces renseignements dans un procès- verbal qui fut expédié à Paris. Il existe encore dans un des car- tons des Archives nationales ^. Le Vermandois n'était pas la seule circonscription qui, sous les règnes de Louis X et de Phihppe V, avait été l'objet d'une mesure d'affranchissement. Tel avait été aussi le cas du bailliage de Senlis. Pourtant il ne semble pas que parmi les documents 1. Sans quoi l'on ne comprendrait pas que les commissaires aient cru devoir, comme il va être raconté, procéder à une enquête supplémentaire portant préci- sément sur les afTranchisscments et les appeaux volages. D'ailleurs le rouleau semble matériellement intact. 2. Lettre datée du 12 juin 1321. Registres perdus, p. 129. 3. K 1215, n° 1. Analysé et partiellement publié, Registres perdus, p. 129 suiv. Cf. ci-dessous, App. III, c. 2 à 10. Gobert, selon les ordres des commissaires, avait également fait porter son enquête sur les appeaux volages du Laonnois, dont la suppression avait été octroyée à certaines communautés par Philippe le Bel. Cf. plus haut. p. 99. Il paraît avoir conclu, comme on pouvait s'y attendre, à la validité des manumissions délivrées par Philippe et Michel. Voici ce qu'il dit : « Des condi- tions et servitudes deseurdites sont délivrés et affranchies les personnes deseur- dites par la vertu des finances et rachas fais as persones deseur nommées pour le Roi nostre sire. » 128 ROIS ET SERFS concernant Senlis, (jui tuienl réunis à Paris en 1321, aucune manumission ait trouvé place ^, Ce fait s'explique très simple- ment. L'enquête sur les aliénations du domaine portait en prin- cipe sur toutes les opérations accomplies depuis Philippe le Bel, sans en excepter celles même qu'avait prescrites le souverain régnant, Philippe le Long ; mais pratiquement, les enquê- teurs, jugeant médiocrement convenable et peut-être médiocre- ment prudent de paraître critiquer les actes d'un prince encore vivant, arrêtèrent leurs recherches, presque uniformément, à la mort de son prédécesseur Louis X. C'est ainsi que dans le Ver- mandois, où la mission de Philippe le Convers et Michel Mau- conduit s'était poursuivie sous les deux régnes, ils ne récla- mèrent leurs titres ([u'aux serfs ayant reçu la liberté sous le sceau de Louis X. A Senlis, on s'en souvient, la lettre royale du 3 juillet 1315 n'ayant pas été exécutée avant son renouvelle- ment en 1318, personne n'avait été aiïranchi qu'après l'avène- ment de Philippe le Long. Ces alîranchissements, trop récents, ne tombèrent pas sous le coup de la grande révision de 1321. En revanche, les enquêteurs n'avaient aucune raison pour observer la même discrétion vis-à-vis des mesures prises par le gouvernement de Philippe le Bel qui, par ses folles prodigalités, avait mérité entre tous d'être soumis à une censure sévère. De fait, ils ne l'épargnèrent point. Pourquoi, cela étant, ne voyons- nous nulle part apparaître dans leur dossier les manumissions accordées sous ce roi par ses délégués à Senlis, en Vermandois, Languedoc et Normandie ? On peut, semble-t-il, répondre comme il suit. Reportons-nous au procès-verbal de Gobert Sarrasin, que j'ai analysé plus haut. Gobert, ayant consulté une liste qui lui venait de Paris, convoqua neuf individus qui tous avaient reçu la liberté des deux commissaires, Philippe le Convers et Michel Maucon- duit. 11 leur réclama leurs titres. Alors les aflranchis lui présen- tèrent tous, non pas, comme on eût pu le supposer, les lettres 1. Nous n'avons conservé pour le bailliage de Senlis aucun document comparable au rouleau renfermant la copie des titres du Vermandois. dont on a vu jjIus haut la rubrique. En revanche nous possédons encore un rai)i)ort du bailli « très long et très soigné » (Retjislres perdus, p. IIO, n. 1). On le trouvera dans le français 26961 tn tète du dossier 10675 (et non 10674). Il n"y est pas fait mention de manumis- sions. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 120 ciui leur avaient été remises par Philippe et Michel, mais des <( privilèges » scellés du sceau du roi Louis, c'est-à-dire des vidi- miis royaux confirmant ces lettres. Tous les serfs délivrés du -' joug » en Vermandois avaient-ils donc sollicité ainsi la sanc- tion royale, qui coûtait si cher ? Cela est peu probable. Mais ceux qui ne l'avaient pas demandée passèrent inaperçus en 1321. Les enquêteurs n'avaient d'autres instruments de travail que ceux que leur oiïraient.les archives de la monarchie, en toute première ligne les registres de la Chancellerie (qui, à ce moment, devaient être complets pour le règne de Louis X) et ceux de la Chambre des Comptes. Ils n'y trouvaient trace que des affran- chissements uidimés par le roi. Ce sont ceux-là seulement qu'ils firent vérifier. Les serfs prévoyants qui avaient tenu à faire authentifier par le souverain lui-même les actes de franchise vendus par ses fonctionnaires, durent subir les ennuis et vrai- semblablement les frais d'une sorte d'instruction judiciaire : conséquence paradoxale d'une sage précaution. Si nous possé- dions le dernier registre de chancellerie établi sous Louis X, nous y lirions sans doute, dans autant de manumissions, encloses dans des confirmations royales, les noms des personnages qui, en juillet 1321, comparurent devant Gobert Sarrasin. Nous ne l'avons plus ; le procès-verbal qui nous livre ces noms comble ainsi une regrettable lacune. ^ Au contraire les registres dont usa la Chancellerie de Phi- lippe le Bel nous sont parvenus, semble-t-il, sinon dans leur intégrité, du moins peu s'en faut. On n'y rencontre aucune lettre royale confirmant un affranchissement accordé par des commis- saires. Les clercs du roi, dont les méthodes d'enregistrement étaient alors défectueuses, négligèrent-ils de transcrire les actes de cette espèce ? ou bien plutôt l'habitude de soUiciter cette sanction suprême ne s'était-elle pas encore répandue parmi les serfs libérés ? Je ne sais. Mais cette lacune est certaine. Ses ellets se firent sentir en 1321, et l'enquête sur le domaine laissa de côté des aliénations de droits servîtes dont aucun témoignage écrit ne subsistait dans les archives parisiennes. 1. Une femme affranchie par Philippe et Michel, IZve de Crandelain, demanda et obtint deux vidimus distincts, lun par Louis X, l'autre par Philippe V. App. 111, 130 ROIS ET SERFS Le vaste dossier consliUié en 1321 ne nous est arrivé qu'in- complet. Peut-être y trouvait-on autrefois mentionnées des manumissions particulières dont le souvenir aujourd'hui s'est perdu. ^lais, en ce qui concerne les grandes mesures d'all'ran- chissenieiit prises par Philippe le Bel et ses iils, les raisons d'être de ses indications et de ses silences s'expliquent aisément. Le hasard n'en paraît point cause. Les enquêteurs n'ont pas réclamé leurs titres aux anciens serfs atTranchis par les commis- saires de Philippe le Bel, parce qu'il n'en avaient pas de liste. Ne voulant pas censurer les actes d'un souverain régnant, ils ont évité d'examiner les franchises du bailliage de Senlis, qui toutes dataient de Philippe le Long. Ils n'ont retenu que les manumissions du Vermandois, et parmi elles, celles-là seulement qui avaient obtenu la confirmation royale et l'avaient reçue d'un prince défunt : Louis le Hutin. § 4. — Conclusions. Il est temps de conclure. Adoptons-nous la théorie traditionnelle ? Croyons-nous fer- mement que Louis le Hutin d'abord, Phihppe le Long ensuite, ont voulu r affranchissement des serfs royaux dans le domaine tout entier ? Il faudra, en ce cas, dire à peu près ceci. Louis X, le 3 juillet 1315, envoya dans tous les bailliages et toutes les sénéchaussées des commissaires qui devaient olïrir aux serfs leur liberté, à prix d'argent. Nous sommes renseignés sur ce grand acte par un registre de la Chambre des Comptes, renfermant sur deux feuillets difïérents deux documents difle- rents, — par trois registres de la Chancellerie et un autre registre de la Chambre des Comptes contenant quatre manumissions distinctes, — par un inventaire des comptes royaux, et par deux pièces provenant d'un dossier constitué en 1321 pour servir à une enquête sur les ahénations du domaine : toutes sources rigoureusement indépendantes les unes des autres. Le hasard a fait (|ue toutes les indications ainsi fournies se rapportent à deux bailliages seulement : Seidis et Vermandois, — le premier LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 131 OÙ la iiiesiire prescrite par Louis X semble être demeurée inopérante, le second où elle fut certainement suivie d'elïet. Philippe le Long, le 23 janvier 1318, à son tour expédia par tout le royaume des fonctionnaires chargés de vendre la fran- chise. Nos renseignements sur cette vaste campagne viennent de trois registres de la Chancellerie, où furent transcrites douze manumissions difïérentes, — et de l'inventaire des comptes déjà cité : toutes sources encore une fois d'origines absolument distinctes. Le hasard a fait qu'elles nous ramènent toutes au même bailliage : Sentis, où à la difïérence de l'ordre donné par Louis X, celui de Philippe V fut exécuté. Mais le hasard n'est vraiment pas coutumier de pareilles coïncidences, tant de fois répétées. Les résultats obtenus par l'étude critique des sources me paraissent suggérer une interpré- tation plus simple. Voici comment on peut la formuler. Louis X, le 3 juillet 1315, envoya des fonctionnaires chargés des affranchissements dans deux baiUiages seulement : Verman- dois et Senlis. En Vermandois, les commissaires entreprirent tout de suite la tâche qui leur était confiée ; leur activité ne s'arrêta point à la mort du souverain dont ils tenaient leurs pouvoirs ; ils poursuivirent leur travail pendant les premières années du règne suivant : celui de Phihppe le Long. A Senlis, au contraire, pour des raisons que nous pouvons entrevoir, leurs collègues n'exécutèrent pas les prescriptions royales ; personne dans cette circonscription ne versa le prix de la liberté ; le Trésor perdait ainsi un gain déjà escompté. • Le gouvernement de Phihppe le Long voulut réparer ce dom- mage ; il délégua de nouveau deux commissaires à Senlis. La mission, cette fois, fut accomplie. Et les deux bailliages reçurent, en fin de compte, même traitement. Si je ne me trompe, cette explication, où rien n'étonne, paraî- tra s'imposer d'elle-même. Je la crois, pour ma part, exacte en tous points. On peut néanmoins faire valoir contre elle un texte, — un seul : quelques mots contenus dans le préambule com- mun aux lettres de commission du 3 juillet 1315 et du 23 jan- vier 1318. 11 va falloir maintenant examiner cette difficulté, pour la lever. CHAPITRE VI LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V LE PRÉAMBULE DE 1315-1318 § 1. — Le texte. Un même préambule ouvre les lettres de commission du 3 juil- let 1315 et du 23 janvier 1318 ; il en a fait la célébrité. Le voici, tel qu'on le lit au registre 54^ du Trésor des Chartes, reproduit dans l'affranchissement accordé le 13 septembre 1316 à Isabelle de Chazelles, femme d'Heliot de Reims, par maîtres Philippe le Convers et Michel Mauconduit, chanoines de Paris et clercs de notre sire le roi : « Comme selonc le droit de nature chascun doie nestre franc et par aucuns usages ou coustumes qui de grant ancienneté ont esté encredités et gardées jusques ci en nostre reaume, et par aven- ture par le mesfait de leurs prédécesseurs moult de personnes de nostre commun pueple soient cncheues en lyans de servi- tutes et de diverses condicions, qui moult nous desplet, nous, considerans ({ue nostre reaume est dit et nommé le royaume des Frans et volans que la chose en vérité soit accordans ou non et que la condicion des gens amendé de nous en la venue de nostre nouvel gouvernement, par la deliberacion de nostre grant conseil avons ordené et ordenons que generaument par tout nostre roaume de tant comme il puet touchier a nous et a nos successeurs teles servitules soient ramenées a franchise [et] a tous ceus qui de orine ou ancienneté ou de nouvel par mariage ou par résidence de liens de serve condicion sont encheus ou pourroient encheoir en lyan de servitute franchise soit donnée o bonnes et convenables condicions ; et pour ce espe- LES Al I KANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 133 cialmenl que noslre commun pueple par les collecteurs, serjaus et autres officiaus qui ou temps passé ont esté députez sus le fait des mains mortes et t'ormariages ne soient plus grevés ne domagiés pour ces choses si comme il ont esté jusques ci, la quele chose nous despies ; et, pour ce que les autres segneurs qui ont hommes de corps prengnet esemple a nous de eus remener a franchise. » Tel est cet exorde vraiment éloquent, qu'un critique n'a pas craint d'appeler une <( déclaration des droits de l'homme rédigée spontanément par la royauté et à son profit » ^. C'est un beau morceau de littérature ; il convient de lui appliquer les méthodes de l'histoire littéraire. Eiïorçons-nous de fixer sa place dans l'évolution du genre auquel il appartient, de rechercher les cou- rants d'idées où puisa son auteur anonyme, et, s'il se peut de retrouver les modèles mêmes dont se servit cet ingénieux assem- bleur de mots. § 2. — Des préambules d'actes d' affranchissement en général. L'usage de placer en tête des actes émanés des souverains ou des particuliers un préambule, une « harangue » (arenga) est, comme l'on sait, fort ancien, et s'est maintenu avec des vicissi- tudes diverses pendant tout le Moyen-Age. Ces discours préli- minaires tournaient toujours dans le même cercle de pensées ou de lieux communs, sans avoir avec la vie réelle qu'un bien lointain rapport, — étant forcément élogieux pour le personnage qui avait commandé l'acte, et présentant invariablement ses motifs sous le jour le plus flatteur. D'ailleurs ils témoignaient rarement, même dans la forme, d'une invention originale. C'étaient le plus souvent des développements tout faits, que four- nissaient les innombrables traités consacrés à VArs Dictandi, — ■ manuels à la fois du parfait notaire et du parfait secrétaire, — ou bien qui se transmettaient comme des recettes de famille 1. C. Lenient, La satire en France au moyen-âge, 5<' éd., in-12, Paris, s. d., p. 200. Sous la Restauration, Guizot disait : « De nos jours, Messieurs, l'empereur Alexandre n'aurait pas osé publier en Russie un ukase semblable ». Histoire de la civilisation en France, éd. de 1830, IV, p. 281. 134 ROIS ET SERFS dans les Chancelleries. Les mêmes phrases, (lui respirent un touchant respect pour l'Église, se lisent en tête des diplômes de tous les rois, qu'elle qu'ait été leur politique. Ces formules n'étaient pas sincères ; on ne saurLiit dire qu'elles étaient men- songères ; car ce serait leur attribuer une importance que nul ne leur donnait, pas plus que nous n'attachons aujourd'hui aucune idée de véracité ou d'hypocrisie aux expression stéréo- typées qu'imposent les règles de la correspondance adminis- trative ou commerciale. L'étude des préambules a son intérêt ; elle renseigne sur les habitudes des chancelleries, sur les modes littéraires ou juridiques. On a remarqué depuis longtemps qu'elle n'apporte que peu de lumières à l'histoire proprement dite ; elle ne découvre pas les ressorts cachés qui font agir les gouvernements. ~ Cette discordance entre la véritable portée de l'acte juridique et les considérants oratoires qui le précèdent ne paraît nulle part plus sensible que dans les lettres de manumission. C'est que dans la pensée des hommes du Moyen-Age il a toujours subsisté au sujet de l'affranchissement et, plus généralement, de la servitude et de tout ce qui s'y rapporte, une sorte d'équi- voque. Les pères de l'Église, sous l'inspiration à la fois de l'anarchisme évangélique et de la philosophie gréco-romaine, avaient pro- clamé l'égalité naturelle entre les hommes. J'aurai tout à l'heure l'occasion de revenir sur leur doctrine, et j'indiquerai alors brièvement par quel biais elle se dépouilla de tout caractère révolutionnaire. Mais il en resta au moins ceci : que rendre aux esclaves leur liberté originelle passa toujours pour un geste agréable à Uieu. Ce précepte que la primitive Église avait destiné aux esclaves (servi J, les docteurs du Moyen- Age en perpé- tuèrent l'apphcation aux serfs. Les hagiographes, les chroni- queurs mêmes ne cessèrent de rappeler avec complaisance les aflranchissements ordonnés par leurs héros, et leur zèle alla par- fois jusqu'à en imaginer d'apocryphes ^. Beanmanoir a parfaite- 1. Textes de vies de saints cités (maJheureusenient avec des références qui ne sont pas au point) par M. Founiier, Les al/ranchissements du V" au XIII'^ siècle, Rev. historique, XXI (1883), p. 12, n. 1 ; et par Paul Allard, Les origines du servage LES AFFRANXIIISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 135 meut exprimé la théorie régnanle encore de son temps, lorsqu'il a dit des serfs : « Graut aumosue fet li sires qui les osle de servi- tude et les met eu franchise, car c'est grans maus quant nus crestiens est de serve condicion « ^. Mais les sociétés ne vivent pas d'aumônes. Le servage était un fait social important, indéniable. On ne pouvait songer à l'abolir brusquement sans bouleverser tout l'ordre établi. Plus particulièrement, dans les fortunes seigneuriales ou ecclé- siasticjues les revenus que l'on tirait de lui figuraient en bonne place. Supprimer ces profits sans une compensation pécuniaire suffisante eût été courir à la ruine. C'est pourquoi, en ce qui concerne les serfs de l'ÉgUse, les autorités canoniques, gardiennes sévères d'un patrimoine sacré, Umitèrent les affranchissements par des règles dures et sages. Distribuer inconsidérément la liberté passa toujours dans le clergé pour un trait de mauvaise administration -. Sous saint Louis, les chanoines de Chàlons firent annuler par le Parlement des lettres royales qui avaient autorisé leur évèque à affranchir un certain nombre de serfs ^. Les intérêts des laïques n'étaient pas protégés par des lois conservatrices, ^iais ils se défendaient eux-mêmes. On n'ac- cordait guère de manumissions sans exiger en échange, pour le moins, une juste indemnité. Quelques seigneurs cherchèrent à obtenir davantage et à transformer l'acte hbérateur en une opération lucrative. Je me suis efforcé de montrer par quelle évolution le gouvernement royal, sous Philippe le Bel et ses fils, en était arrivé à ce point de vue. Donc rimmense majorité des affranchissements étaient vendus à prix d'argent. Pourtant la conception de l'affranchissement comme geste de piété trouva un refuge : ce fut dans les pi'éam- en France, in-12, 1913, p. 44. Parmi ces vies, il en est d'absolument légendaires, comme celle de Saint Maur, où les affranchissements figurent parmi les ornements hagiographiques ordinaires. Pour les chroniqueurs, v. par exemple Marc Bloch, Blanche de Caslillc et les serfs du chapitre de Paris, p. 247-248. 1. Ch. XLv, § 1453, II, p. 236. 2. V. à ce sujet en dernier lieu E. Lesne, La propriété ecclésiastique en France aux époques romaine et mérovingienne, Paris, 1910, p. 235 ; et l'article, toujours utile, de :\Iarcel Fournier, Les affranchissements du V^ au XIII^ siècle, Rev. his- torique, XXI (1883). 3. Olim, 1, p. 626, n" xxi; cf. p. 707, n° xxvii et p. 764, n° xxviii; l'affranchis- sement fut également cassé par le pape ; et ce malencontreux épisode fut la source de longs procès. 136 ROIS ET SERFS bules. Puisqu'il était entendu que tous les actes juridiques devaient débuter par quelques phrases flatteuses pour leur auteur, le choix de ces formules, quand il s'agissait d'une lettre de manumission, s'imposait de lui-même : il suffisait de rappeler en termes plus ou moins heureux et avec plus ou moins d'abon- dance que l'octroi de la liberté était une œuvre bonne aux yeux de Dieu. C'est à quoi ne manquèrent pas les notaires ni les compi- lateurs de Didamina. De charitables considérants se trouvèrent ainsi préfacer une foule de chartes qui, en toute honnêteté, n'auraient dû se donner, au mieux, que comme traduisant par écrit les calculs d'une administration avisée. Devait-on néanmoins mentionner le prix versé ? J'ai déjà indiqué que cette question fut, selon les moments ou les per- sonnes, résolues dans des sens différents ; on verra tout à l'heure que sous Louis le Hutin et Philippe le Long elle divisait encore les commissaires du Vermandois et ceux de Sentis, A partir du xiii^ siècle, la somme exigée par le seigneur fut souvent expressé- ment indiquée, et les chancelleries n'hésitèrent pas toujours devant cette contradiction un peu brutale qui consistait à faire suivre des déclarations de piété par renonciation de conditions parfois assez dures : tel ce comte de Joigny qui accordait à un ménage servile la Uberté u enremuneracion et en pur gueredon des bons et agréables services, curialitez et boutez qui fait ont esté a nos devanciers et aus aiens cause de nous... et encore sont assiduelment de jour en jour sanz cesser », — « de pure et especial grâce, par Dieu et en pure aumosne, et ou regart de pitié », — et « pour la somme de deus cens livres en deniers » ^ D'autres seigneurs, plus simplement, avouaient deux motifs^ sans décider lequel primait l'autre, comme cet abbé du Mont Sioii ([ui affirmait agir (< sous l'inspiration de la charité et pour rulilité de notre église » 2. Mais bien souvent, le prix étant passé sous silence et les pensées généreuses du préambule seules mises en lumière, l'acte, qui était une vente, se présentait 1. Affr. d'un ménage servile de la paroisse de Lys, diocèse de Nevers, par Jean^ comte de .Joigny, dim. après S. Georges 1.'12.'}, dans un oidimus par Cliarles IV. Vauniain en Vcxin, mars 1324, a. s. .1.1 62 fol. 78 \°. 2. Aflr. de dix-neuf serfs dépendant du prieuré de Saiiit-Sanison, par Th., abbé du .Mont-Sion, octobre 1254. Cartulairc de S. Samson dOrléans. Archives du Loiret, D, 371 fol. 220 v°. LES AFI-HANCIIISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 137 tout uiiinienl comme un don. De même plus d'une lois des cessions de biens faites à des monastères à litre onéreux se dissi- mulèrent sous le masque de donations gratuites. Ces petites hypocrisies sont bien curieuses : qui dira jamais selon quelles doses se mêlaient, en ces âmes naïves et quelque peu grossières, les routines de l'art notarial, le sentiment du bon ton, et peut- être je ne sais quel obscur espoir de tromper le ciel ? L'histoire des préambules d'affranchissements serait instruc- tive et parfois amusante. Je ne puis ici qu'en esquisser quelques traits, destinés à faire mieux comprendre le texte qui forme l'objet spécial de notre étude. Un juriste allemand, qui avait beaucoup pratiqué les docu- ments diplomatiques, a écrit : « Parmi toutes les forces de conser- vation que met en jeu le développement du droit, il n'en est pas de plus conservatrice que la corporation des rédacteurs d'actes » ^. L'histoire des préambules qui nous occupent apporte à cette vérité une confirmation nouvelle. On imaginerait diffi- cilement la fortune prodigieuse de certaines formules, qui ont traversé les siècles; non passeulementdes alliances de mots, comme cette expression « joug de la servitude », empruntée aux codes romains '^, c[ui se retrouve presque dans toutes les manumissions, mais aussi des phrases entières que se transmirent d'âge en âge des générations de notaires. Je reviendrai tout à l'heure sur les étonnantes destinées d'un développement oratoire dû à Grégoire le Grand ou à ses clercs. Voici deux autres exemples. Le formulaire de Marculfe, compilé sous les rois mérovingiens d'après des sources cpie nous ne connaissons plus, renferme un modèle d'afiranchisement qui commence ainsi : « Qui debitiim sibi nexum relaxât servitiiim mercedem in futiiriim apud Domimim sibi retribucre confidat ». a Que celui qui relâche le lien du ser- vice qui lui est dû se fie à la récompense. qui sera auprès du Sei- gneur sa rétribution ^ ^. Cette même phrase, tantôt reproduite mot pour mot, tantôt mise en meilleur latin avec des modifi- cations où s'aperçoit toujours le dessin primitif et dont on 1. H. Brunner, Zur Rechlsgeschichte der romanischen und germanischen Urkundey Berlin, 1880, p. 3. 2. Par exemple Code Justinien, VIII, 50, 1. 8. 3. L. II, 11" 32, Zeumer, p. 95. 138 ROIS ET SERFS pourrait à leur lour rclracer les filiations, se lil on lèle do divers types de manumissions, d'abord dans d'autres recueils d'époque franque ^, puis en Allemagne chez les canonistes Rogino de Priim ^ et Burchard do Worms ^, en Italie chez maître Rufm ^ on Franco, chez Ivos de Chartres ^ et dans le Slilus lillerarum composé en 1290-1291 par un notaire de l'oflicialitè de Paris, Guillaume le Prêtre^, Los moines de Marmonlier ' et de Saint- Père de Chartres ^ l'ont employée, brodant sur elle une infinité de variantes. Vers le début de son règne Louis le Pieux réforma la procé- dure établie pour l'alTranchissement dans l'église des serfs du clergé c[ui voulaient recevoir les ordres sacrés ^. Sa chancellerie rédigea alors un nouveau modèle d'acte qui trouva place dans la collection quasi-officielle des Formiilae Impériales ^^. h'arenga y débutait par ces mots : « Auctoritas ecclesiastica patenter admonet >». Il se répandit très vite dans tout l'empire carolingien (nous en avons un exemplaire au nom de l'historien Einhart, abbé de Saint-Servais )^^ et survécut longtemps à sa chute. On le rencontre dans des recueils allemands, italiens et en France dans un formulaire à l'usage de Saint-Benoît-sur-Loire ^'^. Les 1. Formai. Turon, w" 12, Zeumer, p. 1-41 ; Formai. Salicw Lindenhrog, n° 10 et 11. Ibid., p. 273 et 274. 2. Ed. Wasserschlcbcn, Leipzig, 1840, 1. I, c. 414, p. 186. 3. Ed. de Paris, 1549, 1. II, c. xxx, fol. 53 v". 4. "Ed. von Schulte, Giessen, 1892, dist. liv, p. 120; éd. H. Singer, Paderborn, 1902, p. 139. 5. Dans son Décret, pars VI. c. 131. Migne, Patrologie latine, CLXI. col. 477. Un autre texte, d'une main qui paraît de la fin du xii'^ siècle, à la fin d'un manus- crit contenant la collection des lettres d'Ives de Chartres. Bibliothèque de la ville de Chartres, ms. 1029, fol. 142 V. 6. Le préambule cité (sous la forme « Qui sibi competens relaxât serv'itium » — une des variantes classiques) se trouve au fol. 157 v°, col. 1. 7. Livre des serfs, n" lxxiii, et Appendice, n° xliv (Cartulairepoar le Vendômois, n" xxxiii) et LU. 8. Guérard, Cartulaire, I, p. 158, n° xxxi, p. 180, n° liv, II, p. 295, n" xxxix ; - latin 10101, fol. 13 (indiqu. Guérard, II, p. 294, n» xxxvii). 9. Sur ces faits, v. A. Vidier, Notice sar des actes d'affranchissement et de précaire concernant Saint-Aignan d'Orléans. Le Moyen-Age, XX (1907), p. 301 suiv. Cf. Sickel, Regeslen der Urkanden der ersten KaroUnger, Vienne, 1867, p. 322. 10. N» 33, Zeumer, p. 311. 11. Formai. Impériales, n° 35, Zeumer, p. 315. Zeumer, p. 311, n. 3, a donné une liste fort longue des exemplaires connus de la formule Aactorilas. Il faut y ajouter (pour le préambule seulement) Ives de Chartres, Décret, pars vi, c. 127. 12. Ce formulaire n'a jamais été signalé. Au xvi" siècle il se trouva quelque temps entre les mains de l'érudit Orléanais Pierre Daniel. Ce personnage a])par- tenait à une famille héréditairement attachée à Saint-Benoît-sur-Loirc ; de 1575 à 1(J03 ou 1(J04 il fut ijailli des moines. En 1562, lors du |)illage de l'abbaye par Its Huguenots, il sau\a du désastre et mit à l'abri dans ses collections |)ersonnelles un certain nombre de manuscrits jjrécieux c]ui avaient aj)parlenus aux moines ; LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 139 premiers mots suiiout en parurent frappants. Au xi^ siècle ce sont eux que, laissant tout le reste, se plaisaient à reproduire les moines de ■Nlarmoutier ^. Mais il ne faudrait pas exagérer la force de la routine. Dans les chancelleries, sous la continuité des traditions, on sent le mouvement des esprits et l'évolution des modes juridiques et littéraires. Aux xi^ et xii^ siècles les préambules d'alîranchissements sont écrits dans un latin assez rude, quelquefois incorrect, sou- vent verbeux, mais coloré. Les citations du Nouveau Testament et même de l'Ancien y abondent. Dans les actes de Saint-Père de Chartres et de Marmoutier (je les cite sans cesse, parce que ces deux monastères conservèrent avec un soin rare les pièces relatives aux affaires serviles), on voit ainsi défiler les prophètes Isaïe "^ et Jérémie ^, les évaneiles selon saint Mathieu *, saint Luc ^ il ne les leur rendit jamais (cf. Jarry, Notice sur Pierre Daniel et les érudits de son temps, Orléans, 1876). Sans doute le formulaire était du nombre. Qu'est-il devenu ? je ne sais ; peut-être a-t-il péri. Quant à la formule qui nous intéresse, son texte nous a été conservé par un autre érudit Orléanais, Guillaume Fournier, à qui P. Da- niel avait communiqué son manuscrit. Guillaume Fournier, professeur à l'Uni- versité d"Orléans et juge au présidial de cette ville, écrivit entre autres ouvrages de droit une sorte de recueil de curiosités juridiques intitulé Selectioniim libri très {v. sur les éditions le Catalogue des Imprimés de la Bibliothèque Nationale ; l'édition la plus accessible est dans le Thésaurus Juris Romani... cum Prœfatione Evrard^ Ottonis, II, Leyde, fol. 1726). Il y inséra notre formule (1. I, c. iv, dans le Thésaurus, col. 10). Elle reproduit le texte des Formulée Imp. avec quelques variantes médio- crement importantes. L'acte est daté de Fleury et a pour suscription « Idcirco ego in Dei nomine (corr pour indim.) N. abbas monasterii sanctse Mariœ, sancti Pétri et sancti Benedicti Floriacensis ». L'ne formule, venant du même monas- tère, également relative à un serf, et empruntée vraisemblablement à la même collection, a été publiée par M. Prou d'après une copie du xii® siècle contenue dans un manuscrit du Vatican (Les ser(s de Saint-Benoit-sur-Loire. Bullet. soc. antiquaires de France, 1893, p. 2i6 suiv. ; réédition dans Prou et Vidier, Recueil des chartes de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire. Documents publiés parla soc. histor. et archéol. du Gâtinais, I, n° xlviii). Elle a même suscription. Dans la titulature de l'abbé les trois saints patrons figurent au complet ; cela paraît prouver que le recueil d'où proviennent les deux formules fut compilé avant la fin du xi« siècle. Le dernier acte où le monastère est indiqué sous le vocable des trois saints date de 1080 (Prou et Vidier, loc. cit., p. 239). Saint Pierre disparut le premier ; la Vierge se maintint un peu plus longtemps à côté de Saint Benoît ; mais dès le xii^ siècle l'usage diplo- matique ne connut plus, comme patron de l'illustre abbaye, que le « père des moines » dont elle, possédait les reliques. 1. Livre des serfs de Marmoutier, p. 53, n° liv et p. 88, n" xcv (tous deux fin du x« siècle ou début du xi«). 2. Isaïe, LVIII, 6 et 9. Guérard, loc. cit., I, p. 158 n° xxxi (avant 1080?); p. 189 no Lxn (1060-61) ; II, p. 295, n» xxxix (1089-1101) ; latin 10101, fol. 13, cf. Guérard IL p. 294, n» xxxvii (1079-1101). 3. Jérémie, XXXIV, 17. Guérard, I, p. 507, n» li (1129-1150). Livre des serfs de Marmoutier, App., p. 160, n" xxxvii (7 nov. 1087). 4. Mathieu, XVI, 26. Livre des serfs de Marmoutier, loc. cit. 5. Luc, VI, 37. Guérard, t. I, p. 180, c. liv (1031-1060). Livre des serfs de Mar- moutier, App., c. XLix et Cartulaire de Marmoutier pour le Vendômois, Vendôme, 1893, p. 326, c. xxxiii (1108-1125). 140 ROIS ET SERFS et saint Jean ^, saint Paul dans VEpitre aux Galates ^. Les motifs dont on se pare sont surtout d'ordre religieux ; c'est l'exemple du Christ, libérateur de l'humanité ^ ; c'est l'espoir de •la récompense finale accordée au juste ; c'est la crainte du Jugement Dernier : jour de colère, jour de pleurs et de tremble- ment, dies ire, dies flebilis et tremenda^. Au xiii^ siècle, les préambules d'afTranchissements — comme du reste tous les préambules — subirent une sorte de crise. On les écourta. Souvent on les supprima, ne laissant subsister des généreux considérants si complaisamment développés autre- fois, qu'une brève allusion dans le corps même de l'acte. Le seigneur déclarait octroyer la liberté à ses serfs " pour le repos de son âme >. ou bien « sous l'inspiration de la piété »>. Tel fut, comme on l'a vu, l'usage de la chancellerie royale dès Louis VIL Parfois, comme dans les diplômes de Philippe-Auguste, mais rarement, ces quelques mots eux-mêmes disparaissaient. Par quoi expliquer cette sobriété ? Peut-être par un change- ment de goût littéraire, mais surtout, je crois, par un développe- ment croissant de l'esprit juridique. De cet esprit nouveau, naquit une conception nouvelle du style notarial. Son principal foyer fut dans les offîcialités, chargées, au xiii^ siècle, de l'éta- blissement de tant de chartes ; et de là elle rayonna un peu partout. Les cours épiscopales étaient composées en grande partie d'hommes qui avaient fait de fortes études de droit. Ces juristes recherchaient dans les actes moins l'éloquence que la précision 1. Jean, VIII, 36. Guérard, II, p. 457, n" lxiii (1129-1150). 2. Galat., VI, 10. Livre des serfs de Marmoulier, App., p. 1(30, n° xx.xvii. Un des rares affranchissements de ce temps qui nous soient parvenus en original, celui du serf Rcnoud, par les moines de Saint-Maur-des-Fossés, en 1123, renferme des citations d'Isaie, LVIIl, 6, de la Prima Pétri, II, 18, et des allusions aux pas- sages de la Genèse sur les fils de Noë et à la parole du Christ (rapportée par les trois synoptiques) < Rendez à César... » K 22, 3 (indiqu. Tardif, Carions des rois, n» 390). 3. Par exemple : affr. de Pierre Herpin par Eude, abbé de Saint Père de Chartres (1130-1150), lat. 10101, fol. 13, - indiqu. Guérard, Cartulaire, II, p. 294, n» 38. 4. Formule de manumission (inédite) rejjroduite par diverses collections orléa- naises : latin 1093, fol. 72 v» ; latin 15170, fol. 20 ; latin 8G53, fol. 25 v» ; v. L. De- iisle, Les Ecoles d'Orléans au XII et au XIIP siècle. Annuaire-Bulletin de la Soc. de l'histoire de France, 1809. p. 139 suiv. ; cf. aussi L. Auvray, dans Mémoires Soc. archéol. de l'Orléanais, XX 111 (1892), p. .'591 suiv. et Ch.-V. Langlois, Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, I.IV (1893), p. 237. (>ette fornmle est, bien entendu, anté- rieure à la prose liturgique dite Dies irw ; l'expression Dies ira.' est d'ailleurs bi- blique. LES AF-FRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 141 des termes. Rompus à toutes les roueries de la procédure, ils prévoyaient de loin la mauvaise foi de leurs clients, et s'effor- çaient de leur barrer la route, en prévenant par avance leurs ruses. Ils réduisirent ou abolirent les préambules, parfaitement inutiles en fait ^, et développèrent au contraire avec une abon- dance parfois déconcertante les clauses finales par où les inté- ressés déclaraient renoncer à une foule d'exceptions tirées des codes romains. Ce n'est pas que les notaires, nourris de Dic- tamina, eussent perdu le goût du bien dire. Mais les oiïiciaux imposaient leur volonté à leur personnel. J'ai déjà cité le Stiliis litlcranim compilé par Guillaume le Prêtre <( selon l'ordre de droit et le cours accoutumé à l'ofTicialité de Paris ». A l'article « manumission », Guillaume commence par reproduire deux textes empruntés aux anciens modèles. Puis il ajoute cette note désa- busée : « Bien que ces formules soient bonnes, et telles qu'ainsi devraient être établies les manumissions, néanmoins aujour- d'hui la coutume ne les admet plus » '^ et il continue en donnant le type d'acte qui était en usage à la chancellerie diocésaine et dont nous retrouvons en effet des exemplaires dans toutes les archives ecclésiastiques de la région parisienne : rédaction soigneuse, lucide, un peu sèche, oîi les charitables centons d'au- trefois sont représentés par les simples mots : inliiitii pictatis ; les diverses obligations des nouveaux aflranchis y sont énumé- rées avec une impitoyable exactitude ; et l'on y cite, au lieu des Ecritures Saintes, l'édit «du divin Adrien » et le Senatus-consulte Velleien. Vers le début du xiv^ siècle, les longs préambules revinrent en faveur. Ce revirement de la mode ne fut peut-être pas sans quelque rapport avec un certain déclin des oiïlcialités ^ ; beau- coup d'actes commençaient à être dressés en dehors d'elles, soit par les juridictions royales, soit tout simplement par les parti- 1. Cf. Paul Fournier, Les ôfficialités au moyen-âçje, Paris, 1880, p. 295. « On ne trouve point dans nos chartes de préambule destiné à exprimer des idées banales. » 2. Fol. 158, col. 1 : « Licet liée forme bone sint et taliter deberent fieri manuniissiones, tamen hodie de consuctudine non habentur. » Cf. les notes marginales : fol. 157 x" (en face de la première formule) « Nota istam harengam > ; — au bas du même folio, avec un double trait indiquant les deux premières formules « Iste sunt peroptime forme manumissionis, sed non sunt in usu », — et enfin, fol. 158 r», — au bas de la troisième formule — « Ista est in usu». 3. Cf. Fournier, loc. cit., p. 290. 142 ROIS ET SERFS culiers ^. Mais le retour en arrière ne fut pas complet ; les habi- tudes d'esprit et de langage avaient changé ; elles imposèrent un style plus neU dépouillé de souvenirs bibliques, mieux pénétré de culture juridique. C'est à ce moment de l'évolution qu'apparut, dans la lettre de commission du 3 juillet 1315, le texte si frap- pant qu'on a lu plus haut. 11 convient maintenant de l'aborder de front. § 3. — Les idées du préambule de 1315-1318. Avant d'examiner les idées ou les lieux-communs que ren- ferme le préambule de 1315-1318, indiquons brièvement ce qu'il ne contient point. Toute considération d'ordre religieux est absente. Louis X ou Philippe V n'y parlent ni de leur piété, ni du « sauvement » de leurs âmes, ni de l'imitation du Christ. Le nom de Dieu n'y est même point prononcé ^. Gardons-nous d'induire de ce silence rien qui touche les sentiments intimes de ces deux rois, ni ceux de leurs notaires. jMais concluons simplement que l'éducation littéraire du clerc anonyme qui rédigea la lettre de commission était d'un caractère surtout profane ; les réminiscences de la Bible et des Pères ne vivaient point dans son esprit. En dehors donc de toute pensée dévote, mais d'une part sans doute puisant dans sa mémoire ou dans ses livres, de l'autre travaillant sur son propre fonds, il composa une éloquente déclamation avec quatre ou cinq considérants divers cousus bout à bout. La plupart d'entre eux ne nous retiendrons pas longtemps. L'allusion aux exactions des collecteurs de mainmortes déjà étudiée plus haut ^ est j)robablement ce cfue nous rencontrons 1. En fait les manumissions de cette époque qui renferment des préambules sont passées sous le sceau ou de juridictions royales (prévôté de Paris : affranchis- sement de serfs habitant Vailly et autres lieux par Raoul de Presles 20 mars (jeudi avant Pâques Fleuries) 1320, JJ 59, fol. 333 ; publié par Lancelot, Mémoires de l'Académie des Inscriptions, Xill (1740), p. 014) ou de seigneurs ecclésiastiques (cf. les références données ci-dessous, p. 155, n. 3). 2. On peut remarquer que tel était déjà le cas du préambule, très court, de l'ordonnance de Philippe le Bel pour rafïranchissement des serfs du Toulousain. 3. Chapitre m, p. 83. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 143^ (le plus précis. Elle ne fait poinl corps avec l'ensemble du texte. Aux mots u par la deliberacion de noslre grant conseil » il semble que le préambule finisse. Le dispositif commence alors par l'énoncé de la décision royale. Mais brusquement, après ce début de dispositio le discours paraît rebondir et l'attaque contre les collecteurs ouvre comme un second préambule. On a l'impres- sion de quelque chose d'ajouté après coup. Faut-il croire, en effet que, les phrases liminaires ayant été rédigées d'abord selon une rhétorique assez creuse par un clerc de la Chancellerie, un des hauts fonctionnaires qui entouraient le souverain fit insérer ensuite tant bien que mal, dans un développement déjà construit, la mention d'abus flagrants qui avaient à plusieurs reprises préoccupé le gouvernement ? J'inclinerais volontiers vers cette hypothèse ; mais on ne saurait la présenter comme certaine. Ce préambule additionnel comporte d'ailleurs une seconde partie. Après la diatribe contre les percepteurs de droits servîtes, vient une phrase où le roi exprime l'espérance de voir son exemple suivi par les autres seigneurs ; imitant la générosité de leur prince, ils « ramèneront a franchise » leurs hommes de corps. Souhait en apparence très noble, et pourtant fort intéressé : on sait quels profits rapportaient au Trésor les manumissions seigneuriales. Rien ne devait être négligé pour les provoquer ; et l'invite qu'on vient de lire, de portée toute pratique, ne doit pas être confondue avec les formules, purement oratoires, qui font à la lettre de commission un pompeux début. Parmi ces formules il en est une au moins qui ne demande pas un long commentaire. C'est la phrase « volans... que la condicion des gens [soit] amendé de nous en la venue de nostre nouvel gouvernement ». On y reconnaît la trouvaille heureuse d'un écrivain ingénieux, lequel s'est souvenu à propos d'un change- ment de règne encore tout récent. Rien de plus. Deux passages ont fait la gloire du préambule de 1315-131(S : un éloquent calembour sur le nom de France « considerans que nostre reaume est dit et nomme le royaume des Frans, et volans que la chose en vérité soit accordans ou non », — et l'affirma- tion solennelle de l'égalité de nature entre les hommes. Ils ne 144 ROIS ET SERFS témoignent pourtant ni l'un ni l'autre d'une grande originalité. La France, comme chacun sait, ce fut primitivement le royaume des Francs ; les souverains capétiens, dans leurs actes rédigés en latin, s'intitulaient encore rex Francorum. Mais quelle fut la signification première du vocable de Francs, adopté vers le ni« siècle de notre ère par un groupe de tribus voisines du Rhin ? On n'a pu former à ce sujet ([ue des conjectures fragiles ; et le dernier historien de ce nom illustre a conclu mélancolique- ment que l'énigme n'en serait sans doute jamais percée ^. Une seule chose semble certaine : il n'a rien à voir avec un prétendu adjectif germanique, qui aurait eu le sens de libre. Cet adjectif existe, mais uniquement dans les langues romanes. Il apparaît en Gaule, dans le latin des textes mérovingiens. Son origine aussi est controversée ; pourtant, selon toutes probabilités, il vient précisément du terme ethnique de Francs. Le Franc s'est considéré lui-même comme l'homme libre par excellence, et du vocabulaire juridique des barbares le mol, pris dans une acception très large, a passé dans la langue commune. Ainsi le nom de France n'est assurément pas dérivé de l'ad- jectif franc signifiant libre, et cet adjectif lui-même est vraisem- blablement né du nom répandu sur la Gaule par le peuple vain- ciueur. Mais les lettrés du Moyen-Age ne s'embarrassaient pas de nos doutes philologiques ; ils aimaient les étymologies sub- tiles et, ignorant profondément la linguistique, se laissaient aller sur ce point à leurs fantaisies sans l'ombre d'un scrupule. Ils se plurent à imaginer que « France » avait originellement voulu dire (' terre franche », « terre libre ». Ce jeu de mots étymologique n'apparut point extrêmement tôt ; car il dut attendre, pour se produire, que le souvenir du lien premier entre le nom du peuple franc et l'adjectif qui en était issu — lien de filiation, mais exactement inverse de ce qu'on supposa par la suite — se fût eiïacé. Le plus ancien exemple certain ciue j'en ai relevé se trouve dans la Chronique de Tiupin, où il se mêle à une des plus absurdes légendes qu'ait jamais 1. Franck, Der Xame dcr Frankcn. }Vcst(lculs^ peut-être Pierre de Belleperche, rédigea un mémoire, gonflé d'érudition et d'arguties juridiques, comme les l)eaux esprits de ce temps les aimaient. Cette œuvre de compo- sition délicate ne put être mise au point du premier jet ; nous en possédons trois versions différentes *. Philippe le Bel y était censé parler en personne ; il exposait lui-même ses droits et résolvait les difTicultés proposées par le clergé lyonnais. 11 invo- quait l'histoire : Lyon, disait-il, fut jadis la métropole de la Gaule ; or la Gaule forme 1' « antique fondement » du royaume de France ; donc l'Église de Lyon doit reconnaître le roi pour son « prince temporel « ^. Continuité historique entre la Gaule et le regnum Francorum : on saisit le sens vraiment national de celte idée dont la portée dépassait de beaucoup la question Ivonnaise. Mais pourquoi les Gaulois avaient-ils cessé de s'ap- 1. Leroux de Lincv, Recueil de chanls historiques français, Paris, 1841, p. 218. 2. Ruslebucfs (icdichle, éd. Ad. Krossner, Wolfenbiittel, 1885, p. 182. (De la vie dou monde, v. 38-39.) Cf. aussi le discours prêté par Geolïroi de Paris aux barons révoltés, en 1314 « Ou nous serons tous frans en France — Ou il en vendra inescheance » .Chronique rimée, v. 6429-30, Hislor. de France, XXII. p. 151. 3. Cf. P. Bonnassieux, De la réunion de Lyon à la France, 1874, p. 85 suiv. ; Fritz' Kern, Die Anfaenge der franzoesischen Ausdehnungspolitik, lùhingen, 1910, p. 267 suiv. 4. Ed. (en partie) par Kern, Acla imperii, p. 225, n» 285 ; cf. sur ce document Bonnassieux, lac. cil., p. 87, n. 2 et surtout Kern, Die Anfacnfje, p. 268, n. 5 et p. 270; Acla Imperii, p. 232, n. 1. 5. Kern, Acla imperii, p. 228, 1. 2 à 4. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 147 peler Gaulois ? Ce changement de nom avait quelque chose de troublant ; les dialecticiens du camp adverse pouvaient y trouver la matière d'une objection. 11 fallait l'exphquer. C'est ce que s'elïorça de faire l'auteur du mémoire. L'étymologie que nous connaissons, mêlée à on ne sait quel souvenir légendaire, lui revint à l'esprit. Voici ce qu'il écrivit dans l'une des trois versions, qui est peut-être la seconde en date : « Les Gaulois, tirant leur nom des Gaules, étaient appeléi ainsi par toute la terre ; plus tard, ils reçurent le nom de Francs, parce qu'ils avaient secoué le joug de la servitude » ^. Cette considération philologique, à la réflexion, lui parut sans doute fragile ; celle des trois rédactions qui semble la der- nière en date ne la présente plus. Peu nous importe ! Dans l'entou- rage royal on était habitué à joindre ensemble le mot de France et l'idée de servitude abolie : c'est ce qu'il nous suffit de savoir. Telle est la veine littéraire qu'exploita le clerc de la Chancel- lerie à qui nous devons la lettre de 1315-1318. Il n'a certes pas inventé la spirituelle saillie qui lui a valu tant d'admirateurs ; elle pouvait au contraire sembler usée pour avoir passé entre tant de mains. Son originaUté, si on veut à toutes forces lui en trouver une, ce fut peut-être d'avoir tourné à la gloire de son roi une fausse ét^^mologie, qui, avant lui, en dehors d'un travail de diplomate que peu de gens connaissaient, avait surtout été exploitée par des poètes mécontents. Reste la formule célèbre : Comme selonc le droit de nature chascun doie nestre franc. Au xiv^ siècle, pas plus que de nos jours, elle ne pouvait passer pour une audacieuse nouveauté : c'était un innocent souvenir livresque, tiré des auteurs les plus graves et les moins subversifs ^. Lorsque les juristes romains, sous lïufluence sans doute de la philosophie grecque et plus particuhèrement des stoïciens, 1. Ada Imperii, p. 226 n. e « undf Guallici nomine Gualliaruni huius terrarum ubique vocantur, F"ranci scquentibus teinporibus noiniiiati propter iuauin a se servitutis [amotum] ». '^ 2. Pour le développement qui va suivre, je me suis inspiré surtout de rouvra"e de R. W. et A. J. Carlylc, A hislorij of mediœval polilical thcory in (lie West s'v Edimbourg et Londres, 1903-1915 (en cours de publication) ; je saisis avec plaisir l'occasion de dire tout le bien que je pense de cette étude si consciencieuse si pénétrante et si claire. Je nai pu consulter l'ouvrage de Mgr. S. Talamo ' Il concetlo délia schiaviiu da Aristotele ai dotlori sco.asUci. Rome 1908. 148 ROIS ET SERFS eurent élaboré la doctrine du droit naturel, ils en firent l'appli- cation à l'esclavage ; ils estimèrent cette institution, si répandue autour d'eux, contraire à la loi purement rationnelle qu'ils se plaisaient à imaginer. Ulpien a écrit : « Par droit naturel tous les hommes naissent libres » ^, et cette phrase, avec quelques va- riantes, se retrouve en divers lieux dans le Digeste - et les Insti- tutes 3. Plus tard les Pères de l'Église la répétèrent sous des formes diverses. Ils puisaient de toutes mains dans la philosophie politique du paganisme ; comment eussent-ils laissé de côté ce dogme de l'égalité naturelle entre les hommes en qui la tra- dition antique semblait rejoindre ce que les Evangiles offraient, comme principes moraux, de plus neuf et de plus hardi ? Ils se l'approprièrent et le léguèrent aux théoriciens ecclésiastiques du Moyen-Age. Ceux-ci en firent un lieu commun d'école. Faut-il s'étonner qu'au sein d'une société aussi peu égali- taire que la société féodale, l'Église attachée par tant de liens à l'ordre établi, ait, par la bouche de ses penseurs officiels, pro- fessé une idée qui contredisait de la façon la plus flagrante la vie de tous les jours ? Certes non ; car attribuer à cette idée je ne sais c[uelle saveur révolutionnaire ce serait mal la comprendre. La servitude, disait-on, répugne au droit naturel ; mais qu'était- ce que le droit naturel, sinon précisément une règle que l'on se résignait pleinement à ne voir jamais se traduire dans les faits ? La spéculation politique du Moyen-Age, au moins jusqu'au jour où saint Thomas d'Aquin reprit, dans quelques-uns de ses éléments, la sociologie aristotélicienne, plus positive et d'ail- leurs fort dure pour les humbles, a vécu d'une antithèse. On concevait d'une part une loi naturelle purement théorique, de l'autre une pratique sociale uniquement fondée sur la con- vention, ou, si l'on veut, sur l'artificiel. Que la première ne pénétrât jamais la seconde paraissait à la plupart des esprits nécessaire et même bon ; car une conception d'origine théolo- 1. <' Cum juro naturali oiiincs liberi nascerciitur ». Dujesle, I, 1, 14. Cf. Ibid., 17, 32. (I Quocl ad jus iiaturale altinet. omncs honiinos œqiiales sunt ». 2. 1, T), 4 ; XII, 6, 64. 3. I, 2, 2 ; 3, 2 ; 5. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X I:T l'HlLll'l'E V 149 gique était venue soutenir cette antique opposition entre le parfait et le possible. Par un curieux détour, pres(iue tous les écrivains ecclésiastiques assimilaient le droit de nature — tel que l'avaient imaginé les philosophes païens — à l'état d'inno- cence qui, selon la doctrine catholique, précéda la chute du premier homme ; et le péché originel servit ainsi à justifier tout ce qui, dans la société présente, paraissait contraire à cette loi, devenue détinitivement inapplicable par la faute du lamen- table ancêtre de l'Humanité ^. Au reste, pour apprécier à sa juste valeur la condamnation doctrinale portée contre la ser- vitude, il suffit sans doute de rappeler que le droit de propriété lui-même faisait l'objet d'une sentence analogue ; les canonistes presque unanimement le considéraient comme contraire à la nature : ce qui ne voulait point dire, bien entendu, qu'ils en poursuivaient pratiquement l'abolition. Ne nous laissons point tromper par tout ce pieux anarchisme. Il demeurait un simple jeu d'idées et ne mit jamais en péril les intérêts des possédants 2. Ainsi cette formule d'égalité, d'autant plus séduisante peut- être qu'elle paraissait moins dangereuse, se rencontrait à la fois chez les plus vénérés parmi les auteurs ecclésiastiques et dans les codes romains : deux sources qui tour à tour ou en même temps, exercèrent sur la pensée médiévale une influence pro- fonde. Nourris de ces maîtres respectables, les écrivains du 1. Cf. O. Gierke, Xalurrccht iind deulsches Recht, Francfort s. le Main, 1883, p. 19. Il y a peut-être des réserves à faire pour S. Tlionias ; v. B. C. Kulilmann, Der Gesetzsbegriff beim Hl. Thomas von Aqiiin, Bonn, 1912, p. 140. Cette théorie était fort nettement exprimée dans le préambule d'un affranchissement de Louis, comte de Nevers, IG mars 1305 (mardi après octaves des Brandons, 1304), JJ 59, fol. 188 « considérant et attendent que franchise fust trouvée de Dieu et servitude fut trouvée lie homme ». 2. Parmi les incapacités juridiques qui atteignaient les serfs, il en était une qui entraînait forcément pour eux des manquements constants à la discipline ecclésiastique ; je veux parler de l'interdiction du « formariage », levée seulement contre paiement d'une indemnité que naturellement tous ne pouvaient verser. Beaucoup se trouvaient ainsi amenés à contracter des mariages consanguins. On sait combien l'église du moyen-âge était hostile aux unions de cette sorte. Certains actes d'aiîranchissement présentent le don de la liberté comme un moyen d'enlever aux serfs cette occasion de pécher. V. la bulle d'Innocent IV autorisant l'évèque de Paris à affranchir les serfs de Wissous, 13 nov. 1247, Registres d'Inno- cent IV, éd. E. Berger, in-4, 1881, I, n"3445, la manumission des serfs de Moissy par le même évêque, juillet 1258, Guérard, Cartulaire de N.-D. de Paris, III, p. 168, n" ccxiii, la manumission par les moines de Saint-Denis de leurs serfs de la Garenne, novembre 1248 (v. plus haut, p. 68, n. 4). Il est vraisemblable que pour la plupart des ecclésiastiques un peu scrupuleux cet inconvénient précis de la condition ser- vile était beaucoup plus sensible que son opposition théorique avec le droit naturel ; mais quelle action ces conceptions ont-elles eue sur les faits ? C'est ce qu'on ne peut savoir. Les préambules n'apprennent rien. 150 ROIS ET SERFS Moyeu-Ago répétèreiil à Teiivi que les hommes sont naturelle- ment libres. Cette phrase traînait partout. Où ne la trouve-t-on point ? Elle se lit dans les Sommes théologiques de Vincent de Beauvais ^ et même (malgré tout son aristotélisme) de saint Thomas d'Aquin 2, — dans les traités de droit canonique de Paucapalea ^ et d'Etienne de Tournai *, — chez des romanistes tels que le compilateur anonyme du Brachijlogiis ^ et que le giossatcur Bulgarus ^, — et j'en passe. Elle fut recueillie par les coutumiers français : le rédacteur du Livre de Jostice et de Plei ', Pierre de Fontaine, ou plutôt un de ses continuateurs ^, Beaumanoir ^ ; les frères Maucreux ^^, Jacques d'Ableiges ^^, sous des formes diverses l'ont reproduites. C'était un bien com- mun, que se passaient de l'un à l'autre les juristes respectueux avant tout des idées traditionnelles. La liberté naturelle : quel beau motif pour des exordes sonores ! C'est ce dont s'avisa, avant le clerc de 1315, plus d'un notaire. Un diplôme d'Henri I^r accordant aux serfs de Saint-Germain des Prés le droit de témoigner en justice ^'^ un acte de Louis YII renonçant à la serve Agnès pour lui permettre d'épouser un homme du chapitre de Paris 1^, des aiïranchissements émanés du chapitre de Sens, en juillet 1283 ^*, de l'évêque d'Auxerre, 1. Spéculum doctrinale, 1. VI, c. xi : éd. de Douai, fol. 1624, col. 487 e et 488 A et B. Vincent de Beauvais justifie d'ailleurs très nettement la servitude, châtiment porté contre les hommes jiour avoir transgressé la loi naturelle. 2. Summa theoUxjica 2" 2" qu. civ, art. 5. Cf. In quatuor Sent'entiarum libros, II, dist. 44, qu. 1, art. 3 ; Commentarium in Job, c. m, lect. 2. . 3. Summa, éd. v. Schulte, Giessen, 1890, dist. I, c. 9, p. 6. 4. Ed. V. Schulte, Giessen, 1891, dist. I, p. 10. 5. Ed. Boecking, Berlin, 1829, 1. I, t. III, p. 7 ; cf. ibid., p. 255. 6. Ad Digestorum titulum de diversis rcgulis Comnientarius, éd. G. G. Beckhaus, Bonn, 1856, c. xxxii, p. 31. 7. Ed. Rapetti (Doc. inédits), in-4, 1850, I, i, c. 4, p. 2 et I, viii, c. 1, p. 54. 8. Ed. Marnier, 1846, p. 475, et 499 à 502. 9. Ch. XLV, § 1453, t. II, p. 235. 10. Franc. 198.32, fol. 1 v°. Sur ce coutumier, encore inédit malgré son grand intérêt, cf. en dernier lieu A. Gifl'ard, Nouvelle Revue histor. du Droit, XXXVII (1913), p. 202 suiv. et F. Aubert, Biblioih. de l'Ecole des Chartes, LXXVI (1915), p. 516 et suiv. 11. Grand Coutumier, éd. Laboulaye et Dareste, 1. II, ch. ii, p. 190; cf. franc. 10816, fol. 170 (communication de 1\1. Olivier Martin). 12. Poupardin, Chartes de Saint- Germain-des-Prés, I, p. 101, n" lxiii, — 1058 après le 1.5 août. 13. Sur la nature véritable de cet acte, et les raisons pour lesquelles, sans être à proprement parler \\n affranchissement, il présente tous les caractères diplomatiques des affranchissements, voir plus liant, j). 41. Héférences, p. 41, n. 2. 14. Quantin, Recueil de pièces j)our faire suite au cartulaire (jcncral de l'Yonne, in-4, 1873, p. 374, n° 719. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 151 en 1284 \ indiquaient ou développaient ce thème avec plus ou moins de bonlieur. Lo modèle de manumission, établi par la chancellerie d'Alphonse de Poitiers, l'évoquait avec une élégante brièveté. « Par nature, faisait-on diie au comte, tous les hommes sont libres ; mais le droit des gens a fait de quelques- uns des serfs ; comme les choses reviennent facilement à leur nature [première], savoir faisons que sous l'inspiration de la piété et pour [le repos de l'àme de] nous et [de] nos successeurs nous affranchissons libéralement un tel notre homme de corps et de casalage » ^. Nous verrons tout à l'heure d'autres exemples de préambules analogues ^. Affirmer l'égalité originelle ne suffisait point aux esprits curieux. Encore fallait-il expliquer pourquoi certains hommes, perdant leur liberté première, avaient été soumis au joug de servitude. Les juristes ou les littérateurs se plaisaient à cons- truire là-dessus des hypothèses plus ou moins ingénieuses, dépourvues bien entendu de tout fondement historique *, « Ser- 1. Quantin, loc. cit., p. 367, n» 714. Il y aurait peut-être lieu de citer aussi les affranchissements de Gravant (1287) et Chichée (1292) cités par Quantin, Recherches sur le Tiers-Etal, p. 27, mais sans références. 2. « Natura omnes liomines sunt liberi ; set jus gencium aliquos servos fecit ; et quia res ad suam naturam de facili revertitur, notum facimus quod nos, intuitu pietatis, pro nobis et sucessoribus nostris Petruni Audeberti de Castro Sarraceni liomuiem nostrum de corpore et caselagio liberaliter nianumitlimus ». Afïr. de Pierre Audebert de Castelsarrasin, Paris, décembre 1268, JJ 24 b, fol. 9 v°. Le même préambule se lit en tète de 56 autres manumissious transcrites dans le même registre (décembre 1268 à avril 1270) ; il a été cité par Boutaric, Saint Louis et Alphonse de Poitiers, Paris, 1870, p. 525, n. 1, avec des références fort inexactes ; un des actes d'affranchissement qui le présente — celui de Hugue Féraud de Castelsarrasin — a été publié par G. Catel, Histoire des comtes de Tou- louse, folio, Toulouse, 1623, p. 395. 3. Comme l'enseignement des droits romain et canon était répandu dans toute l'Europe, les préambules de cette sorte se rencontrent partout. En Italie la loi promulguée en août 1289 par les prieurs et les conseils de Florence pour interdire la vente ou l'achat des serfs a dû à la proclamation, dans ses considérants, de la liberté naturelle, une célébrité analogue à celle qui s'attache chez nous aux lettres de Louis X et de Philippe V. On la trouvera dans Villari, / primi due secoli delta Storia di Firenze, 2 éd., Florence, 1905, p. 290. 4. L'une des hypothèses les plus fréquentes consiste à imaginer que les serfs descendent d'anciens prisonniers de guerre. V. par exemple le préambule d'acte d'affranchissement dans VArs Notaria de Rénier de Pérouse, dans Gaudenzi, Bibliolheca juridica medii n'vi, II, Bologne, fol., 1892, p. 52 et les Coutumes de Bayonne, rédigées vers 1273, citées par A. Giry, Les Etablissements de Rouen, I (Bibl. de l'Ec. des Hautes-Etudes, fasc. 55), 1883, p. 118. Ou bien l'on imagina que Charlemagne avait réduit en servitude ceux de ses sujets qui avaient refusé de le suivre à la guerre. Certains textes littéraires, où se trouve un récit de cette sorte, ont été étudiés par M. H. Lemaître, Le refus de service d'ost et l'origine du servage. Biblioth. de l'Ec. des Charles, LXXV (1914), p. 231 ; mais il est inexact que — comme le pense M. Lemaître — l'origine de ce thème littéraire doive être cherchée dans une règle juridique qui eût interdit aux serfs le service militaire ; le serf allait à l'ost, comme l'homme libre (cf. entre autres textes Marc Bloch, Blanche de Caslille et les serfs du cliapilre de Paris, p. 234). 152 ROIS ET SERFS vitudes de cors si sont venues en moût de manières » disait i'éelectique Bcaumanoir en résumant quelques-unes de ces théories ^ Le clerc qui rédigea la lettre de 1315, à son tour, ne crut pas pouvoir laisser de côté une si grave question ; mais il ne se mit pas beaucoup en peine pour la résoudre. Des «coutumes» contraires évidemment au droit naturel, mais introduites fort anciennement au royaume de France, — par ailleurs on ne sait ■quel obscur délit, quel a mefïait » commis jadis par les ancêtres des serfs actuels et puni d'un terrible châtiment : la privation de la liberté, — telles étaient d'après lui les vagues origines de la condition servile. En somme, qu'il s'agît du nom de France ou de la liberté naturelle, le préambule de 1315 n'offrait rien de nouveau. Son auteur exploitait des idées qui étaient dans l'air, des thèmes littéraires courants et même un peu usés. Pouvons-nous aller plus loin et découvrir les modèles mêmes dont il s'inspira ? C'est ce que nous allons rechercher maintenant. § 4. — Le préambule de 1315-1318 a-t-il en des modèles ? Le clerc du roi à qui ses chefs confièrent en 1315 la rédaction d'une lettre de commission pour les fonctionnaires chargés des affranchissements avait-il lu le Reclus de Molliens ou Rutebœuf, Etienne de Tournai ou Beaumanoir ? Nous ne le saurons jamais. 11 est peu vraisemblable que le mémoire de 1307 sur l'affaire du Lyonnais, réservé aux négociateurs, lui fût tombé entre les mains. 11 ne connaissait probablement ni le diplôme d'Henri l^^" en faveur des serfs de Sainl-Germain-des-Prés, ni l'acte accordé par Louis VU à h\ serve Agnès — entouis tous deux dans des archives monastiques ou capitulaires, — ni même les jiombreuses manumissions qu'Alphonse de Poitiers avait oc- troyées au nom du droit naturel, carie registre (jui les renfermait était conservé à Toulouse ^. Mais il avait certainement feuilleté 1. Chap. XLV, § 1438 ; t. II, p. 226. 2. Cf. Aug. Molinicr, Correspondance adminislralive d'Alphonse de Poitiers iPf'c. inédits), II, in-4, Paris, 1900, p. xx. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 153 les registres de la Chancellerie de France. Voyons ce qu'il y trouvait. La Chancellerie avait autrefois possédé un formulaire, four- nissant à ses notaires des modèles pour toutes sortes d'actes. C'était le recueil compilé, sans doute sous Philippe le Hardi, par maître Jean de Caux ^. Il fut égaré avant 1318 et vraisemblable- ment vers la fin du règne de Philippe le Bel ^. Nous n'en avons plus que la table ; nous apprenons par elle qu'il ne contenait pas moins de trois types différents de manumissions ^. On aime- rait à connaître les préambules choisis par Jean de Caux et à savoir s'ils influèrent sur celui de 1315. Mais, à moins d'une découverte bien imprévue, notre curiosité sur ce point ne sera jamais satisfaite. Même au temps où l'œuvre de maître Jean existait encore, cet instrument de travail unique ne pouvait suffire à la Chancellerie. 11 ne semble pourtant pas que ses gens aient jamais disposé d'autres formulaires. Mais ils avaient imaginé, pour y suppléer, un curieux système qui a été mis en lumière par M. Langlois *. On sait qu'ils tenaient des registres où ils gardaient copie des pièces expédiées au nom du roi. De quelques-uns de ces registres ils établirent des doubles ; et ils munirent les exemplaires en supplément ainsi obtenus de tables d'un genre spécial. Au lieu d'analyser avec précision les documents contenus dans le volume, elles se bornaient pour chacun d'eux, supprimant tout nom propre, à indiquer sa nature : anoblissement, amortissement, confirmation de rente, etc. Ainsi le notaire qui avait reçu l'ordre de rédiger un acte d'une espèce déterminée, n'avait qu'à les parcourir pour trouver tout de suite un modèle. Elles signalaient même le plus souvent les textes particulièrement dignes d'être imités par des mentions élogieuses : boiia, valde bona, etc. 1. Etudié par M. Ch.-V. Langlois, Notices et extraits des ms., XXXV, ii, p. 794 suiv. Cf. Delaborde, La constitution du Trésor des Chartes, p. xxxiv. On peut aussi citer comme formulaire de la Chancellerie le ms. latin 4763, étudié par M. Ch.- V. Langlois, loc. cit., XXXIV, i, p. 9 et suiv. ; mais, ne contenant guère que des mandements, il ne nous intéresse pas ici. 2. Il fut prêté à Michel de Bourdenai, qui négligea de le rendre. Or Michel tomba en disgrâce aussitôt après la mort de Philippe le Bel (cf. Artonne, Le mou- vement de 1314, p. 39) ; il n'avait guère pu puiser dans les Archives royales que sous le règne du souverain dont il possédait la faveur. 3. Langlois, loc. cit., p. 798, c. 106. 4. Loc. cit., p. 816 suiv. Cf. Delaborde, La constitution du Trésor des Chartes, p. Ixv. 154 ROIS ET SERrS Or, prenons un de ces registra dupplicata ; celui qui (renfer- mant des acles de Philippe le Bel) porte aujourd'hui, dans la série JJ des Archives Nationales le n^ 42^ ; et jetons les yeux sur la table ^. Une pièce y est désignée par les mots bona maiiii- missio ; entendez : manumission bonne à copier. Cherchons-la dans le corps du volume. Ce n'est point une lettre royale ; c'est un all'ranchissement seigneurial, confirmé par le souverain et pour cette raison seulement recueilli (dans le vidimus qui le reproduisait) par la Chancellerie. Il émane de Gautier, abbé de Saint-Crépin-le-Grand de Soissons ^. Le préambule est remar- quable à plus d'un titre, et notamment parce qu'il présente une allusion très nette au droit de nature. Le voici : <> Puisque notre Rédempteur, par qui a été formée toute créa- ture, a dans sa bonté voulu revêtir la chair humaine afm de rompre, par un acte de sa grâce, le lien de servitude qui nous tenait captifs et de nous restituer à notre liberté première, c'est accomplir un acte salutaire que de rendre, par le bienfait de la manumission, à leur liberté natale, ceux que la nature fit ori- ginellement libres et que le droit des nations soumit au joug de la servitude » ^. Plein de bonnes intentions, cet exorde est un peu lourd. C'est lui cependant, n'en doutons pas, qui valut à l'acte de l'abbé Gautier d'être praposé en modèle aux clercs du roi. Depuis bien des siècles il excitait l'admiration des gens de goût. Ne croyons pas en etïet qu'il naquit dans un monastère soissonnais. Son ori- gine était plus antique et plus auguste. Nous le rencontrons pour la première fois en tête d'une manu- mission octroyée à un esclave de l'Église romaine par le pape Grégoire le Grand * ; il était l'œuvre vraisemblablement sinon du pontife lui-même, du moins d'un des scribes de sa chancelle- 1. Au v de la couverture. 2. JJ 42 B, fol. 80, transcrit probablement d'après JJ 41, fol. 94 (le premier de ces deux registres n'étant que le double du second) : affr. de Pierre Soibert, du Plessis près Bélhisv, avril 1309, dans un vidimus par Philippe le Bel, décembre 1309. 3. ♦ Cum Redemptor noster tocius conditor créature ad hoc propiciatus huma- nam voluerit carnem assumere ut divinitatis sue gracia dirupto quo tenebamur vinculo servitutis pristine nos reslitueret libertati, salubriter agitur si hii quos ab inicio natura liberos })rotulit et jus gencium jugo substiluit servitutis in ea qua nali fuerant maniiniitlenciuni beneficio libertate reddantur. » 4. Greyorii papœ Ep. (Moniim. Gcrm. Histor.J, VI, 12. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 155 rie. Rangé parmi les lettres du saint, il participa à leur célé- brité. Vers le milieu du xii^ siècle, Gratien s'en empara et l'in- séra dans ce Décret qui devait rapidement devenir un des éléments du Corpus officiel de droit canon ^. A Paris, à la fin du xiii"^ siècle, Guillaume le Prêtre lui donnait une place, dans le « Style « de l'oflicialité diocésaine, parmi les formules d'af- franchissements qu'il estimait excellentes et regrettait de voir négligées par la pratique ^. Au début du xiv^ siècle plusieurs églises du nord de la France l'employaient volontiers *. C'est à l'une d'elles, on l'a vu, qu'il dut d'être transcrit sur un des registres-formulaires de la Chancellerie. Le clerc cpii rédigea la commission de 1315 le connaissait probablement. Il ne semble pas qu'il s'en soit inspiré de façon directe ; on ne trouve chez lui nulle mention du Rédempteur. Mais il put, consciemment ou non, puiser dans le souvenir d'une arenga fameuse et spécialement recommandée à son atten- tion par une table qu'il avait sans doute souvent maniée, l'idée d'invoquer, à propos d'une mesure fiscale, le droit de nature. Ce qui me fait considérer cette influence comme vraisem- blable, c'est qu'en cette même année 1315, au sein de la Chancel- lerie royale et à l'occasion d'un acte étroitement apparenté à la lettre de commission, Grégoire le Grand rencontra de nouveaux imitateurs. Lorsque maître Philippe le Convers et maître INIichel Maucon- duit eurent été désignés pour oiïrir la liberté aux serfs du Ver- mandois, ils durent se préoccuper d'établir oii de faire établir, pour le distribuer sous leurs sceaux, un modèle d'affranchisse- ment. Un peu moins de trois ans plus tard, le même problème se posa devant maîtres Anseau de Morienval et Nicolas de Braye, députés à Sentis pour un semblable objet. Il fut résolu de façon très difTérente par les deux groupes de commissaires. Anseau et Nicolas se décidèrent pour une rédaction très brève et très sèche : point de préambule et l'indication expresse du prix versé. Au contraire Philippe et Michel jugèrent malséant 1. C. XII, Q. 2, c. 68. 2. Formulaire de Guillaume le Prêtre, fol. 157 \°, col. 4. 3. Afïr. émanés de Nicolas, abbé de Saint-Médard de Soissons, 17 mars 1316, n. s. (mars, mercredi après Ociili Mei 1315), dans un vidimits royal, janvier 1318,. 156 ROIS ET SERFS de parler d'argent ^ : la mesure royale devait conserver l'appa- rence d'un trait de justice et de charité ; et ils se plurent à adopter un préambule pompeux, où ils rappelaient le « vœu généreux > de leur roi. Ils ne se mirent d'ailleurs pas en frais pour le composer ; ils pensèrent avoir assez fait en cousant bout à bout des centons empruntés à deux documents qui s'ofïraient naturellement à eux ; d'une part leur lettre de commission elle-même, de l'autre la manumission grégorienne, qu'ils ne connaissaient peut-être que par l'exemplaire reproduit dans le registre-formulaire cité plus haut ; ils unissaient ainsi, comme dirait un philologue, dans une sorte de « contamination », deux textes dont le premier était peut-être l'écho du second ^. De l'affranchissement composé selon un modèle illustre par les moines de Saint-Crépin-le-Grand aux commissions délivrées par Louis X et Phihppe V, le lien est donc probable mais non point certain. Voici une autre filiation possible. Le 9 avril 1311, Charles de Valois, frère de Philippe le Bel, déclarait alïranchir tous les serfs de son comté de Valois ; simple expédient iinancier, imité des pratiques suivies par l'adminis- tration royale, — acte en apparence décisif, comme la grande JJ 56, fol. 21 \° ; — de Jean, prieur de N.-D. de Nanteuil-le-Haudoin, janvier 1318, vidimus parlabbé de Cluny, 21 mars 1318, lui-même dansunvidimus royal, juillet 1319 JJ 59, fol. 14 — de Enguerran, abbé de Saint-Pierre de Rebais, 21 juillet (ven- dredi avant S. Madeleine) 1318, vidimus, novembre 1320, JJ 58, fol. 61 v°. Y ajou- ter un affranchissement royal, mais vraisemblablement copié sur un acte de Saint Crépin le Grand, juin 1310, JJ 45, fol. 84. On retrouvera plus tard la formule grégorienne : 1° dans une manumission émanant de Bertrand, évêque de Nevers, 7 mars 1325, n. s. (jeudi après Reminiscere 1324), vidimce par Philippe VI, nov. 1345, JJ 75, fol. 231 ; mais elle s'y mêle à d'autres formules ; le préambule de cet acte est un véritable pot-pourri ; 2° dans une manumission accordée par le chapitre d'Auxerre aux hommes de Pourrain, en 1303, partiellement éditée par Max. Quantin, Recherches sur le Tiers-Etat au moyen-âye dans les pays qui forment aujourd'hui le département de V Yonne, Auxcrre, 1851, p. 26 ; 3° traduite en français (avec quelques variantes) dans une manumission octroyée au village de Tannay, en Nivernais, et lieux voisins, par deux seigneurs laïques, 1 mai 1352, Ordonnances VI, p. 57 ; dans l'affranchissement du village d'Escamps par les moines de Saint •Germain d'Auxerre, 8 nov. 1371, Ibid VII, p. 389; dans une manumission bourguignonne de 1421, J. Garnier, Chartes de communes et d'affranchissement en Bourgogne. Introduction (terminée par Champeau), in-4, Dijon, 1918, p. 968. 1. 11 faut toutefois remarquer qu'il est fait allusion dans le formulaire adopté par Philippe et Michel au versement d'une indemnité par l'alfranchi « receptaque per nos sufficienti recompensacione jurium et emolumentorum omnium premis- sorum » ; mais la somme d'argent exacte n'est pas indiquée. 2. Pièces justificatives IV. Le préambule grégorien (presque textuellement repro- duit) se retrouve dans l'affranchissement accordé par le roi à Gilles, de Bony, juillet 1320 ; JJ 59, fol. 242 v". Comme cet atlranchissement — en faveur d'un serf du Vermandois — fut octroyé à la relation de Michel Mauconduit (cf. ci-dessous, p. 168, n. 7, il est permis de supposer qu'il fut rédigé par le même clerc qui avait travaillé pour Michel et son collègue Philippe le Convers. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 157 manumission toulousaine de 1299 et comme elle sans doute destiné, en fait, à ouvrir une vaste campagne de marchandages ^. Un éloquent préambule présentait sous le jour le plus conve- nable les motifs du comte : « Comme créature humaine, qui est formée à l'image de nostre Seigneur doie généralement estre franche par droit naturel et en aucuns pays de cette naturelle liberté ou franchise par le jou de servitude, qui tant est haineuse, soit si eflacee et obscur- cie que les hommes et les famés qui habitent ez lieux et pays dessus ditz en leur vivant sont réputés ainsi comme morts et a la fin de leur douloureuse et chetive vie... nous meus de pitié, pour le remède et salut de nostre ame et par considération de humanité et commun profil... ^ » Confirmé par le roi, cet acte prit place dans les registres de la Chancellerie. Vraisemblablement le clerc de 1315 l'y avait lu. S'en est-il souvenu ? Je le croirais volontiers, mais s'il l'a imité, il l'a fait, non comme on l'a dit à tort, « mot pour mot » ^, mais au contraire fort librement : laissant de côté toute pensée reli- gieuse, renonçant aussi à cette sombre et forte description des serfs pareils à des morts vivants en laquelle s'était complu le notaire de Charles de Valois, — pour ne retenir que le thème de la liberté naturelle que tant d'œuvres diverses et un autre préambule connu de lui pouvaient déjà imposer à son esprit *. 1. V. sur cet acte J. Petit, Charles de Valois (thèse Lettres Paris), 1900, p. 311. Son caractère fiscal ressort de mentions contenues dans un inventaire des archives de la Chambre des Comptes de Valois. J. Petit, p. 355 ii et 365 xv. 2. JJ 47, fol. 80 (confirmation royale de mai 1311). Ordonnances, XII, p. 387. 3. M. J. Petit, p. 162. M. J. Petit tire de cette ressemblance une conclusion bien aventurée : il croit que Charles de Valois fut l'inspirateur de l'acte de 1315. INIême en admettant entre les deux préambules une fiUation (qui est loin d'être certaine), que prouverait ce lien entre deux morceaux qui par définition n'étaient que pure rhétorique ? l'imitation de l'un des deux rédacteurs par l'autre, mais rien qui touche au fond sérieux des mesures prises. On peut faire observer qu'Etienne de Mornai, chancelier de Louis X, avait, avant l'avènement de ce roi, dirigé la chancellerie de Charles de Valois. Cf. Petit, p. 352. Faut-il imaginer que les deux préambules (de 1311 et de 1315) ont même auteur, soit Etienne lui-même, soit un notaire qui l'a' rait suivi, lorsqu'il (assa au service du roi. Cette hypothèse a un moment traversé mon esprit ; mais, toutes réflexions faites, je la crois inutile : 1° parce que la ressemblance entre les deux textes est fort peu probante ; 2" parce qu'en tout état de causes l'acte de 1311 se trouvant copié sur un des registres de la Chancellerie n'importe lequel parmi les clercs du roi pouvait le lire, et y prendre modèle. 4. Le préambule de l'acte d'alTranchissement du Valois fut reproduit par le rédacteur — très vraisemblablement un clerc de la chancellerie de Charles de Valois — d'une manumission accordée à des serfs de Levignen sous les sceaux de Philippe de Pacy, leur seigneur, et de Charles de Valois, intervenant comme seigneur du fief : novembre 1313, .1 163 b, 54. Cette manumission a été signalée- et le préambule incomplètement publié par Petit, loc. cil., p. 162, n. 5. 158 ROIS ET SERFS Somme toute, en quèlo de modèles précis, nous n'avons trouvé que des sources assez incertaines. Le clerc qui, par un exorde heureux, a tant fait pour la mémoire de Louis X et de Phi- lippe V, dut peut-être à deux textes que lui fournissaient ses instruments de travail usuels l'idée première de cet appel au droit de nature qui a ébloui plus d'un historien. C'est tout. Il ne paraît pas avoir copié personne en particulier. 11 chercha son bien, diligemment, dans l'immense domaine sans maître des généralités et des truismes. Reconnaissons-lui quelque talent d'invention verbale et un art, précieux dans sa profession, pour accommoder élégamment des lieux communs un peu usés ; — aucune originalité intellectuelle, en revanche, et partant nulle audace. Ses prétendues hardiesses n'étaient que des imi- tations ou des réminiscences. § 5. — Sur quelques mots embarrassants du préambule de 1315-1318. Louis X et Phihppe V n'offrirent jamais la liberté qu'aux serfs de deux baiUiages et l'on s'est trompé lorsque l'on a cru de leur part à une vaste mesure d'affranchissement s'étendant au royaume tout entier : telle est la conclusion où nous avait amené la critique des documents. Se trouve-t-elle infirmée par l'ingénieux exercice littéraire que je viens de commenter ? S'il ne contenait que les considérants purement théoriques analysés tout à l'heure la question ne se poserait même pas ; car l'ampleur ni l'éloquence d'un préambule n'ont d'ordinaire pas grand chose à voir avec la portée de l'acte à qui il sert d'orne- ment. Mais dans celui de 1315-1318 on Ht une courte phrase qui semble au premier abord justifier l'opinion jugée si fragile. Lisons ces mots troublants : (( Par la deliberacion de nostre grant conseil avons ordené et ordenons que generaument par tout nostre roaume de tant comme il puet touchicr a nous et a nos successeurs teles scrvi- tutes soient ramenées a franchise » ^. 1. « Nos considérantes... votum generosum domini régis qui... omnes sibi sub- ditos... qui ciuolibet sibi sunt jugo servitutis astricti, ad statum pristinc libcrtatis... alîectat reduci », dit à son tour le préambule adopté par Philippe le Convers et LES AFl-RANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 159 Ainsi d'après les paroles qu'un clerc de Chancellerie mit dans la bouche de Louis X et que Philippe V répéta, ces deux rois auraient décrété l'alTranchissement de tous leurs serfs, dans toute la France. Faut-il donc, déclarant caducs les résultats de notre recherche, revenir à la conception commune ? Je ne le crois pas ; voici pourquoi. En premier lieu on doit considérer comme rigoureusement certain que les prescriptions de Louis X et de Philippe V ne touchèrent en fait que le Vermandois d'abord, Senlis ensuite. Soutenir le contraire serait comme on l'a vu s'obliger à admettre la plus invraisemblable série de coïncidences. Si donc nous tenons à prendre au sérieux la phrase citée plus haut, il conviendra de dire ceci : l'envoi de fonctionnaires chargés des affranchisse- ments fut à l'origine envisagé comme une mesure d'un caractère général ; mais l'administration royale, au moment de l'appli- cation, se heurta à une foule d'obstacles ; sous Louis X les com- missaires ne purent être désignés que pour le Vermandois et Senlis, sans même, dans ce dernier bailliage, parvenir à accom- plir leur tâche ; Philippe V résolut de compléter l'œuvre de son frère, et n'y parvint qu'à Senlis. Cette hypothèse après tout peut se défendre. Mais elle ne paraît pas indispensable. Pourquoi interpréter au pied de la lettre quelques mots échappés à un notaire ? Leur imprécision vient probablement de la façon même dont le texte qui les renferme avait été étabh. Nous ne savons pas exactement com- ment les choses se passaient à la Chancellerie ; mais il est permis de le conjecturer. On commandait sans doute à l'un des clercs une circulaire pour l'afïranchissement des serfs ; il établissait alors, laissant les noms propres en blanc, un modèle général qu'on reproduisait ensuite à autant d'exemplaires qu'il y avait de groupes de commissaires délégués. Ce modèle, il le rédigeait sans s'occuper des réalités de l'application, qu'il ne connaissait vraisemblablement pas ; il le munissait du préambule le plus éloquent qu'il pouvait imaginer et prêtait à son roi les plus Michel Mauconduit. Il n'y a naturellement pas à tirer argument de ce texte, qui reproduit — en les mêlant à d'autres — les formules du préambule même de la lettre royale. Cf. plus haut, p. 156. 160 ROIS ET SERFS nobles et les plus vastes desseins : (( generaument par tout nosire roaume ». Mais dira-t-on peut-être, comment des hommes d'État, au courant de ce qui avait été pratiquement décidé par l'entourage du souverain, acceptaient-ils sans la faire corriger une formule aussi mensongère ? Ne nous étonnons pas de leur attitude. Ce serait oublier qu'une sorte d'insincérité de bon ton s'atta- chait, d'un commun accord, à toutes les mesures concernant les affranchissements. Ne lisait-on pas, chaque jour, en tête de manumissions qui coûtaient à leurs bénéficiaires de grosses sommes d'argent ces exposés des motifs où s'exprimait, en termes touchants, la charité la plus désintéressée ? N'avait-on pas vu Philippe le Bel déclarer qu'il ne voulait plus de serfs dans le Toulousain, et après cette affirmation solennelle concéder la liberté seulement à ceux qui consentaient à la payer fort cher ? L'exemple le plus illustre de ces mœurs étranges avait été donné par un frère de saint Louis, Alphonse, comte de Poitiers et de Toulouse. Dans son testament, rempli de legs pieux, ce puissant seigneur avait fait insérer la phrase suivante : u Nous franchisons touz nos serfs et toutes nos serves et leurs enfanz ou que il soient » ^. Cette disposition ne fut jamais exécutée 2. 1. Layelles du Trésor des Charles IV, p. 461. Le testament est daté de juin 1270. 2. Cf. Histoire du Languedoc, IX, p. 206, n. 4. Si le testament avait été exécuté, Philippe le Bel naurait pas, par deux fois, ofTert la liberté aux serfs royaux du Toulousain. Le souvenir des manumissions testamentaires, réglementées par le droit romain et demeurées en usage pendant les premiers siècles du moyen-àge , influa-t-il sur Alphonse ou ses conseillers ? Il se peut. Mais voici un rapprochement plus instructif. La clause d'affranchissement est suivie immédiatement, dans le testament, par un article portant cession aux églises de toutes les dîmes possédées par le comte. L'Eglise, au xiii"? siècle, refusant de reconnaître en droit un état de faits qui ne fut jamais aljoli, considérait le laïque comme juridiquement incapable de détenir des dîmes ; le retour au clergé de cette redevance créée pour lui demeu- rait un des jjoints les plus importants du credo réformiste ; dans le Midi en parti- culier, Rome victorieuse de l'hérésie avait cherché, en vain d'ailleurs, à l'imposer à la noblesse (cf. Paul Viard, Histoire de la dîme ecclésiastique dans le royaume de France aux XII' et XIII' siècles. Paris, 1912, chapitre iv, notamment p. 1.37). Plus encore qu'en donnant la liberté à ses serfs, Alphonse de Poitiers, rendant aux serviteurs de Dieu leurs dîmes, jjouvait donc penser travailler au salut de son Ame. C'était un beau geste île piété : mais comme l'affranchissement total un geste inexécutable. Les dîmes comptaient jiour une forte part dans les revenus doma- niaux : Saint Louis même, nettement favorable sur ce point aux désirs de l'Eglise, n'avait i)as restitué les dîmes de la Couronne ; comment espérer c[ue des rois se priveraient par pure générosité d'une des ressources de l'IUai '.' D'ailleurs le texte du testament est extrêmement vague : les dîmes sont cédées « aus eglikes, aus leus et aus j)ersonnes a cui eles appartiennent ou doivent appartenir de droit commun ou especiaul >>. On sait que les dilïérents décimateurs ecclésiastiques étaient loin d'être d'accord entre eux. Cette imprécision même laisse supposer — ce qui de LES AI-FRANCHISSEMENTS SOIS LOUIS X ET PHILIPPE V IGl Elle ne pouvait Tèlre. En vertu de conventions polititjues célèbres, l'héritier à qui en eût incombé l'accomplissement n'était autre que le roi de France, Philippe le Hardi. Imagine-t-on un souverain renonçant, de gaieté de cœur, sans indemnité, sur d'immenses domaines, à toute une partie des revenus de la Couronne ? Alphonse de Poitiers lui-même, qui a laissé le renom d'un administrateur soigneux, était particulièrement bien placé pour ne se faire à ce propos, par avance, aucune illusion. Il faut bien admettre qu'il mit au nombre de ses volontés dernières une prescription qu'il savait parfaitement vaine. Qui crut-il tromper ? l'opinion contemporaine, l'Église à qui il demandait des prières, ou Celui à qui ces prières s'adressaient ? ou bien simplement obéit-il en quelque façon à une vague idée de conve- nance ? Sans doute l'ignorait-il lui-même. Si je cite ici cet épisode, c'est afin de mettre en lumière, par un trait frappant, le curieux état d'esprit où la contradiction entre la doctrine de ralTranchissement acte pieux, et la pratique de l'affranchissement expédient financier, avait jeté les hommes du Moyen-Age. Il n'est pas de sujet sur lequel il faille moins prendre au mot les rédacteurs de chartes ; nos habitudes d'exac- titude un peu brutale n'étaient pas les leurs ; et ils se seraient sans doute étonnés eux-mêmes que l'on cherchât dans les consi- dérants d'une manumission autre chose que de belles phrases, et un noble sentiment des bienséances. Un préambule rempli de vastes pensées a dissimulé à la pos- térité la valeur réelle qu'il convient d'attribuer aux actes de Louis le Hutin et de Philippe le Long. De telles erreurs sont les plus beaux triomphes de l'éloquence. En fait les deux rois ne firent que continuer la politique inaugurée par Philippe le Bel, leur père. Comme lui ils envoyèrent dans certaines circonscrip- tions des commissaires chargés de distribuer à prix d'argent la liberté aux serfs royaux. Mais ils furent plus modestes que lui. Au heu d'embrasser dans une vaste campagne d'aiïranchis- sements Languedoc, Normandie, comté champenois, ils se bor- toutcs façons resterait vraisemblable — qu'Alphonse ne prévoyait pas que les géné- reuses dis[tositions prises par lui seraient suivies de quelque elTet. Aussi bien eroi- rait-on plus facilement à sa sincérité sil avait consenti de son vivant les grandes renonciations dont il laissait charitablement le soin à ses successeurs. 11 162 ROIS ET SERFS nèreiil à exploiter de la sorlo deux bailliages : Senlis et Vermaii- dois. Du moins, est-il certain qu'en pratique ils ne tentèrent pas davantage. Quoiqu'en ait dit un notaire, qui n'était sans doute point dans les secrets du gouvernement, on doit tenir pour vrai- semblable qu'en intention même ils ne conçurent jamais d'en- treprises plus ambitieuses. Il nous reste maintenant à essayer d'écrire, sans polémique et sans arrière-pensée, l'histoire des mesures fiscales très simples prises en 1315 par Louis X, en 1318 par Philippe V. CHAPITRE YII LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V LES FAITS Les raisons pour lesquelles, en 1315, le gouvernement de Louis X avait besoin d'argent sont bien connues. Une fois de plus la guerre avait éclaté entre le roi et les Fla- mands. C'est le 24 juillet que Louis X, ardent à se venger de sujets rebelles, prit l'oriflamme à Saint-Denis ^. Il réunit une armée très forte qui devait, quelques semaines plus tard, échouer misérablement, sous la pluie, dans les terribles bourbiers du Nord. Pour une pareille entreprise, les revenus réguliers de la Couronne ne suflisaient point. Il fallait chercher des ressources, extraordinaires. Allait-on les demander à un « subside » généra!, s'étendant à tout le royaume ? Non certes. En 1315 un appel à l'impôt était impossible. L'année précédente Philippe le Bel l'avait tenté ; mais cette exigence, venant après tant d'autres, avait provoqué de toute part un vaste mouvement de protesta- tion. Des « ligues » s'étaient formées dans plusieurs provinces, parlant haut et menaçant d'agir. Philippe le Bel, quelques jours avant sa mort, Louis le Hutin, quelques jours après son avène- ment, avaient dû interdire la perception d'une contribution si manifestement impopulaire. Comment songer à recommencer cette dangereuse entreprise ? Force était de se contenter d'expé- dients financiers divers. L'envoi de commissaires aux affranchis- sements à Senlis et dans le Vermandois fut l'un d'eux. Le caractère purement fiscal de l'acte du 3 juillet 1315 a été 1. Artonne, Le mouvement de 1314, p. 72. Et pour tout ce qui touche la politique flamande de Louis X et Philippe le Long. Ch. V. Langlois, dans l'Histoire de France ed Lavisse, III, 2, p. 308 suiv. 164 ROIS ET SERFS remarqué depuis longtemps. Malgré les fleurs de rhétorique du préambule, il ressort avec netteté des lettres de commission elles-mêmes ; elles mentionnent en elïet fort expressément que les manumissions ne pourront être accordées qu'à prix d'argent. Surtout il se trouve mis en lumière, presque crûment, par un autre texte. C'est ce mandement du 5 juillet 1315 que nous a conservé, comme je l'ai indiqué plus haut, un des Mémoriaux de la Chambre des Comptes ^ ; nous n'en possédons plus d'expé- dition que pour Sentis ; mais on doit supposer qu'un second exemplaire, aujourd'hui perdu, avait été remis aux fonctionnaires députés dans le Vermandois. On va voir qu'il ne soulîre point d'équivoque. Le roi y déclare avoir prévu le cas où certains serfs, mal conseillés, refuseraient d'acquérir leur liberté, — préférant « demourer en la chetiveté de servitude » plutôt que de profiter du « grant bénéfice » et de la « grant grâce » que leur offre leur souverain. Ces mauvais esprits ne l'emporteront point en paradis. Les commissaires aux affranchissements reçoivent ordre de lever sur eux un impôt spécial, — proportionnel pour chaque indi- vidu (selon un taux fixé chaque fois par le commissaire) en même temps à sa fortune et aux charges servîtes qui pèsent sur lui, — c'est-à-dire établi en tous points comme un prix versé en échange d'une manumission 2. A quoi sont destinées les sommes ainsi recueillies ? Le mandement l'explique sans am- bages : « a l'aide de nostre présente guerre ». De la sorte les hommes de corps se trouvent placés devant cette cruelle alter- native : ou bien payer pour être libres, ou bien, restant soumis au joug, payer encore ; et dans l'un comme dans l'autre cas, ils contribueront à 1' « ost » de Flandre. Ces prescriptions nous paraissent très dures. Nous ignorons d'ailleurs jusqu'à quel point elles furent appliquées. En tout cas elles n'avaient rien de contradictoire avec la résolution 1. Ci-dessus, p. llfi et n. 1. 2. Cf. ce qui est dit dans les manumissions accordées par Philippe le Convers •et Michel Mauconduit de l'établissement du prix : " de suis facultalibus et bonis omnibus inquisivimus dilijienter, et de jure et enioluinento omnibus que racione condicionis ipsius domino Kej^i et suis successoribus ex eisdeni jjolerant obvcnire, receplaque per nos suflicienti recompensacionc jurium et emolumentorum omnium premissorum » Pièce; juitilic. IV. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 165 prise par Louis X de ne pas lever sur son royaume de « subside » de guerre. Il ne pouvait venir à l'idée de personne que le roi eût renoncé à « tailler » ses scrl's, qui lui appartenaient non en tant que souverain, mais à titre de seigneur et, si l'on peut dire, de simple particulier. Les barons des ligues, prompts à se révolter contre toute imposition qu'on eût exigée d'eux-mêmes, ou de leurs hommes, se souciaient assurément fort peu de ce que le roi pouvait ordonner sur ses propres terres. En janvier 1318, des motifs analogues obligèrent Philippe V à se procurer de l'argent par des moyens extraordinaires, ou lui servirent de prétexte pour en demander. Les Flamands, malgré des promesses plusieurs fois répétées, se refusaient à exécuter cette convention d'Athis, conclue en 1305 entre Philippe le Bel et leur comte, dans laquelle les Français voyaient une sorte de charte fondamentale. On négociait encore, mais vraisemblablement sans beaucoup d'espoir ; et l'on s'ap- prêtait à s'armer. C'est alors que dans l'entourage du roi quel- qu'un se souvint que les personnages envoyés par Louis X dans le bailliage de Senlis n'avaient affranchi personne. On décida de reprendre l'opération avortée. Une nouvelle lettre de com- mission fut expédiée. Remit-on également en vigueur les dispo- sitions relatives aux serfs récalcitrants, telles que les avaient étabUes le mandement du 5 juillet ? Nous ne savons. Ainsi, par une curieuse coïncidence, trois fois de suite, — en 1302, après Courtrai, en 1314 et en 1318, — les afïaires de Flandre provoquèrent des tournées de fonctionnaires chargés de vendre la liberté aux serfs royaux. Pourquoi le gouvernement de Louis X, ayant résolu d'ouvrir une campagne d'affranchissements dans certaines circonscrip- tions, fixa-t-il son choix sur les bailliages de Senlis et de Verman- dois ? Nous ne saurions pénétrer tous ses secrets. Les motifs qui ramenèrent à écarter telle ou telle parmi les régions de la France nous échapperont toujours. En revanche ceux qui désignèrent à son attention les deux bailhages du Nord-Est semblent par- faitement clairs. La Couronne possédait là de vastes domaines. 166 ROIS ET SERFS Une abondante population servile y vivait, assez nombreuse pour avoir rendu nécessaire la création des collecteurs des main- mortes. Le pays était riche. Depuis longtemps les hommes du roi y avaient pris l'habitude d'acheter leur hberté; tout souvenir des manumissions accordées par saint Louis aux gens de Pierre- - fonds et du Laonnois n'était sans doute pas efïacé. Ce zèle à acquérir une condition meilleure avait déjà été exploité au début du règne de Philippe le Bel par des commissaires, qiii avaient pour banquiers les frères Guidi. Mais depuis on ne l'avait plus sollicité. Senhs et Vermandois étaient restés en dehors de la grande tentative de 1302. Ils formaient presque une terre vierge. On pouvait en attendre beaucoup. L'importance que l'administration centrale attachait aux commissions déhvrées en 1315 et 1318 se révèle par la qualité de certains des hommes à qui elle les remit. Tous sans doute ne nous apparaissent point comme de la même envergure. L'un d'eux, Saince de Chaumont, était certaine- ment un personnage obscur ; d'ailleurs, privé par hasard de son collègue Nicolas de Braye, il ne fit rien. L'autre adjoint de Nico- las, lors de sa seconde mission, Anseau de Morienval, ecclé- siastique assez bien pourvu puisqu'il était doyen de Saint- Germain-l'Auxerrois, ne semble jamais avoir atteint comme fonc- tionnaire qu'un rang moyen et sans éclat ^. Nicolas lui-même se trouvait déjà d'un degré plus haut : chanoine de Tournai et de Chartres ^, il siégea au Parlement et fut chargé d'enquêtes importantes ^. Michel Mauconduit, pro- fesseur ès-lois, chanoine de Paris, plus tard trésorier de Saint- Frambourg de Senhs * et doyen du très riche chapitre de Chartres, 1. Il était au service de Philippe le Bel dès 1306 ; à cette date le roi lui fit donner une prébende à Mézières (Petit, Mémoriaux, p. 152). Il accompagna en 1310 l'ost de Lyon comme paveur. Mignon, c. 2606, cf. c. 2645. Cf. sur lui Gallia Christiana, VII, c. 260. 2. Le titre de chanoine de Tournai lui est donné par sa lettre de commission. Cf. aussi d'Herbomez, Bulletin de la soc. historique de Tournai, XXIV (1890-92), !>. 22, n. 1 cl p. 37. Qu'il fût chanoine de Cliartres à la date du 28 mars 1330, c'est ce que nous apprend un des registres capitulaires de ce chapitre, liibliothèque de la ville de Chartres, ms. 1008, I, fol. 168 (mercredi avant Hameaux, 1329, a. s.). U mourut \e 13 avril 1338. Obituaires de la province de Sens, II, in-4, Paris, 1906, p. 321 c. 3. Cf. plus haut, p. 122, n. 1 et n. 2. Olim, III, 2, p. 995, n» lvii, p. 997, nOLVii. 4. X lA 3, fol. 77 v°. Etat des peticiones remises à la (^our au Parlement com- mençant le lundi après la Saint Martin d'hiver 1318 : « Item petlcio magistri Mi- LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 167 membre du Parlement et de la Chambre des Comptes, parcou- rait, en 1315, les premières étapes d'une carrière fort distinguée ^. Quant à Philippe de Villepreux dit le Convers, c'était une manière de grand personnage ^. Filleul du roi Philippe le Bel ^, qui lui offrit des livres de droit * et le choisit pour exécuteur testamen- taire, il dut sans doute à ce parrainage illustre sa fortune à la fois brillante et solide. Sans doute ne le vit-on jamais se hausser aux plus hauts postes de l'État ; confiné par le sort ou par ses goûts dans des fonctions purement administratives ^, il y gagna de traverser sans accident toutes les révolutions de palais et de poursuivre sous quatre rois un paisible cursus honorum. Bien qu'il fût marié '^, il sut réunir sur sa tête presque autant de béné- fices ecclésiastiques qu'au grand siècle un abbé de cour : archi- diacre de Brie en l'éghse de Meaux, archidiacre d'Eu en l'église de Rouen, trésorier de Reims et de Troyes, chanoine de Paris, de Tournai et de Notre-Dame de Mantes '. Sa mission en Ver- mandois ne fut qu'un épisode dans une vie remplie de travaux importants. chaelis Malconduit thcsaurarii Sancti Frambaldi Silvanectcnsis contra abbatem et conventum Sancti Uyonisii in causa proprietatis ». 1. V. sa notice dans Guillois, Les maîtres des requêtes, p. 234. On peut la compléter par les indications suivantes-: son activité à la Chambre des Comptes. L. Perrichet, La Grande Chancellerie de France, Paris, 1912, p. 442 ; au Parlement : Aubert, Nouvelles recherches, p. 234 et 239. Cf. aussi Obituaires de la province de SenS, I, p. 220 (29) et p. 229 (23). 2. V. sa notice dans Guillois, loc. cit., p. 221. On peut la compléter par ce qui nous reste du Livre Rouge de la Chambre des Comptes, où l'on trouvera quelques indications sur les faveurs royales dont il fut l'objet (v. la table dans Langlois, Registres perdus, p. 361), — par la table des Journaux du Trésor de Charles IV, — par Aubert, Nouvelles recherches, p. 94, p. 100 n. 1, 230 n. 7, 239, — et enfin par quelques renseignements que je donnerai aux notes suivantes. Cf. aussi Langlois, Registres perdus, p. 262. Je ne sais sur quoi se fonde M. Borrelli de Serres pour affir- mer (l, p. 350, n. 2) l'existence de deux personnages de ce nom, qui auraient été oncle et neveu. 3. Lettre de Clément V à Philippe le Bel, 26 janvier 1309, dans Lizerand, Clé- ment V et Philippe IV le Bel, 1910, p. 454 ; Longnon, Documents, III, p. 31 N et 33 B. Pourquoi M. Longnon estime-t-il qu'il s'agit d'un « juif converti ? » 4. Longnon, Documents, IIL p. 33 b. 5. En particulier dans l'administration des forêts. V. Mignon, c. 2245 à 2248, 2257, p. 357, 359; — actesde lui comme enquêteur des forêts du 10 août 1304(mardi avant Notre-Dame « mi aoust »), S 2157, 34; du 4 février (lundi après Chandeleur) 1314 et du 31 mars (lundi après Quasimodo) 1315, dans le cartulaire de Saint- Benoît-sur-Loire, Archives du Loiret, H 30-, p. 226 et 79 (communication de MM. Prou et Vidier) : fragment de compte « pro negociis forestarum » de l'Assomp- tion 1308 à la .Madeleine 1309, français 25993, p. 132. 6. Journaux du Trésor de Charles IV, c. 3758. 7. Pour les trois ])remiers titres, v. la notice de Guillois. Pour la trésorerie de Troyes, v. la lettre de Clément V citée plus haut, n. 3 et l'acte du 10 août 1304 signalé plus haut, n. 5. Sa lettre de commission lui donne le titre de chanoine de Paris ; cf. Obituaires de la province de Sens, I, p. 157. Pour Tournai, v. d'Herbomez, Bulletins de la Soc. historique de Tournai, XXIV (1890-92), p. 22, n. 1, p. 37, 168 ROIS ET SERFS Comme Philippe le Coiivers et Michel Mauconduit faisaient dater les lettres expédiées sous leurs sceaux non seulement de l'année et du mois mais aussi du lieu, nous pouvons les suivre à peu près dans l'exécution de la tache qui leur avait été confiée. Ils commencèrent par se rendre à Laon, où ils choisirent comme receveur un homme de la ville ^ ; ils y étaient en septembre 1315 ^ et sous le régne de Louis X ils paraissent avoir opèix" surtout dans la région laonnoise ^. En décembre 1315, ils étaient de retour à Paris*. Aux mois de juillet et septembre 131(), ils firent une nouvelle apparition dans le Vermandois, à Soissons cette fois ^. INIais dès le mois de décembre de la même année ils avaient regagné Paris®. Leur mission prit fin à cette date. Cependant, durant bien des années, Michel Mauconduit resta auprès de l'administration centrale le rapporteur attitré des affranchis- sements demandés par les serfs du Vermandois ou des pays voisins '. Nous sommes moins exactement renseignés sur Anseau de Morienval et Nicolas de Braye. Ils semblent pourtant bien n'avoir donné aux manumissions qu'un temps assez court. et p. 41. Qu'il ait été chanoine de Mantes, c'est ce qui ressort de l'Oliituaire de ce cliapitre, Obiliiaires de la province de Sens, II, p. 362 d. On ne sait s'il cumula tous ces bénéfices à la fois ; il est sur du moins qu'il en réunit cjuelques-uns en même temps sur sa tête ; car, sur la prière de Philippe le Bel, Clément V lui accorda le droit de cumuler la trésorerie de Troyes, l'archidiaconé de Brie et une dignité qu'il attendait alors dans l'église de Paris (lettre citée plus haut). 1. Langlois, Registres perdus, p. 132. Le 19 août 1315, Louis X leur manda de trancher un diJïérend qui s'était élevé entre la commune de Saint-Quentin et le collecteur des mainmortes en Vermandois (Livre Rouge de Saint-Quentin, n" xiii, p. 25). Mais nous ne savons quand ni comment ils accomplirent cette mission. 2. Appendice III, 1. 3. Jb., 3 à 10. 4. Ib., 2. 5. Ib., 11 et 12. 6. Le vidimus royal de l'acte d'aflranchissement, App. III, c. 12, portant la date de décembre 13U), a pour mention extra sigillam: J'cr dominos Ph. Conversi et Micimel Mauconduit. Philij)pe et Michel sont signalés comme siégeant à la Grand (Chambre du Parlement dans une liste qui date de la fin de décembre 1316 ou du début do janvier 1317. Aubert, Nouvelles recherches, p. 239. Le vidimus de lacle d'aflranchissement, c. 11, daté de janvier 1317, est accordé ad relacionem domini M. Mauconduit. 7. Ainsi qu'en témoignent les mentions e.vtra sii/illum suivantes : Affr. de Gilles de Bony et sa femme par Philijjpe V, Paris, juillet 1320, .JJ 59, fol. 212 v» (cf. plus haut, p. 15(3, n. 2). Prr dominuni regcm ad rclarioncm domini M. Mauconduit ; confirmalion par le même roi. Longcliani|), déc. 1321, d'afïranchissemenls accordés par l'abbesse de l'aremoutiers et ]jar Guillaume de (^hàteauvillain : ,JJ fiO, fol. 134, Fer dominum Miclutcl Maucond\uil] ; alTr. par Charles IV en juin 1325, de Simonet et Jeannette, Mulinclum, juin 1325, .1.) <')2, fol. 212, l'er domiiuim rcgem pre.sentibus M. Mauconduit et domino de Bovilla ; confirmation d'un affr. accordé par l'abbè de Saint-Pierre d'Orbais. Paris, janvier 1.327, JJ (U. fol. 173 v° (cf. JJ (15 h. fol. 35 V"). l'eu- le Roij a la relacion Mess. Michicl Mauconduit et le chantre de Clermont. LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 169 L'acte le plus ancien que nous ajons d'eux est de février 1318 ; le plus récent du mois de mai de la même année ^. Somme toute, de part et d'autre, les commissaires chargés de vendre aux hommes du roi la liberté paraissent n'avoir pas prolongé leur activité au delà d'un petit nombre de mois. La matière qui s'offrait à eux s'épuisait vite. Ils négociaient rapide- ment avec les serfs les plus désireux de secouer le joug et les plus riches. Au bout de quelque temps, ils n'avaient plus devant eux que les récalcitrants ou les pauvres. Parmi les diverses obligations qui incombaient aux commis- saires, l'une des plus délicates était assurément de déterminer dans chaque cas particulier le prix de la liberté. L'enquête de 1321 sur les aliénations du domaine, dans le Vermandois, nous permet de nous représenter sans trop de difficultés leur façon de procéder. Deux éléments entraient en ligne de compte : la fortune du candidat à la maimmission, et les « conditions de sa servitude )>, c'est-à-dire les charges que lui imposaient les modalités spé- ciales de la coutume locale 2. Il s'agissait en effet avant tout de connaître les bénéfices, certains ou possibles, auxquels renon- çait le roi ; ils étaient forts ou faibles, selon que le serf était riche ou non, et le droit en vigueur plus ou moins dur. En fait la fortune surtout pesait dans la balance ^. On sait que depuis la première tentative de Philippe le Bel en Toulousain, le gouvernement central avait cessé d'exiger par avance un taux universellement applicable à tous les affran- chissements. Les commissaires examinaient les différentes espèces les unes après les autres, et fixaient eux-mêmes chaciue fois le rapport entre la valeur totale des biens possédés par le serf et la somme versée au roi. Tout arbitraire, ce rapport était forcément très changeant. Sur neuf cas pour lesquels nous 1. Appendice III, 15 et 28. 2. Cf. ci-dessus, p. 164, n. 2. 3. Un certain nonil)re des serfs affrancliis en Vermandois, vivant à Bruyères, ne devaient au roi tant qu'ils liabitaient cette commune ni mainmorte niformariage (Langlois, Registres perdus, p. 132-133 ; cf. la charte communale de Bruyères, Ordonnances, XI, p. 245, c. 10 et 12). On s'attendrait à les trouver faiblement taxés. Or, en fait, on rencontre chez eux comme ])ourcentage du prix de l'affran- chissement à la fortune totale, un des taux les plus forts (10 » o : Oudars Poite et Herscns la Courtoise) et le plus faible (5 "/o : Thierri de .Montaigu pour l'énorme fortune de 1.600 1.). 1/0 ROIS ET SERFS le connaissons, nous le voyons varier de 5 à 13,04 ^ /q. Il est remarquable que jamais il n'approcha (même de loin) le chiiïre absurde de 33,3 %, que jadis Philippe le Bel avait prétendu imposer aux Toulousains. Selon un principe assez injuste, mais conforme après tout aux règles auxquelles obéit d'ordinaire l'incidence de l'impôt, les pourcentages les plus faibles se rencontraient aux deux extré- mités de l'échelle sociale : chez les pauvres et chez les riches. Les fortunes moyennes se trouvaient être les plus lourdement grevées ^. Parmi les personnes qui sollicitèrent et obtinrent leur alïran- chissement en Vermandois (pour Senlis les textes sont moins explicites) et qui ensuite se munirent de la confirmation royale, un grand nombre n'étaient de condition servile qu'à demi : c'étaient des aubains ou des bâtards. Sur quatorze manumis- sions octroyées dans ce bailliage par les commissaires et vidi- mées par le roi, cpiatre au moins ^, peut-être cincj ^, concernaient des aubains ; trois, des hommes ou femmes nés en dehors « du légitime mariage » *. Les lettres remises aux aubains conte- naient une clause spéciale : ils recevaient, outre « la franchise et perpétuelle liberté », le droit de « franche résidence dans tout le royaume » ^, concession dont les autres affranchis n'avaient pas besoin, parce qu'elle allait de soi pour eux. Pourquoi ces serfs d'une nature particulière se montraient-ils entre tous avides d'acheter leur liberté ? La condition d'homme de main- 1. Deux fortunes de 40 1. payent 5 % ; une de 46 1. 13,04 % ; de 160 1. 10 % ; de 200 1. 10 o/o également ; de 400 1. 10 °/o ; une autre de 400 1. 6 % seulement ; de 500 1. 6,4 % ; et enfin de 1.600 1. 5 "/o seulement. V. l'Appendice III et Langlois Registres perdus p. 132. Il faut ajouter à ces sommes versées pour l'affranchissement les droits de chancellerie, fixés à 100 s. parisis pour les alïr. 2 à 10, comme le fait connaître l'enquête de 1321. Vraisemblablement ces droits doivent se décomposer ainsi : 60 s. pour la confirmation royale, lettre scellée en cire verte; c'était le tarif normal (cf. 124 n. 1) ; et le reste, soit 40 s., pour la lettre délivrée sous le sceau des commissaires. P. 132 des Registres jirrdns, corriger ligne 14 xl au heu de l, ligne 24 40 1. au lieu de 10 1. 2. Affr., c. 1, 5, 11, 14. 3. C. 6. 4. C. 8, 12, 13. 5. Dans les manumissions de celte sorte, le notaire des commissaires ajoutait dans la phrase finale de l'exposé, après les mots libcrtatem perjH'tuam et avant le mot concessimiis, la formule et /rancam residenliam ii> loto régna. Cf. le résumé donné par JJ 53 de l'aiVr. 13 concernant un bâtard cpii est dit de tout point pareil à celui qui le précède -- le 11 touchanl un aubain — sauf la formule en question : seqnilur lolum prout supra hoc excepta quod non ponitur « et /rancam residentiam in iolo regno ». LES AFFRANCHISSEMENTS SOUS LOUIS X ET PHILIPPE V 171 morte et de formariage leur paraissait-elle d'autant plus insup- portable qu'ils n'y étaient pas accoutumés comme à un lien héréditaire ? On peut le croire ; mais ils ne nous ont pas dit leurs raisons. Sur les opérations des commissaires aux alTranchissements députés par Louis X et Philippe V, nous sommes un peu mieux renseignés que sur les travaux analogues accomplis par leurs prédécesseurs, au temps de Philippe le Bel. Et pourtant, à leur sujet, ce que nous connaissons est bien peu de chose à côté de ce que nous voudrions connaître. Nous n'avons plus leurs comptes. Des manumissions accordées par eux nous n'avons plus que celles qui furent confirmées par les rois. Quelle était la proportion des actes ainsi revêtus d'une garantie plus haute aux actes ordinaires, sans doute bien plus nombreux ? nous l'ignorons absolument. En tous points l'état de nos sources nous dérobe l'essentiel : le succès ou l'échec des mesures prises en 1315 et 1318. L'argent des anciens serfs coula-t-il à flots dans le Trésor royal ? Les campagnes du Vermandois et du pays de Senlis virent-elles tout à coup se multiplier les hommes libres ? Nous ne le savons pas ; nous ne le saurons jamais ^. Une seule chose est certaine : dans ces deux bailliages la ser- vitude ne fut pas définitivement abolie ; elle y survécut et de beaucoup à Philippe le Long 2. Les Valois y entretenaient encore, — au moins en Vermandois, — des collecteurs des main- mortes ^. Bien loin d'avoir affranchi tous leurs hommes de corps, dans toute la France, Louis le Hutin et son frère ne donnèrent 1. Les lettres de commission de 1315 et de 1318 exprimaient le vœu — intéressé — que les seigneurs prissent modèle sur les rois et affranchissent leurs serfs. Il semble bien que ce vœu, somme toute, est demeuré vain : car les registres de la Chancellerie fournissent, pour la période et la région qui nous occupe, bien peu de manumissions seigneuriales confirmées par les rois. Il faut toutefois faire exception pour un fonctionnaire royal, Raoul de Presles, qui sur ses domaines du Laonnois octrova de 1317 à 1325 d'assez nombreux actes de liberté. Cf. JJ 59, fol. 233, 333 feo, fol. 121 ; 62, fol. 161, 162, 263, 273 V ; 65 b, fol. 67 v». Le préambule de l'un d'eux n'est pas sans rappeler celui des lettres de commission. Cf. plus haut, p. 142, n. 1. 2. Cf. sous Philippe de Valois l'enquête citée p. 23, n. 4. On trouve encore sous Charles VI un affranchissement dans la commune de Bruyères ; mandement royal du 20 janv. 1381 dans Douët d'Arcq, Choix de pièces inédites du règne de Charles VI (Soc. de Vhisl. de France), II, 1864, p. 129, n" 56. 3. V. ci-dessus, p. 93. 172 ROIS ET SERFS même pas la liberté totale à la petite province où se bornait leur action. A dire vrai, ils n'y prétendaient guère ; ils ne songeaient qu'à exploiter un expédient fiscal devenu classique. Sans l'éloquence intempestive d'un clerc, l'histoire se serait à peine souvenu de ce modeste épisode. CONCLUSIONS L'histoire des serfs royaux, au temps des Capétiens directs, est obscure et incertaine. Les documents sont rares, fragmen- taires, souvent imprécis. Le détail des faits se dérobe à nos yeux. Mais les grandes lignes se laissent entrevoir. Les rois de France ou leurs conseillers ont eu, sans peut-être jamais se la formuler nettement, une politique servile. On peut en retracer la courbe comme il suit. Vers le temps de Louis VI, les charges propres aux serfs se perçoivent, sur les. terres de la Couronne, selon les mêmes règles que les redevances ordinaires du domaine. Le lien servile semble encore extrêmement fort. Les rois ne le relâchent pas volontiers. On doit supposer que beaucoup parmi les hommes de corps ne songent pas à s'en dégager. Les villes et les campagnes environ- nantes, qui subissent l'influence des centres urbains et trouvent en eux un appui, sont peut-être les seules à sentir le besoin de le secouer ; en tout cas seules elles en ont la force ; mais elles n'y parviennent pas sans peine. Il faut quarante-trois ans à la royauté pour se résigner à affranchir Orléans. Sous Philippe-Auguste, les méthodes administratives se per- fectionnent. Les baillis apparaissent. Presque immédiatement, l'exploitation du principal parmi les droits serviles — - la main- morte — leur est confiée, au détriment des prévôts, officiers d'un rang inférieur, ou pour mieux dire simples fermiers. C'est le premier signe de l'importance attribuée par le gouvernement aux produits du servage, et de l'idée qu'il se fait des difficultés particulières attachées à leur perception. En même temps, les affranchissements vont se multiplier. 174 KOIS ET SERFS Saint Louis est le premier roi à accorder de vastes manumis- sions rurales. Non qu'il devance en rien son temps : il participe à tout un mouvement social, sans le commander. Dans les riches contrées de la France au nord de la Loire, les serfs des villages, de toutes parts, demandent à acheter leur liberté ; le roi, comme les autres seigneurs, consent à la leur vendre. La monarchie accorde désormais sans résistance les affranchissements ; elle ne cherche pas encore à les provoquer. Elle en tire un profit raisonnable, mais exceptionnel et fortuit ; elle n'en fait pas encore un expédient fiscal. Une fois saint Louis mort, sous des princes faibles, le corps anonyme des fonctionnaires gouverna la France. C'étaient dans l'ensemble des administrateurs exacts et énergiques, mais d'un caractère dur et d'un esprit parfois aventureux. Ils furent \ivement préoccupés par les questions financières. A vrai dire, elles s'imposaient à leur attention. L'État, par la force des choses, devenait de plus en plus dépensier et besogneux. Ses recettes paraissaient insuffisantes. Il fallait les augmenter. Le domaine semblait rapporter trop peu ; on crut pouvoir lui demander davantage. On songea en particulier aux droits servîtes ; on s'efforça de les rendre plus lucratifs. Peu à peu des fonction- naires spéciaux, d'abord temporaires, puis permanents, furent créés pour en assurer la perception dans les régions où les serfs royaux étaient sans doute les plus nombreux : Vermandois, bailliage de Senhs, Champagne. Ce furent les collecteurs des mainmortes et formariages. On attendait beaucoup d'eux. Ils déçurent. La mainmorte et le formariage, nids à paperasserie et à procès, n'étaient pas des ressources faites pour une grande monarchie. Alors, on se rabattit sur les aiïranchissements. On les trans- forma en un moyen budgétaire presque normal. Désormais, toutes les fois qu'il y eut crise financière, des commissaires chargés de distribuer les manumissions parcoururent quelques provinces. C'était comme une conlribulion de guerre. Au temps de Louis VI et de Louis Y II, les serfs arrachaient péniblement leur liberté; sous Philippe le Bel, le roi la leur ofîre ; sous Louis X, il ira jusqu'à tâcher de la leur imposer. CONCLUSIONS 175^ Mais les nouvelles méthodes ne se dégagèrent que peu à peu. Pendant les premières années du règne de Philippe le Bel, on tâtonna. En 1299, le gouvernement décida d'engager les serfs du Toulousain à acheter leur liberté. Il crut devoir, à cette occasion, promulguer un acte qui, dans sa forme extérieure, présentait les caractères trompeurs d'une manumission géné- rale. En outre, la tentative de 1299 portait, si j'ose emprunter un mot à la langue poétique du Moyen-Age, la marque de ce singulier esprit de « desmesure » dont on rencontre, en ce temps^ maintes traces. Le roi prétendait déterminer d'avance le prix de la liberté ; ce prix était uniforme pour tous les cas ; il était exorbitant. Plus tard une conception plus simple, moins rigide et plus sage triompha. A partir de 1302 au moins, des lettres de com- mission, adressées à des fonctionnaires royaux, suffirent à ouvrir les campagnes d'affranchissements. Les commissaires eurent pleins pouvoirs pour négocier avec les hommes de corps. Ils fixaient les sommes à verser d'après les fortunes servîtes, selon des taux variables, mais qui jamais, semble-t-il, n'atteignirent ce chifïre fabuleux de 33 o /^ que Philippe le Bel avait osé exiger dans le Toulousain. Plusieurs fois, Philippe le Bel et ses fils proposèrent ainsi la liberté à leurs serfs dans certaines régions du domaine. Leurs entreprises n'eurent pas toutes même envergure. La plus vaste fut tentée par Philippe le Bel ; elle s'étendit au moins à deux bailliages et six sénéchaussées et peut-être n'en connaissons- nous pas toute l'ampleur. Mais, sur elle, nos sources nous ren- seignent mal ; elle a passé presque inaperçue aux yeux de l'his- toire. Sous Louis X, les commissaires aux affranchissements n'opérèrent que dans le Vermandois ; Philippe le Long n'en envoya que dans le bailliage de Senlis ; mais le hasard' d'un préambule éloquent, rédigé par un clerc ingénieux et quelque peu hâbleur, a valu aux actes de ces deux rois une célébrité qu'ils ne méritaient pas. Les documents ne nous permettent pas d'apprécier les résul- tats obtenus par les commissaires délégués sous Philippe le Bel et sous ses fils. Nous savons seulement qu'en Vermandois et 176 ROIS ET SERFS dans le pays de Senlis, où ils Iravaillèreiil à deux reprises, ils ne supprimèrent pas le servage sur les terres royales. Il ne faut pas s'en étonner. Jadis les serfs se faisaient aiïranchir quand, avides d'obtenir la liberté, ils avaient rassemblé assez d'argent liquide pour l'acheter. Les manumissions dépendaient alors de conditions économiques. Désormais les gens du roi cherchèrent à les régler d'après les besoins du Trésor. C'était une entreprise audacieuse. Malgré toutes les mesures coercitives, il était dilTi- cile qu'elle obtînt un plein succès. APPENDICE I LES AFFRANCHISSEMENTS OCTROYÉS PAR SAINT LOUIS DANS LA CHATELLENIE DE PIERREFONDS ET LE LAONNOIS § 1. Du rôle de Blanche de Castille dans r affranchissement de la châtellcnie de Pierrefonds. La châtellenie de Pierrefonds fut-elle affranchie par Blanche de Castille qui la possédait en douaire \ ou bien après sa mort par Saint Louis à qui le douaire maternel avait fait retour ? Sur ce point les témoignages des textes semblent au premier abord mal s'accorder. Nous possédons encore la lettre de manumission octroyée par Saint Louis à ses serfs de la châtellenie ^. Assez brève, elle est datée du mois de septembre 1255 ; elle est donc postérieure de près de trois ans à la mort de la reine mère ; il n'y est fait aucune mention d'une volonté auparavant exprimée par celle-ci, moins encore d'une concession for- melle accordée par elle. D'autre part un petit cahier conservé dans le Regislrum Guarini * nous a, comme l'on sait, transmis les noms des affranchis et le montant des sommes versées par eux. Sa rubrique attribue expressément l'acte de liberté à la reine Blanche ; Saint Louis n'aurait fait que le confirmer par « lettres munies de son sceau * ». 1. E. Berger, Histoire de Blanche de Caslille (Bibl. d'Athènes et de Rome, î. 70), 1895, p. 315. 2. JJ 30 A, fol. 174 yo et une copie du xv*^ siècle dans le Cartulaire du chapitre calhédral de Soissons. Archives de l'Aisne, G 253, fol. 1. Cf. Inventaire sommaire des Archives de l'Aisne, III, p. 149 et une note de .M. Elie Berger, Cornistes rerulus de r Académie des Inscriptions, 1912, p. 415. Par suite du désordre que l'occupation allemande a mis dans les Archives de l'Aisne je n'ai pu voir ce cartulaire. Pourquoi avait-il recueilli un affranchissement royal ? Je l'ignore. 3. Dans la foliotation générale du Recjislnim Guarini, coté aujourd'hui JJ 26, ce cahier occupe aujourd'hui les fol. 331 à 338. Il s? distingue hien nettement, ne serait-ce que par son petit format, du reste du volume ; il n'y a été réuni évidemment que parce que l'on eût craint, en le laissant isolé, de le vouer à une p?rte certaine ; et il y a été réuni dès l'origine, bien vraisemblablement, car il est désigné dans la lettre de manumission par les mots : « supradictorum... nominatorum in quodani quaterno in noslro reç/islro insertiim ». Les noms des affranchis ne tiennent que les feuillets numérotés 332 à 337. Sur le v° du premier feuillet du cahier (fol. 331 de la foliotation générale), qui avait été laissé en blanc pour servir de couverture, on a plus tard transcrit quelques dépositions recueillies, en 1258, vers la Saint André (30 nov.) par Simon de Xesle et Etienne, doyen de Saint-.\ignan, chargés par le Parlement d'une enquête sur la reddition du château languedocien de Mon- tréal (Textes publiés. Histoire de Languedoc, VIII, pr. c. 1436, cf. Olim, I, p. 461, n° IX). 4. Voici cette rubrique (je souligne ce cjui est écrit à l'encre rouge) : Komina hominum manumissorum per Blanch[ani| quondam reginam Francorum in castellania Petrefontis. Révérende memorie B. Dei gracia quondam Francorum reyina jelici usa consilin 12 178 ROIS ET SERFS La contradiction est flagrante ; elle est d'autant plus singulière que les deux textes sont presque contemporains, le cahier étant antérieur de quelques mois à la manumission qui y renvoie ^ Comment l'ex- pliquer ? Voici, semble-t-il, ce qui se passa. Les serfs de la châtellenie — j'entends les serfs des campagnes puisque la ville même de Pierrefonds avait été aiïranchie par Philippe Auguste — demandèrent leur liberté à la reine mère. Ils négocièrent avec elle. L'on tomba d'accord. Chacun pour dépouiller la condition servile dut payer 5 % de sa fortune : tel était le principe de la con- vention. Restait à fixer pour chaque individu en particulier, d'après le taux prescrit, le montant exact de son versement. Il fallait pour cela de longues, minutieuses et difficiles enquêtes. Blanche de Castille mourut avant l'achèvement de ces travaux préliminaires. C'est pourquoi l'affranchissement auquel elle avait donné son consentement ne fut pas consacré par un acte passé sous son sceau. Saint Louis était alors en Syrie. L'affaire dut rester en suspens jusqu'à son retour (il fit son entrée à Paris le 7 septembre 1254*), et même quelques temps après ; elle se trouvait d'ailleurs liée au règlement de la succession laissée par Blanche, qui ne pouvait se faire d'un coup. La liste des affranchis, telle que la contient le cahier déjà cité, fut arrêtée en l'année 1254 ancien style, c'est-à-dire avant le 12 avril 1255. La lettre de manumission fut expédiée seulement en septembre 1255. Elle fut naturellement établie au nom du roi, seul seigneur, au moment, des serfs libérés. En revanche, le clerc qui rédigea la rubrique du cahier (simple note de service sans caractère officiel) ne crut pas devoir s'abstenir de rappeler qu'en fait, sinon en droit, l'acte était l'œuvre de la reine mère. Grâce à lui nous devinons le rôle qu'elle joua. § 2. Liste des localilés affranchies (pays de Pierrefonds et Laon- nois) . A. — Châtellenie de Pierrefonds ^. Mairie de Chelles ; [mairie de INIortefontaine] ; mairie de Taillefon- taine et Marival ; mairie de Breuil et Lrosly ; mairie de Cuise et Couecloi ; manumisit homines in caslellania Pelre/onlis ac perpétue Ubeiiali eos et heredes corum donavit (junrum nomina in presenti quaterno sabscripla siint ; qiiam Ubertatem vir illuslrissimiis eadem (jraciu rex ejusdem B. filius Ludovicus, dicte miitris sue inherens animis, litteris super hue eonfectis siyillo comnninitis re(jiu confirmavil. anno (jracie millesimo ducenlesimo quinquaf/esimo quarto. 1. Il est daté de 1254 a. s., c'est-à-dire d'avant le 12 avril 1255. Pour le renvoi au cahier contenu dans la manumission, v. j). 177. n. 3. 2. Lenain de Tillemont, Vie de Saint Louis (Soc. de l'hist. de France), IV, p. 44. 3. Entre crochets droits les noms qui ne figurent que sur le cahier ; entre paren- thèses ceux (jui ne figurent que sur la manumission : l'ordre suivi est celui du cahier. La discordance entre l'énumération des deux documents est singulière. APPENDICE I 179 mairie de Couloisy ; mairie de Croutoy : mairie de .laulzy ; mairie de la Vallée, Montigny, [Bnnru] et Courtieux ; mairie de Roye, Retheuil ^ et Païenne ; mairie de Cutry ; mairie de Pernant ; mairie de Saint Pierre Aigle ; mairie de Cœuvres ; Puiseux ; Villers-Hélon ; Chaudun ; Saint-Etienne et Roi ^ ; Martimont ; La Mercière ; La-Croix Saint- Ouen ; Janx ; Rivecourt ; [Venette ; le Meux ; Chevrières] ; (Hante- fontaine) ^ ; (Valdain) ; (Say) ; (Bérogne) ; (Rennes); (Grans); (Soissons). B. — Afframhissemenl conçu sur le modèle de celui de Ui chfdellenie de Pierre fonds *. Remy ; Margny. C. — Laonnois ^. Chermizy ; Festienx ; Bouconville ; Neuville ; Jumigny ; Vassogne ; Pargnan ; Paissy ; Moulins ; Villers ; Longueval ; Blanzy ; Soupir ; Moussy ; Ostel ; Braye ; Laval ; Cerny ; Versigny ; Sainte-Croix ; Par- fondru ; Aizelles ; Veslud et Mauregny ; Courtrizy et Marchais ; Genv ; Chavignon ; Molinchart ; Cessières ; Clacy ; Mesbrecourt et Thierret ; Saint-Nicolas ; Faucoucourt ; Marcilly et Suzy ; Couvron ; Chez}^ ; Tardenois * ; Ailles. D. — Affranchissements mentionnés à la suite de celui du Laonnois '. Saint-Germain-les-Compiègne ; Verron. E. — Affranchissements mentionnés dcms un cwrêt du Parlement, session de rOctave de la Toussaint 1266 ^. Armancourt, Canly, Puchieres, Xovam Villam. Je me suis (U'maudé si elle ne s'expliquerait pas en partie par des erreurs de trans- cription imputables au copiste de la inanuniission. Par exemple Grans ou Graiis ])ourrait être une erreur pour Jaux fJaul avec un signe d'abréviation dans le cahier). Mais, de toutes façons, certaines différences subsistent qu'on ne peut expliquer ainsi. 1. Il est fait allusion à l'affranchissement de Retheuil dans un arrêt du Parle- ment, session de l'octave de la Toussaint, 1271, Olim, I, p. 866, n^ m, où il faut lire Reluil au lieu de Recuit. 2. Roi dans la manumission, Roium dans le cahier. 3. Le texte donne Autrefontaine. 4. « Hi suni homines de Remin cl de Marrcf/ni manumissi et habcnt consimilem rartam qiiam hahenl homines de casleltania Petrejonlis », cahier, fol. 3;57. 5. JJ 30 A, fol. 1,54 à 156 : « Hec sunt nomina viltanim et personàrûm quibiis conccditur (ranchisia a domino rege in terra Laudiinensi ». 6. La présence de ce « nom de pays » ici est curieuse. Cf. sur lui L. Gallois Rc(jions naturelles et noms de pays, 1908, p. 155 suiv. Les noms de.s villages indiqués comme habités par les serfs affranchis sous la rubrique « Tardenoi's » sont : Chassemy : Mont | -Notre-Dame] ; Chavonne ; Acy ; Saint-Gilles ; Arcv- Sainte-Restitue ; Fismes ; Tannières ; Lhuys ; Bousseigne ; Ronchères ; Saponav • Marcuil[-en-Dôle| ; Saucy ; Craonne. ' ' i . j 7. JJ 30 A, fol. 156. Hec sunt nomina personarum de parrochia Sancli Gernmni juxta Compendium quitus coneeditur franchisia a domino rege; et Hec sunl nomina personarum de Verron quitus coneeditur /ranchisia a domino rege. Sur Saint-Ciermain cf. Bourfiin, La commune de Soissons. p. 24 L ' ' 8. Olim, I, p. 239, n" vi. L'arrêt mentionne également les affranchissements de Jaux, le Meux, Rivecourt et Chevrières, compris dans la grande manumission de 180 KOIS ET SERTS § o. Les (oiluncs sen'ilis d'après rajjiancldssemvnl de la châiellenie de Pierrefonds : La liste des serfs affranchis dans la châtellenie de Pierrefonds, que contient le petit cahier relié dans le Regislrnm Guarini, offre pour l'histoire économique un intérêt de tout premier ordre. Nous savons par la manumission elle-même que le prix de la liberté était fixé, pour chacun, à 5 % de sa fortune totale; or le cahier nous donne, individu par individu, les sommes versées. Grâce à lui nous pouvons donc c<)nnaître l'échelle exacte des fortunes, dans la population servile d'une région déterminée. Les renseignements fournis par le cahier peuvent s'exprimer dans le tableau que voi«i : Nombre des ménages Sommes versées versant ces sommes 1 sou à 1 livre. 652 au-dessus de 1 livre à 2 livres. 141 )) de 2 livres à 3 livres. 75 )i de 3 livres à 4 livres, 31 » de 4 livres à 5 livres. 13 » de 5 livres à 6 livres. 7 » de 6 livres à 7 livres. 6 « de 7 livres à 8 livres. 5 » de 8 livres à 9 livres. 2 » de 9 livres à 10 livres. 3 En outre on trouve trois versements supérieurs à 10 livres : soit respectivement 12 1. 5 sous, 16 livres, et 96 livres. Le versement le plus faillie — qui se présente plusieurs fois — est de 1 sou, — correspondant à une fortune d'une livre ; le versement le plus fort de 96 livres, — correspondant à la fortune tout à fait exception- nelle de 1.920 livres. Somme toute l'immense majorité des serfs touchés par l'aiïranchisse- ment de la châtellenie étaient pauvres. Sur 935 versements, 652 étaient inférieurs ou égaux à 1 livre, c'est-à-dire représentaient des fortunes ne dépassant pas 20 livres. Sur les 283 versements supérieurs à 1 livre,. Pierrefonds, — et l'affranchissement de Margny, indiqué dans le cahier de Pierre- fonds, à la suite des villages de la châtellenie. 11 signale des serfs affranchis à Com- picgne, ce (|ui se ra|)i)orte vraisinil)lai)lemcnt à l'affranchissenient de Saint-Ger- main, faulKJurg de Compiègne. cité par le registre J.J .'^O a à la suite de la manu- mission laonnoise. Le le.xte du manuscrit (auquel je me suis reporté) est mauvais ; lire Omeux au lieu cVOmenx, Cyoerirres au lieu de Ci/nrriqrrs. Qjaiit à Caiilij au lieu de Canh/, c'est une faute de l'édition lieugiiot. On renurrquera qu'au sujet de le Meux, l'arrêt donne une |)récisi(in • apud Ointux. le Mont, et in tota ])arrocliia loci ejubdem »; le MonI, aujourd'hui Meux-le-.Mont, est un écart de la connnunc de le Meux. AIM'ENDICE I 181 141 — la moitié environ — ne dépassaient j)as 2 livres (fortunes attei- gnant au plus 40 livres). A mesure que Ton s'élève dans l'échelle des prix, le nombre des versements décroît d'une façon presque constante. Evidemment la plus grande partie de la population vivant dans la chàtellenie se composait de petits cultivateurs, simples travailleurs agricoles ou possesseurs de biens fonds de très médiocre étendue. Pourtant, à côté de ces paysans assez misérables, on rencontrait des éléments plus riches : sans doute de gros cultivateurs, et peut-être quelques marciiands des villes, originaires des domaines royaux et affranchis avec leurs anciens compatriotes. Ce sont les conclusions qui ressortent de tous les documents. La plupart des serfs étaient de pauvres hères ; mais parmi eux il se trouvait des familles aisées et même cossues, — celles par exemple qui se transmettaient de père en )]ls les offices seigneuriaux de maires et de doyens ; — et dans les cam- pagnes, au xiii^ siècle, les fortunes étaient beaucoup plus inégales que sur la foi d'idées préconçues on ne Timagine quelquefois. APPENDICE II RECHERCHES SL'R LES COLLECTEURS DES MALNMORTES ET FOR.MARLVGES Je me propose dans cet appendice : premièrement de faire Tinven- ventaire des comptes des collecteurs de mainmortes qui sont parvenus jusqu'à nous ; en second lieu d'établir une liste de ces collecteurs en donnant sur leurs cursus toutes les indications que j'ai pu recueillir ; enfin d'étudier leur comptabilité. § 1. Les comptes des collecteurs des mainmortes et formariages. M. Langlois, dans l'Introduction de son édition de V Inventaire de Robert Mignon \ a énuméré un certain nombre de comptes provenant des collecteurs des mainmortes. Le tableau qu'il a ainsi dressé est le fruit d'un travail si soigneux que malgré des recherches assez poussées il ne m'a pas été donné d'y ajouter un seul document. Celui que j'ai élaboré à mon tour n'en diiïère que pour la séparation établie entre deux comptes distincts qui avaient passé jusqu'ici pour deux fragments détachés d'une même pièce (n^^ 5 et 6). Bien entendu des précisions de détail que ne comportait pas l'étude de M. Langlois, trouveront place ici 2. Voici cette liste. .Je note une fois pour toutes cjue les collecteurs employaient toujours la monnaie parisis. 1. P. XXVII, n. 1 . 2. M. Horclli de Serres, au t. I de ses Recherches sur divers services publics, p. 40, n. 5, énumère un certain nombre de comptes des mainmortes et formariages. Les renvois qu'il donne correspondent tous, sauf un, à des documents inventoriés par M. I,anglois. Reste une référence, qui ne se retrouve pas dans la liste de .M. Lan- glois. Par malheur, elle est si singulièrement abrégée, que je n"ai pu ridentifier à coup sur. La voici : Arch. Coll. her. Pic. Piien dans la collection de Picardie du Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale, à laquelle j'avais d'abord pensé, ne m'a paru répondre à celte indicalion. .J'ai songé alors à une collection ])rivée, les Archives de la Xoblcssr cl du Collège Héraldique de France. .J'ai pu en effet vérifier que .M. lîorelli de Serres avait eu accès au dépôt de manuscrits de cette institution, établi à Paris, loi, rue de JMiromesnil. Sur ma prière, M. le vicomte de Sorbiers, qui le dirige actuellement, a bien voulu rechercher dans ses dossiers s'il trouvait trace du document dont il s'agit ; son obligeance, dont je ne saurais trop le remercier, n'a obtenu qu'un résultat négatif; il demeure acquis que rien de pareil n'existe, du moins aujourd'hui, au Cullège Héraldique. ICI j'ignore où a pu échouer le compte vu par yi. Borelli de Serres. APPENDICE II 183 1. Fragments duii rouleau qui contenait le compte de Nicolas de la Sogne du mois davril 12(S2 (date de sa nomination *) à rAscension 1284. (Cf. Mignon, p. xxvi et p. 244, c. 1957). Premier fragment : compte arrêté à la Chandeleur 1283. Recettes en arriéré du temps de « mon seignor Richart », prédécesseur de Nicolas de la Sogne : 80 1. ; dépenses de monseigneur Richard : 75 s. Recettes de Nicolas, au total; 115 1. 12 s. Dépenses de Nicolas: 27 1. 15 s. vSomme versée au Temple : 140 1. *. Clairambault 473, p. 111. Deuxième fragment, débutant par les dernières mentions d'un compte de dépenses sans date (total des dépenses : 37 -1. 6 s.) et con- tinuant par le commencement d'un nouveau compte (recettes et dépenses) daté de l'Ascension. Clairambault 473, p. 112. 2. Fragment final d'un compte de Richard de Verberie et Gautier le Bourguignon, Toussaint 1285. Commence vers la fin du chapitre des recettes, au § consacré aux «franchises ». Total de ce § : 214 1. Total général des recettes : 1.880 1. 79 s. Dépenses : 234 1. 2 s. 11 d. Somme due, portée au compte de Senlis : 1649 1. 16 s. 1 d. Nouv. acqu. franc. 5821 ; troisième partie ; p. 2. 3. Fragment d'un compte de Richard de Verberie, Toussaint 1288, partant de la Chandeleur de la même année. Latin 17010, p. 4. 4. Compte de Richard de Verberie, Ascension 1289, partant de la Toussaint 1288. Recettes : 689 1. 16 s. (y compris un arriéré de 394 1. 17 s. 6 d. sur le compte précédent). Dépenses : 104 1. 18 s. 4 d. Somme due, portée au compte de Senlis : 584 1. 17 s. 8 d. Latin 9018, fol. 29-30. 5. Fragment final d'un compte de Gautier le Bourguignon et Ri- chard de Verberie, vraisemblablement de 1289 et du terme de la Toussaint, partant de l'Ascension 1289. Dépenses : 213 1. 15 s. 5 d. Somme due portée au compte de Senlis ; 796 1. 17 s. 5 d. Français 25992, fol. 6. 1. « Eu l'an de grâce nostre seigneur mil CC quatre vinz et deus, ou mois d'avril, entra Xicholas de la Coingne au service lou ro^" des mortes mains et des mcsma- riages ». Mention portée en tète du compte. 2. J'ai fait moi-même le total des recettes et celui des dépenses qui n'est pas établi dans le compte. On remarcfuera que la somme versée au Temple est notable- ment inférieure à ce qu'elle aurait dû être en tenant compte de l'arriéré du temps de « monseigneur » Richard (140 1. au lieu de 164 1. 10 s.)- Cf. plus loin, p. 191. C'est au dos de ce premier fragment qu'un clerc de la Chambre inscrivit l'inven- taire de comptes des mainmortes, édit. Mignon, p. xxvi. Ce petit inventaire fut ensuite utilisé par Robert Mignon pour composer son répertoire ; cf. ci-dessous, p. 185, n. 1. 184 ROIS Eï SERFS 6. Fragment (début) d'un compte de Richard de Verberie, Ascen- sion 1290, partant de la Toussaint 1289. Le total des recettes auquel manque seulement la somme provenant des serfs communs au roi et aux églises et qui par conséquent n'est pas fait dans la partie du texte que nous possédons, donnerait 215 1. 54 s. 12 d. ^. Français 25992 ,fol. 5. 7. Compte de Laurent Filleul, Toussaint 1291, partant de l'Ascen- sion de la même année. Recettes : 180 1. 22 s. 7 d. Dépenses : 33 1. 17 s. 8 d. Somme due, portée au compte du Vermandois : 147 1. 4 s, 11 d. Latin 17141, fol. 51. 8. Compte de Laurent Filleul, Ascension 1292. Recettes : 160 1. 38 s. 4 d. Dépenses : 26 1. 18 d. Somme due, portée au compte du Ver- mandois : 135 1. 16 s. 10 d. Latin 17141, fol. 52. 9. Fragment (début) d'un compte de Laurent Filleul arrêté à la Toussaint 1292, présenté in caméra denarioruin le mercredi après la fête de Saint-André l'apôtre (3 décembre) ^. Latin 9018, fol. 34. 10. Fragment (début) d'un compte de Pierre le Gras, Toussaint 1293, partant des octaves de l'Epiphanie de la même année. Recettes : 453 1. 7 s. 11 d. Latin 17141, fol. 53. 11. Pièce auxihaire remise aux gens des comptes par un collecteur des mainmortes ; sans date ; la somme due, dont une déchirure nous empêche de connaître la valeur, était à prendre [su]per Silvan[ec- lum]. Latin 9018, fol. 32. § 2. Liste des collecteurs des mainmortes et formariages (jusqu'à r avènement de Philippe de Valois). Bien entendu la liste suivante est très incomplète. En l'état de nos documents, elle le restera toujours. Néanmoins les érudits, qui seront 1. Les fragments n» 5 et 6 proviennent de deux eonijjtes distincts comme le prouvent à la fois des caractères extérieurs (notannnent la couleur dilïérente des encres) et les caractères internes suivants : 1" les chilïres ne concordent pas : en effet le total des recettes donné i)ar le fragment 6, même si on le suppose augmenté de la sonnne (toujours faible) à jjrovenir des formariages des serfs connnuns avec les églises ne saurait, déduction faite des ex}jensa du fragment ô, fournir à beaucoup près ie produit net, très élevé, porté au fragment 5 ; 2° les noms des serfs mentionnés dans les recettes de G ne se retrouvent pas aux dépenses de 5 et réciproquement ; 3° le fragment 5 concerne une période de Tannée postérieure à l'Ascension ; or le fragment 6 est formellement arrêté à lAscension. Quant à la date de 1281», proposée pour 5, elle ressort du fait que la fête des S'^ Christo])he et Jacqijes est indiquée dans le texte comme tombant un lundi, et la S' Luc un mardi. '-'. Détail fourni par une mention au V, d'une autre main que le compte. APPENDICE II 1^-5 conduits par leurs recherches à un dépouillement des archives locales, que mon travail ne comportait point, pourront sans doute y ajouter des indications nouvelles. Ils pourront également compléter les renseigne- ments, forcément très sommaires, que j'ai donnés en notes sur les cursus des collecteurs ; tels quels ces renseignements m'ont paru utiles. Nous ne connaîtront l'histoire de l'Etat français au moyen âge que lorsque nous aurons une bonne prosopographie des fonctionnaires royaux. Aucune contribution à ce grand recueil à venir ne doit être négligée. Les commissions des collecteurs nous les montrent opérant toujours deux par deux. Il faudrait donc, pour chaque circonscription, dresser deux listes parallèles. ]\Iais nos sources ne nous le permettent point. D'ailleurs, en examinant les dates données ci-dessous, on verra aisé- ment quels sont les collecteurs qui ont été en fonction en même temps. Je désigne les comptes des collecteurs par les numéros qui leur sont attribués ci-dessus au '§ 1. A. — Senlis cl Vermandois. 1. « Mon seignor Richart », prédécesseur de Nicolas de la Sogne. compte 1. 2. Nicolas de la Sogne ^, nommé en avril 1282, en fonction jusqu'à l'Ascension [18 mai] 1284. compte 1. Mignon, p. xxvi et c. 1951. 3. Richard de Verberie, chanoine de Noyon : de 1284 à la Chande- leur 1291 2. Comptes 2 à 6. Mignon, p. xxvi et c. 1952 à 1957. et du 21 juin 1298 à la Toussaint 1298. Mignon, p. xxvii et c. 1960 ^. Journal du Trésor du Louvre, fol. 31 vo, 33 vo, 74. JJ 38 fol. 18 vo. 1. « Nicholas de la Coingne » (compte i), '< Xicholai de Cyconia » (compte 5 cf. ci-dessous p. 191, n. 2). Il s'agit vraisemblablement soit de la Sogne (Eure, commune de Thomer-la-Sogne, canton de Daniville), soit de la Sogne (Yonne, commune de Percey, canton de Flogny) ; cf. Blosseville, Diclionnaire topographique de l'Eure, p. 211 et Quantin, Diclionnaire topogiaphique de V Yonne, p. 124. La forme « de Caloigne » donnée par l'inventaire des comptes de mainmorte inscrit au dos même du compte de Nicolas (Mignon, p. xxvi) est une faute de copiste ; le fait que Mignon l'a reproduite prouve qu'il s'est reporté à cet inventaire et non aux comptes originaux (c. 1951). Nicolas de la Sogne appartenait sans doute à la même famille que Robert de la Sogne (de la Ceoingne, de Ciconiaj, bailli de Caen (Histor. de France, xxiv, p. *141). 2. Lève la « subventio » pour lost dans es prévôtés de Laon et Chauny en 1295 (Mignon, c. 1223), la décime et le centième dans le bailliage d'Amiens et le diocèse de Noyon en 1296 (Lemaire, Archives anciennes de la ville de Saint-Quentin, 1, n° 157), la décime dans les diocèses de Reims, Chàlons et Laon en 1297-S (Mignon, c. 725), les annales dans les diocèses de Reims, Chàlons, Laon et Soissons en 1297- 13(10 (Ib., c. 482). 3. 11 faut introduire une correction dans le texte du c. 1960 de Mignon. Au lieu de ■< jovis in festo Sancti Laurentii » — faute évidente, la fête d'aucun S' Lau- 186 ROIS ET SERFS 4. Maître Gautier le Bourguignon : de l'Ascension [3 mai] 1285 à la Toussaint 1289. Comptes 2 et 5. Mignon, p. xxvi et c. 1953 et 1954. 5. Laurent Filleul : de l'Ascension [31 mai] 1291 à la Toussaint 1292. Comptes 7, 8 et 9. Mignon, p. xxvii et c. 1958. 6. Pierre le Gros, ^ de la Ferté-Milon : des octaves de l'Epiphanie 1293 au 7 novembre 1300. Compte 10 ; Mignon, p. xxvii et c. 1959 ; Journal du Trésor du Louvre, fol. 124. JJ. 38, fol. 18 v^. Olim II, p. 373, n» viii. 7. Thomas de Cernay '-, chanoine de Soissons, successeur de Richard de Verberie : du 29 août 1299 à la Toussaint 1307. Mignon, c. 1968, cf. p. xxvi. JJ 38, fol. 18 v^. Olim IIP, p. 211, no XL et p. 223, n» i. 8. Raoul le Kerie de Chauny : 1310 (en Vermandois). Mentionné dans un arrêt de l'assise baillivale tenue à Chauny par le bailli de Vermandois, Fremin de Coquerel, le 30 jan- vier 1310. Vidinms de Charles IV, napud Nibellam in Logio)\ juin 1325 : original, J. 425, 41 ; copie (avec erreur de date), JJ. 62, fol. 258 vo. 9. Géraud de ^larle ^ : en 1315 (en Vermandois). ^Mentionné dans un mandement de Louis X, Péronne, 19 août 1315 : (indiqué d'après l'original par Lemaire : Archives anciennes de la ville de Saint-Quentin, I, p. 237, n° 245 ; publié d'après le cartulaire de la ville. Livre Rouge de Saint-Quentin, p. 25, no xiii). rcnt ne tombant un jeudi en 1298-9 — lire « jovis post festum ». Nous savons par le Journal du Trésor du Louvre, fol. 33 v», que le dernier des versements faits au nom de Richard par son chapelain Jean de Cfua eut lieu le 6 février 1299, n. s., c'est-à-dire le jeudi après la fête de S« Laurent de Cantorberj-. 1. Lève les forfaits des monnaies dans le bailliage de Caen en 1293 (Mignon, c. 1928), le double centième et les finances pour nouveaux acquêts dans le bailliage d'Auvergne en 1293 fib., c. 1208 et 1866), la régale dans le diocèse de Soissons en 1296 fIb., c. 247). Mort avant le 21 juillet 1301 fIb., c. 247). 2. Sur ce personnage, chanoine de Soissons d'abord et plus tard de Reims, cf. Journaux du Trésor de Charles IV, p. 610, n. 4 et latin 9985 (Hccueil de titres du chapitre de Soissons, copiés par dom Mulcy), fol. 230, 238 et 242. C'était un spécialiste de la levée des régales. On le trouve opérant à ce titre dans les diocèses de Reims en 1298 (Mie/non, c. 227;, Beauvals en 1300-1301 fIb., c. 261, cf. Olim, III, 1, p. 137, n° XXXV), Trovtts en 1316-1317 {Mifjnon c. 213), Laon en iai7 (Ib., c. 243), Rouen en '1318-1319 fIb. c. 358 et Journaux du Trésor de Charles IV, c. 3562 et 7130), Paris en 1319-1320 (Mignon c. 193 ; cf. Rcgi.stre de recettes de 1.320-21, latin 9787 fol. 5, 21 v°, 48 v« et 68).En 1318-1319, il porte — avec Jean Guérin — le titre de regalialor generalis in régna Francie (Ib., c. 3548, cf. 3559). 3. Lève le cinquantième en Bretagne en 1296 (Mignon, c. 1304, cf. Compte du Trésor du Louvre de la Toussaint 129(i. Bibl. Kc. Ctmrtes, XLV, 1884, p. 252), le double centième dans le bailliage de Senlis en 1297 (Mignon, c. 1174), les décimes en Bretagne en 1300-1301 (Ib., c. 739). APPENDICE II 187 10. Guillaume le Cirior : de la Saint-Jean-Baptiste [29 août J 1320 au 15 février 11^21 (en Verinandois). Journaux du Trésor de Charles IV, c. 5851 ^ B. — Champagne. 11. Guillaume de Mussy, panetier du roi-: du 29 août 1298 au 11 nov. 1303 (porte le titre d'enquêteur). Mignon, p. xxvi et 1966. Lettres de commission : pièces justi- ficat. c. I et JJ. 38, fol. 67 (cf. ci-dessus, p. 76). 12. Maître .Jacques de Saint-Auhert ^ : nommé le 23 mars 1303 (porte le titre d'enquêteur). Lettre de commission : Pièces justificatives I. 13. Frère Raoul de Gisy * : nommé le 28 octobre 1303 (porte le titre d'enquêteur). Lettre de commission : .JJ. 38, fol. 67. 14. Jean Aupois : de Pâques [3 avril] 1306 à la Toussaint 1307 ; opère également « in Francia ■» ^. Mignon, p. xxvii et c. 1964. 1. Ajouter la mention de collecteurs des mainmortes sans doute dans le bail- liage de Senlis, arrêt du Parlement de la Saint Martin d'hiver 1289 (Delisle : Reconslitiiiion d'un volume des Olim dans Boutaric, Actes du Parlement I p. 424 n° 716 ; de collecteurs des mainmortes en Vermandois dans un arrêt du Parle- ment du 24 février 1318 (Guilhicrmoz, Enquêtes et Procès, p. 382, n" vi) et dans un mandement de Charles IV du 13 déc. 1322, JJ 61, fol. 197 ; de « (fentes nostre manuum mortuarum » dans le même bailliage, arrêt du Parlement du 3 décem- bre 1312, Olim, II, p. 556, n» ii. 2. Bailli de Troyes en 1290. Histor. de France, XXIV, p. 167*. D'après J. Bel- langer. Les baillis de Champagne, Revue de Champagne, fasc. 22 (1912), p. 301- 307, qui ne cite pas de références, aurait été de 1278 à 1279 bailli de iNIeaux-Pro- vins. 3. Chanoine de Tournai (Histor. de France, XXIV, p. 170). Lève la finance pour les nouveaux acquêts dans le bailhage de Chaumont en 1290 (Histor. de France, lac. cit.), 1292 et 1296 (?iHgnon, c. 1857), dans le bailliage de Gisors en 1296 (Ib., c. 1850), le centième, le cinquantième et les finances des fiefs dans le bailliage de Chaumont en 1297 (Ib., c. 1409), la décime dans les diocèses de Tours, Angers, le Mans en 13U1 (Ib.. c. 738), les finances pour Tost sur les non-nobles dans le bailliage de Vitry sans doute en 1302 (Ib., c. 1454), les voies pour l'ost dans les bailliages de Vermandois, Vitrj' et Chaumont en 1303 (c. 1435). Siège au Parlement le 14 janv. 1302 (Olim, 111,1, p.78,noxii) et après 1307 (Langlois, Textes, p. 179). Chargé en décembre 1300 de négocier avec les bourgeois de Toul, Kern, Acta Imperîi,n° 140 et 141. Son sceau, sur un acte du 2 avr. 1307, dans Demay, Inventaire des sceau.v de l'Artois et de la Picardie, in-4, 1877, n" 1937. 4. Templier, sergent, précepteur senible-t-il d'abord de Brie (JJ 38, fol. 67 et Schottmùller, Der Untergang des Tempelordens, II, in-8, Berlin, 1897, p. 191), puis — au moment du procès — de Belvicinis et Lagny-le-Sec), receveur pour le roi en Champagne du 28 octobre 1303 au moins au 15 sept. 1306 au moins (JJ 38, fol. 67 ; Mignon, c. 86 ; acte de « frères Raoul de Gisi et Pierre de Rougiau, rece- veurs en Champagne pour nostre seigneur le roi », du 15 sept, (jeudi après Exaltation de la Sainte Croix) 1306. Archives de Seine-et-Oise, série H, sous-fonds du Mont- Notre-Dame-les-Provins, dans le fonds de La Joie-Villiers). Interrogatoires : Michelet, Procès des Templiers (Documents inédits), I, p. 35, p. 82, p. 394 suiv. Témoignages à son sujet : Ibid., p. 254 et suiv. : Schottmiiller, toc. cit. ; H. Finke, Papslum und Untergang des Templerordcns. II, Munich, 1907, p. 335. Il renia l'ordre ou peu s'en fallut. Nous ignorons quel fut son sort. 5. Lève en 1313 la régale dans le diocèse de Soissons (^Ugnon, c. 248). 1»■ français 23256, fol. 1-3 (cf. Mignon, p. 27, n. 3). .Mention d'Adam Olivier au fol. 2 ^. D. — Bailliage de Provins. 26. Adam Ragot : en 1321. Compte d'un receveur des foires de Champagne : Longnon, Documents, III, p. 185 h. E. — Bailliage de Chawnont. 27. Cille le Gras, en 1317. Compte d'un receveur des foires de Champagne : Longnon, Documents, III, p. 157 l. * § 3. La comptabililé des collecteurs des mainmortes et formariages. Les comptes des collecteurs des mainmortes qu'un hasard favorable nous a conservés fournissent sur la perception des droits servîtes un 1. Lève les annales dans les diocèses de Reims, Châlons, Laon et Soissons en 1^00-1301 (Mignon, c. 483) ; paraît avoir été à un certain moment chargé de l'administration' financière de l'Hôtel. J. Viard, Journaux du Trésor de Philippe VI (Documents inédits), c. 41C3. 2. Lève la subvention pour l'ost dans le baillinj^e de Vitry en 1304 (Miijnon, c. 1537), la régale dans le diocèse de Cliàlons en 1312-1:513 '(Ib., c. 237). Chargé sous Philippe le Long d'une mission en Vermandois (Journaux du Trésor de Char- les IV, c. 82.54 ; cf. Sliynon. p. 362). 3. Gérard Gaite est également indiqué comme receveur de Champagne en 1310 par Mignon, c. 87. cf. c. 38. Sur ce personnage, cf. .Marcellin Boudet, Revue d'Au- verc/ne, XX, p. 390. 4. Mentions de collecteurs opérant en Champagne ou dans les bailliages cham- penois dans un jui-'ement du 10 mars i:,o:i ( lin^ 111 1 p. 84 n°xxvii : dans une liste (VArtiruli remis au Parlement en 1312 (ai)rès les octaves de Brandons : 20 mars) : X 1 a 3. fol. 86 V (deux mentions). 190 ROIS ET SERFS témoignage extrêmement utile ; mais leur interprétation est délicate et leur précision est sans doute moins parfaite qu'elle ne le paraît au premier coup d'œil. C'est qu'un premier coup d'd'il ne sufïit point. On ne saurait employer correctement des documents de cette sorte sans s'astreindre à établir d'abord les règles techniques qui en ont déterminé la forme. Problème ennuyeux et insigniliant en apparence ; en fait, problème important de critique des textes ^ Délégués directs du roi, les collecteurs des mainmortes, à l'origine, soumettaient directement les résultats financiers de leur gestion à la commission de la Cour royale chargée de la vérification générale des comptes : chambre aux deniers ^, plus tard chambre des comjAes. Cette pratique s'est maintenue longtemps. Pour chaque exercice, ils présen- taient la balance des recettes et des dépenses, Mais la durée des exer- cices eux-mêmes n'étaient pas fixe. C'était le cas-, à l'époque, pour tous les agents qui demeuraient en dehors de la comptabilité, beau- coup plus régulière, des baillis ou sénéchaux. Les écritures des collec- teurs étaient arrêtées en général à l'un des trois termes en usage : (Chandeleur, Ascension, Toussaint. Mais il arrivait qu'un compte arrêté à l'Ascension eût pour point de départ la Toussaint au lieu de la Chandeleur ^, un compte de la Toussaint la Chandeleur au lieu de l'Ascension^ . D'autres, indépendants le plus souvent des termes habituels, s'étendaient sur une année entière ^, sur plus d'un an ^, sur deux ans ' et plus ^, sur trois ans ^ et plus ^°, voire même sur cinq années ^^. La vérification ne se faisait pas simplement sur examen des pièces. Celles-ci devaient être présentées par les collecteurs eux-mêmes — ou du moins (puisqu'ils travaillaient deux par deux) par l'un d'entre eux. Le collecteur qui s'était ainsi rendu à Paris pro eundo ad compotos inscrivait ses frais de déplacement parmi les dépenses de l'exercice suivant ^^. Pour l'établissement de la balance des recettes et des dépenses et l'apurement par les gens des comptes, deux méthodes ont successive- ment été employées. De la première, nous n'avons d'autre témoignage que le plus ancien 1. J'ai dans celle étude eu pour fiuidc le livre précieux de M. Borrelli de Serres, Recherches sur dincrs serviccH i)iiblics. On n"en saurait penser Iroj) de bien, et il est difficile de ne pas en penser un peu de mal. Pourquoi faut-il qu'un tel niépi'is expensarum... iibi sigixaniiir uliqiia nxii- jjeranda o. 4. Mignon donne aux c. 1909 et 1970 les noms de quatre collecteurs en exercice en 1:^10-1314 : mais il n'avait pas eu entre les mains de com])tes i)rovenant d'eux. Comment connaissait-il leurs noms ? Four deux au moins d'entre eux, il It- dit nettement : c'était par un compte du bailliage de Vilry. Pour les deux autres, il ne s'explique pas : c'était soit par la même sourc?, soit peut-être par un ûj ces Journaux de la Chambre (contenant des commissions d'ofTiciers rovaux) qu'il cite quelquefois. 13 194 HOIS ET SERFS sources, — il y a plus, nous savons par Mignon lui-même — que l'ac- tivité des collecteurs n'a pas pris fin à cette date. Du moment où nous n'avons plus l'Inventaire pour guide, nous les suivons moins bien. Nous les suivons néanmoins. D'où vient que les archives recensées par ^Mignon ne renfermaient point de comptes de droits serviles pos- térieurs à 1307 ? O petit problème mérite une réponse. L'étude de la méthode employée aux différentes époques par les collecteurs pour opérer leurs versements au Trésor, nous en donnera la clef. De même qu'ils remettaient leurs bilans directement à la Chambre des comptes, de même à l'origine les collecteurs des mainmortes et formariages envoyaient sans intermédiaire au Trésor royal le produit net de leurs perceptions. Le Temple de Paris était alors chargé du service de la Trésorerie. C'est au Temple que les « deniers «étaient portés. Tel fut le cas jusqu'au terme de la Chandeleur 1285 ^. Ces transports de numéraire, qui se faisaient à dos de cheval, étaient incommodes et dispendieux. On s'avisa bientôt d'un procédé plus simple. Les collecteurs continuèrent à soumettre leurs écritures aux gens du roi, à Paris. Mais ils versèrent désormais les sommes qu'ils avaient recueillies dans des caisses régionales ; ce furent pour les collec- teurs travaillant dans les bailliages du Nord tantôt la caisse du bailliage de Sentis, tantôt celle du bailliage de Vermandois, pour les collecteurs de Champagne, quand ils furent institués, celle du receveur du comté. Nous possédons encore les sections finales de cinq comptes de collec- teurs de cette époque : le premier date de la Toussaint 1285, le plus récent de l'Ascension 1294 ^ ; ils se terminent par la formule, ajoutée semble-t-il par un clerc de la Chambre : débet [ici le produit net total] in debitis super Silvan[ectum] ou super Virom[andiam]. Il faut traduire « il doit tant, somme à inscrire parmi les créances du Trésor sur [le bailli de] Sentis, ou du Vermandois. » De son côté évidemment le bailli portait en recettes la somme que lui remettait le collecteur et la com- prenait dans son versement général au Trésor. Le système était ingé- nieux. Il plut et dura, non toutefois sans que l'on n'y fît, par ci par là, quelques accrocs. En matière d'administration, au moyen âge, il est 1. C. 1 premier fragment « somme de cest conte mise au Temple -^7i Ibr. » ; deu- xième fragment « somme pour cueillir les esplez de termes que li deniers estoient deuz et por porter les deniers a Temple c et vu s. » ; c. 2 « pro equis locatis qui ajjortaverunt pecuniam ad Templum : xvi s. viii d. » et « pro frecto monete paga- menti compoti Ascensionis supadicte xiiij s. » .Ce dernier compte est de la Toussaint 1*285 ; mais la dépense pour transport de numéraire se rapijorte au règlement de l'exercice précédent, c'est-à-dire du terme de la Chandeleur 1285. 2. C. 2, 4, 5, 7, 8 ; cf. c. 11 et Mif/nnn, c. 1954, 1955, 1959, 196P. Le cas de Cuillaume de Mussy, tel qu'il apparaît dans ce dernier §, est curieux. Les rece- veurs de Champagne firent en son nom un versement trop considérable. Ai;rès examen de son com|)te, la Chambre reconnut que le roi lui redevait une somme assez forte ; elle ne lui fut pas rendue en espèces ; mais il reçut l'autorisation de se payer lui-même sur les perceptions des exercices suivants. Voir à la note suivante le cas analogue > ^ habitant Pertois, pour 6 1. vidimus par Louis X : G. S. 7. s. d. (3 juillet 1315-5 juin 1316) i. Afïr. de Jean, fils d'Oudart Frommunf, de Bruyères, pour 32 1. vidimus par Louis X : G. S. 8. s. d. (3 juillet 1315-5 juin 1316) ^ Affr. de Jean li Fevres, de Cor- beny et sa femme, bâtards, pour 40 s. vidimus par Louis X : G. S. 9. s. d. (3 juillet 1315-5 juin 1316) \ Affr. d'Oudart Poiles, de Bruyè- res, pour 40 1. vidimus par Louis X : G. S. 10. s. d. (3 juillet 1315-5 juin 1316) \ AlTr. de Thierri de Montaigu, pour 80 1. vidimus par Louis -X : G. S. 11. 1316 (corr. pour 1315) 2 juillet, Soissons. Alîr. de Colin de Bapaume et sa femme, aubains, habitant Soissons. vidimus par Philippe V, janvier 1317, Paris : JJ 53, fol. 10 v». 12. 1316 2 sept., Soissons. Aiïr. d'Isabelle de Chazelles, bâtarde, femme d'Ilèliot de Reims, habitant Soissons. vidimus par Philippe V, déc. 1316, Vincennes : JJ 54 «, fol. 29 v» ; éd. ci-dessous, pièces justifie. IV. 1. Terminus a qiio : la date de la ktlre de commission ; — ad quem : mort de Louis X. 2. C'est-à-dire aubains ? ai'I'ENDicl: m 199 13. s. d. (3 juilkL 1315-31 mai 1317) •. AlTr. (rKlicnno Ayraul, bâtard, de Soissons, vidimus par Philippe V, mai 1317, Paris, analysé : .IJ 53, fol. 11. 14. s. d. (3. juillet 1315-30 juin 1317) ^ .\lTr. de Jean de Douai, aubain, habitant Soissons. vidimus par Philippe V, juin 1317, Livry in Alneto, analysé : J.J 53, fol. 11. B. — Anseau de Moriexval et Nicolas de Braye a) Serfs royaux et confirmations d'affranchissements seigneuriaux. 15. 1318 février. Confirmation d'un afîr. accordé à Drouard dit de Pierrefonds, habitant Compiègne, par le prieur de Saint-Sulpice de Pierrefonds '^. vidimus par Philippe V, juin 1318, Paris : JJ 56, fol. 189. 16. 1318 février. Affr. d'Aveline dite de Jaulzy, et ses enfants, habi- tant Croutoy, pour 9 1., d'un autre serf de Croutoy, d'une serve de Saint-Etienne et ses enfants, pour 60 s., d'un serf de Covecloi, pour 16 s. vidinjus par Philippe V, août 1319, Compiègne : JJ 59, fol. 127 v^. 17. 1318 mars. Aiïr. de Jean le Bourgeois de Queue. vidimus par Philippe VI, juillet 1318, Paris au Louvre : JJ 65, fol. 153. 18. 1318 mai. Affr. de Jean Baupignie et de sept autres serfs ou serves (quelques-uns avec des enfants), tous habitant Faverolles, pour les prix de 40 s., 48 s., 10 s., 40 s., 20 s., 16 s., 8 s., 20 s. vidimus par Philippe V, mai 1318, Paris : J.i 56, fol. 112 et Livre rouge de la Chambre des Comptes. Langlois. Registres perdus, p. 376, c. 1064. 19. s. d. (23 janv.-31 déc. 1318) ^. Affr. de Pétronille la .Alacharde et ses enfants, de Longavesnes. vidimus par Philippe V, déc. 1318 : analysé : JJ 56, fol. 189. 1. Terminus a qiio : la dale de la lettre de commission ; — ad quem, la date du vidimus. 2. Dans cet alTranchissement, la lettre de commission est par une erreur du copiste datée du 3 juillet 1317. 3. Date établie comme ci-dessus, n. 1. Peut-être cet acte, simplement résumé par le registre, est-il, comme celui pour Drouard (c. 15), à qui il fait suite, une simple confirmation d'alîranchissemcnt seigneurial. 200 ROIS ET SERFS b) Serfs communs au roi et à l'abbaye Saint-Corneille de Compièqne. 20. 1318 mars. AtTr. d'Emmeline la Vilaine, un sorf, une serve avec ses enfants, un serf avec ses sœurs, tous habitant (louloisy, pour 6 1., 6 1., 6 1. et 40 s. vidimus par Philippe V, 1318, mars-22 avril. (1317 s. a.) Paris : JJ 56, fol. 98. 21. 1318 mars. AfFr. de Beaudoin Bcdier, sa femme et leurs enfants et de six autres serfs ou serves avec leurs enfants, tous habitant Jaulzy, pour 60 s., 6 1., 7 1., 6 1., 6 I., 60 s. et 60 s. vidimus par Philippe V, 1318, Paris .JJ. 56 fol. 208 v». 22. s. d. (23 janv.-22 avril 1318). Affr. d'Isabelle la Vilaine de Cou- loisy et ses enfants, pour 48 1. vidimus par Philippe V, 1318, 23 janvier-22 avril. (1317 a. s.), analysé : J.J 56 fol. 98 v^. c) Serfs communs au roi et à l'abbaye Saint-Crcpin le Grand de Soissons. Actes contenus dans un même vidimus par Philippe V. juillet 1319, abbaye de Longpont : JJ 59, fol. 85 vo. 23. 1318 6 mai. Afïr. de Jean et Etienne, fils de Jean le Mestre de Couloisy, pour 24 1. et d'une serve de Caumet, pour 10 s. 24. 1318 10 mai. AiTr. de Pierre Patin, sa femme et leurs enfants,, pour 40 s., d'une serve, pour 10 s., d'un serf, pour 5 s. 25. 1318 10 mai. Afïr. de Pierre Volée, sa femme et leurs enfants pour 12 s., d'un serf, pour 8 s., d'un autre serf, pour 12 s., — tous les affran- chis habitant Croutoy. 26. 1318 10 mai. Afïr. d'Adam de Tanières et ses enfants, pour 50 s» 27. 1318 12 mai. Affr. de Gillette la Faviere, pour 10 s. 28. 1318 17 mai. Affr. de Jean Amiraut et sa femme, pour 20 s. APPENDICE IV LE PAPE ALEXANDRE III ET L ABOLITION DU SERVAGE Le roi Louis X n'est pas le seul personnage A c[ui l'histoire tradi- tionnelle ait attribué un rôle important dans l'abolition du servage. Aux yeux de certains écrivains, aujourd'hui tin peu démodés, le pape Alexandre III (1159-1181) a passé pour s'être prononcé, avec autorité, en faveur de la liberté ; que dis-je ? pour avoir « dirigé l'émancipation » : ainsi s'exprimait Dareste de la Chavanne ^. Cette opinion repose, semble-t-il, sur deux textes, dont aucun ne l'appuie ])ieii solidement. Je vais les étudier brièvement. Bien souvent les légendes historiques n'ont la vie dure que. parce que les érudits qui en ont reconnu la fausseté se contentent de les passer sous silence, sans les réfuter expressément. Mais ne vaut-il pas mieux épargner aux autres les recherches, parfois longues et fastidieuses, auxquelles on a dû se condamner soi-même ? Ouvrons VEssai sur les Mœurs au chapitre lxxxiii. Nous y lirons ceci : « En 1167 le pape Alexandre III déclare, au nom du concile, » que tous les chrétiens devaient être exempts de la servitude ». Cette loi seule doit rendre sa mémoire chère à tous les peuples ^ », A quels faits songeait Voltaire ? Il n'y a pas eu d'assemblée conci- liaire en 1167. En revanche, en 1179, Alexandre III réunit au Latran un concile général. Nous en possédons les décisions. L'une d'elles interdit aux Juifs et aux Sarrasins d'employer des serviteurs chrétiens : (( Christiana mancipia », est-il écrit dans le texte ^ ; je crois qu'il faut traduire par serviteurs plutôt que par esclaves. Le concile n'innovait 1. Histoire des classes aaricuies en France depuis saint Louis ius({u'('i Louis XVI, 1854, p. 76 ; cf. p. 74. Pour des raisons qui nrécha])ponl. Dareste associait à Alexandre III Adrien IV. Cf. A. A. ^Nlonteil, Histoire des Français des diners états,. 4<" éd., I, in-l'i, l.S5."i, notes p. 81 : et surtout P. Viollet, Histoire des institutions, politiques et adminislratires de la Frcuice. III. p. 3, n. 4. 2. Ed. Garnier, XII, p. (18. Cf., toujours dans VFssai sur les .Mœurs, au cha- pitre cxcvii, intitulé Résumé de cette histoire, XIII, |). 177. ,3. Mansi, Concilia, XXII, j). 232, c. 26 : <• Judiei sive Sarraceni ne sub alendoruni puerorum obtentu. ncc pro servitio, nec alia ([ualibet causa Christiana mancipia. in doniibus suis permittantur habere. » 202 ROIS ET SERFS pas ; il rappelait une vieille règle du droit canon, donl le seul objet était d'éviter à d'humbles fidèles une occasion d'apostasie ^. Il cher- chait à protéger contre elles-mêmes cpielques âmes faibles, qu'eût pu mettre en danger l'influence de maîtres juifs ou musulmans ; il ne se préoccupa pas un instant des intérêts matériels des innombrables serfs (jui obéissaient à des seigneurs chrétiens. Voltaire a certainement connu, de seconde main, le décret du concile, qu'il a mal daté et mal compris 2. A-t-il eu également connaissance du second texte que je vais citer ? Je ne sais. Mais un historien plus récent et mieux informé, ]\I. Paul Viollet, a invoqué ce texte. Il faut donc le discuter. On doit à Raoul (ou Ralph) de Diccto — la forme exacte du nom ne nous est pas connue — qui fut doyen de Saint-Paul de Londres, de 1180 à 1202 environ, divers ouvrages historiques, et, en toute première ligne, une très précieuse '^-hronique, intitulée : Ymagines historianim^. Prêtre séculier, Raoul aimait peu la « cuculle noire » des fils de Saint Benoît. En particulier, les moines de Saint-Augustin de Canterbury lui semblaient élever trop souvent des prétentions insupportables. En deux endroits de ses Ymagines, il se laissa aller à s'exprimer sur ce point en termes d'ailleurs modérés (si on les compare à tant d'autres diatribes), mais fort nets. Ces appréciations, désobligeantes pour une puissante abbaye, ne pouvaient plaire à tout le monde. Sur un des meilleurs manuscrits de son œuvre on les trouve grattées. Mais le blanc ainsi obtenu eût paru suspect ; il fallait le remplir. C'est ce que comprit le personnage médiocrement scrupuleux qui défendait de son canif l'honneur de l'institution bénédictine ; confiant, peut-être à juste titre, dans la négligence des lecteurs et leur manque de sens critique, il se contenta de transcrire à la place des passages effacés deux fragments d'un même document qui par hasard se rencontra sous sa main, et qui n'avait aucune espèce de lien avec le récit dans lequel, à deux reprises, par lambeaux, il venait s'insérer ^. 1. Il suffira de renvoyer sur ce point au t. VI du Livre V des Décrétales de Gré- goire IX : De JudH'is, Sarracenis et eoriim servis. 2. Naturellement l'erreur peut provenir de sa source, que je n'ai pas retrouvée. 3. Va\. Stubbs, The hislorical ivorks oj masler Ralph de Dieeto (Chronicles and Memorials 0/ Great Britain and Ireland). 2 v. Londres, LS76. 4. Ed. Stubbs, 1, p. 390 (cf. p. 389, n. 1) et p. J29 ; et Pvéjaee, p. xcv. Je nie sépare de Stubbs sur deux points : 1° 11 n"a pas reconnu que les deux fragments étaient tous deux détachés d'une même lettre (qui n'est pas complète) ; cela me semble pourtant hors de doute. Le fragment donné à la p. 390 et plus particulièrement la l>hrase relative à la liberté qui y est contenue forment un préambule tout naturel au fragment de la p. 429. Le scribe, la première fois, a transcrit en eiitirr l'adresse et le salut ; la seconde fois, il s'est borné à une transcription partielle à titre de rappel ; — 2° Stubbs a constaté que les inter])olations sont de la même écriture -: on se demande en quoi une pareille nouvelle eût pu intéresser un Musulman d'Espagne ! 2. Ed. Stubbs, I, p. 390. « Cum autem omnes libères natura creasset, nullus conditione naturae fuit subditus servituti ». 3. Chap. cxcvr., t. XIII. p. 177. Voltaire inyoque d'ailleurs diverses raisons à rapj)ui de ce panégyrique d'Alexandre III ; mais, en tout premier lieu, son amour de la liberté. PIÈGES JUSTIFICATIVES I Philippe IV nomme maître Jacques de Saint-Aubert, et Guillaume de Mussi, son panetier, enquêteurs des droits recelés et usurpés dans le comté de Champagne et Brie : Paris, 23 mars 1303 (samedi après Laelare, 1302 a. s.). Lettre de commission reproduite dans un acte de Guillaume de Mussi du 18 juillet (^t jeudi deucmt la feste de la Magdelaine^^), 1303, acte lui- même reproduit dans un vidimus de Philippe IV, Paris, février 1306 (1305a.s.): JJ38, fol.67vo. Philippus, Dei gracia Francorum rex, dilectis magistro Jacobo de Sancto Alberto, clerico, et Guillelmo de Mussiaco, panetario nostro, salutem et dilectionem. Cum in comitatu Campanie et Brie, plura in juridicionibus, manibus mortuis, hominibus, redditibus, et rébus aliis existentibus in jure, nostri et carissime consortis nostre J[ohanne], Dei gracia Francorum et Navarre regine, ac comitisse Campanie et Brie palatine, [in] prejudicium, occupata, celata, usurpata ac modis aliis defraudata dicantur, vobis, tenore presencium, auctoritate regia committimus, mandamus quatinus super premissis vos diligenter informetis et, ubi expediens videritis, vocatis quorum interest, veri- tatem diligencius incpiiratis et quic([uid indel)ile super premissis occupata, celata, usurpata, aut quomodolibet defraudata repereritis, in premissis ad manum nostram, mediante juslicia, retrahalis ; vel, si expediens videritis, predictorum occupatores vel aliter detentores ad composicionem ut videritis admittatis, usurpatores, celatores, defraudatores hujusmodi débite puniendo. Sane, cum nonnulli ofTi- ciales et justiciarii nostri ac diversi ministri, viribus juridicionis seu auctoritatis nostre, in predictis partibus et vicinis, concussiones et excessus diversos, pretextu officii sui, in prejudicium subjectorum nostrorum perpétrasse dicantur, vobis et veslrum cuilibet comniitimus 206 ROIS ET SERFS et mandamus qualinus super hiis veritatcin, vocatis evocandis, dili- gencius perquirentes, quos culpal)iles rcpereritis animaversacione débita punire curetis et dampnum passis, maxime ecclesiis, dampna sibi illata restitui faciatis. Actum Parisius, sabbato post Letare .lehrusalem, anno Domini ]\ICCC° secundo. II Louis X commissionne Philippe le Convers et Michel Mauconduit pour alTranchir les serfs royaux du bailliage de Yermandois : Paris, 3 juillet 1315. Commission reproduite dans les alfranehissements cilés à VApp. III, numéros 1, 2, 11, 12 ; éditée dans ce dernier document ci-dessous, Pièces justif. n" IV. III Philippe le Convers et Michel Mauconduit, chanoines de Paris et clercs du roi de France, en vertu des pouvoirs qui leur avaient été conférés, affranchissent Isabelle de Chazelles, femme d'Héliot de Reims : Soissons, 2 septembre 1316. V. ci-dessous. Pièces justificat. n» iv. IV Philippe V confirme l'affranchissement accordé par Philippe le Convers et Michel Mauconduit à Isabelle de Chazelles, femme d'Héliot de Reims : Yincennes, décembre 1316. J.J 54^ , fol. 29 yo. Philippus Dei gracia Francorum et Navarre rex. Notum facimus universis presentibus et futuris nos quasdam vidisse litteras sigillis dilectorum et fidelium magistrorum Philippi Conversi et Michael Mau- conduit canonicorum Parisiensium, clericorum nostroruin, prout prima facie apparebat, sigillatas, quarum ténor sequitur in hec verba : Universis présentes litteras inspecturis Philippus Conversi et Michael Mauconduit canonici Parisienses ac domini régis Francorum clerici salutem. Notum facimus nos dicti domini régis litteras recipisse teno- rem qui sequitur continentes : Loys par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre a noz amez et feauz mestre Philippe le Couvert et mestre Michiel Mauconduit salut et dilection. (^omme selonc le droit de nature chascun doie nestre franc et par aucuns usages ou coustumes qui de grant ancienneté ont esté encredités et gardées jusques ci en nostre reaume, et par aventure par le mesfait de leurs prédécesseurs moult de personnes de nostre PIÈCES JUSTIFICATIVES 207 coninuiii puopk' suiont eucheiies on lyans de scrviLutes et de diverses condicions, qui moult nous desplet, nous, considérons que nostrereaume est dit et nommé le royaume des Frans et volans que la chose en vérité soit accordans ou non et que la condicion des gens amendé de nous en. la venue de nostre nouvel gouvernement, par la deliberacion de nostre grant conseil avons ordené et ordenons que generaument par tout nostre roaume de tant comme il puet touchier a nous et a nos successeurs teles servitutes soient ramenées a franchise [et] ^ a tous cens qui de orine ou ancienneté ou de nouvel par mariage ou par résidence de lieus- de serve condicion sont encheus ou pourroient encheoir en lyan de servitute franchise soit donnée o bonnes et convenables condicions ; et pour ce especialment que nostre commun pueple (qui) ^ par les collecteurs, serjans et autres ofTiciaus qui ou temps passé ont esté députez sus le fait des mains mortes et formariages ne soient plus grevés ne domagiés pour ces choses si comme il ont esté jusques ci, la quele chose nous desplest ; et pour ce que les autres segneurs qui ont hommes de corps prengnet esemple a nous de eus remener a franchise, nous, qui de vostre loyauté et approuvée discrettion nous fions tout a plain, vous com- mettons et mandons par la teneur de ces lettres que vous alliez en la ballie de Vermendois et es ressers d'icele, et a tous les lieus, villes, com- munautez ou personnes singuleres qui la dite franchise vous requierront traitiez ou accordés a eus de certaines composicions par les queles soulfisant recompensacion nous soit faites des emolumens qui des dites servitutez pouoient avenir a nous et a nos successeurs et a eus donnée de tant comme il pueut touchier nous et nos successeurs gênerai et perpétuel franchise en la manière qui dessus est dit et selon ce que plus plainement le vous avons dit, desclairé et commis^ de bouche ; et vous promettons en bone foy que nous pour nous et nos successeurs râte- llerons et approuverons, tendrons et ferons tenir et garder tout ce que vous ferés et accorderez sus les choses dessus dites et les lettres que vous donrés sur vos traitiés, composicions, accors de franchise as villes, lieus, communautés ou personnes singuleres nous les agréons desoren- droit et leur en donrons les nostres sur ce toutes fois que nous en serons requis et donnons en mandement a tous nos justiciers et subjez que en toutes ces choses il obéissent a vous et entendent diligaument. Donné a Paris le tiers jour de jullet Tan de grâce mil trois cens et quinze. Ad nos igitur accedens Ysabellis de Chazeles, uxor Helyoti de Remis, apud Suessionem commorans, femina régis de manumortua et foris- maritagio pro eo quod non fuerat in legitimo matrimonio procreata, 1. Je rétablis ce mol, omis par le compilateur du registre JJ 54 b, d'après les autres textes de la lettre de commission. 2. Le mot qui, inutile au sens, paraît avoir été ajouté à tort par le scribe qui transcrivit la lettre de commission originale ; il se retrouve dans toutes les copies. 3. Je rétablis ce mot peu lisible d'après les autres textes et notamment le texte excellent JJ 5G, fol. 208 v°. 208 ROIS ET SERFS piout ipsa coram nobis personaliter constituta asseruil, iioljis huniiliter supplicavit ut supor preniissis vellonius aucloritate predicta nobis rominissa eidem franchisiain seu libertateni perpetuam pro se et suis liberis procreatis seu eciam in thoro légitime et ventre libero impos- terum procreandis impartiri: quapropter juxta nostrc predictc commis- sionis tenorem do suis facultatil)us el bonis omnibus inquisivinuis dili- genter, et de jure et eniolumento omnibus que racione condicionis ipsius domino régi et suis successoribus ex eisdem poterant obvenire; receptaque per nos sufficienti recompensacione jurium et emolumen- torum omnium premissorum pensatisque premissis omnibus et sin- gulis ac deliberacione super bec babita diligenti, nos, considérantes ac eciam attendentes votum generosum dicti domini régis qui, nostri redemptoris exemple qui ad boc propicialus humanam voluit carnem assumere ut divinitatis sue gracia dirrupto quo tenebamur captivi vinculo servitutis nos pristine restitueret libertati, omnes sibi subditos quos clemencia divina subjecit qui quomodolibet sibi sunt jugo servi- tutis astricti ad statum pristinum libertatis qua nos omnes liberos a principio natura creavit affectât reduci, huiusque rei consideracione promoti, prefata auctoritate nobis commissa eidem francbisiam seu libertateni perpetuam concessimus ac eciam concedimus per présentes, ipsam ejusque prefatos liberos et beredes in recta linea descendentes ex bac die a dictis servitutis vinculis penitus libérantes, salvo in aliis jure regio et in omnibus quolibet alieno. In cujus rei testimonium sigilla nostra quibus communiter utimur presentibus litteris sunt appensa. Actum Suessionis II''' die septembris anno Domini M^ CCC^ sextode- cimo. Nos autem premissa omnia et singula in suprascriptis contenta litteris- rata habentes et grata, ea volumus, laudamus, approbamus et auctoritate regia tenore presencium coniirmamus, salvo tamen in aliis jure nostro et quolibet in omnibus alieno. Quod ut firmumet stabile permaneat in futurum, presentibus litteris nostrum fecimus apponi sigillum. Actum apud Vicennas anno Domini millesimo trecentesimo sexto decimo mense decembri. Per dominos Philippum Conversi et .Micbael Mauconduit. J. de Templo. V Philippe V nomme un certain Philippe sergent des mainmortes, en remplacement de Gobert Croquet : 17 février |1.'317]. Commission analysée dans le relevé des lellres délivéres sous sceau de cire blanche du temps du chancelier Pierre de Chappes : JJ 54 ^ , fol. 7. i'ir:(:i:s .justikicativics 200 llciiilMiili|)|)usconsliluliiscsl sorvit-ns ad fompcHîniduiii ([uîiscuikiuc pcrsonaspro manibus mortuis, forismaritagiis et cxpavis et ad facienda cetera que incumbunt, et ad ponendum alios seivientes, de quibus lamen respondere tenebitur ; et per présentes revoeatus est (iobertus Croquet qui alias ad preinissa fuerat deputalus. Datum XVII» die februarii, aniio quo supra. Per dominum regeni, ad relaeioneni doinini de Anis[iac()J. Philippe V donne au doyen de Saint-Gerniain-rAuxerrois et à maître Nicolas de Brave, chanoine de Tournai, ses clercs, pleins pouvoirs pour procéder dans le bailliage de Senlis à l'artranchissement des serfs dont la possession est partagée entre le roi et certaines églises : Paris, 23 jan- vier 1318 (1317 a. s.). Commission reproduite dans les actes d'affranclussement cités à i Ap- pendice IV, numéros 20, 21, 23, 24, 25, 26, 27, 28 i. Philippus, Dei gracia Francorum et Navarre rex, dilectis decano sancti Germani Autissiodorensis parisiensis et magistro Nicholao de Brava canonico tornacensi, clericis nostris, salutem. Cum in ballivia Silvanectensi et ejus ressorto plures esse dicantur homines et femine, quorum eciam pars ad nos et due partes ad plures ecclesias et personas ecclesiasticas pertinere noscuntur, nos tractandi cum hominibus et feminis ipsis super manumissionibus, libertatibus et franchisiis eisdem suisque heredibus et successoribus concedendis et dandis, componendi, transigendi, finandi et financias recipiendi ab eis et eorum singulis pro predictis, — tractandi eciam, componendi, transigendi et finandi cum personis ecclesiasticis quibuscunque que nobiscum communicant et participant in hominibus et feminis predictis pro et de parte, por- cione, et rata personas ecclesiasticas contingentibus, partemque, por- cionem et ratam ipsas ecclesias et personas contingentes eisdem deli- berandi et deliberari faciendi, — et omnia et singula que circa hec pre- missa facienda fuerint faciendi, vobis, de quibus plene confidimus, plenam et liberam, tenore presencium, concedimus et committimus potestatem. Datum Parisius die XXIir^ januarii, anno Domini millésime tre- centesimo decimo seplimo. 1. Les (Uvrrs (cxles présentent des variantes orlliotjraphù/ues, d'ailteurs insinni fiantes. Je sais ici le texte de iafjr. 23. . 14 210 ROIS ET SEHFS VII Philippe V nomme Mugue de Serqueux et Oudart Maquart de IMareuil eoUectem's des mainmortes et formariages dans le comté de (".hamj)agne : Paris, 22 mars 1318 (1317 a. s.). Commission reproduite dans un acte de Oudart Maquart du 1^"" mai (S. S. Philippe et Jacques) 1319, reprodnil lui-mfmc dans un vidimus de Charles IV, Paris, janvier 1326 (1325 a. s.). Philippus, Dei gracia Francorum et N"avarre rex, universis présentes •litl'jras inspecturis salntem. Xotum facimus quod nos dilectos nostros Hugonem de Sarquex et Oudardum dictum Maquart de Marolio et eorum quemlibet constituimus collectores manuum mortuarum, foris- marilagiorum hominum et feminarum nostrorum, alhenarum, bastar- dorum, expaveorum in toto comitatu nostro Campanie ; insuper et recpiisitores omnium bonorumconcelatorum a quibuscumque teneantur, dantes et concedentes eisdem vel eorum alteri plenariam potestatem et mandatum spéciale premissa omnia agendi et prosequendi pro nobis née non levandi et percepiendi exitus premissorum, et exhibendi omnibus quibus intererit céleris justicie complementum, composiciones et financias super hoc recipiendi et omnia alla et singula faciendi que circa premissa necessaria fuerint, seu eciam oportuna, ita tamen quod (juicquid unus ipsorum inceperit, alter prosequi valeat in premissis ; dantes omnibus justiciariis nostris et subditis in mandatis ceterosque rogantes\{uod in premissis et ea tangentibus diclis Hugoni et Oudardo, vel eorum alteri, seu deputatis ab eisdem, vel eorum altero,tanquam nobis elTicaciter pareant et intendant. Datum Parisius die XXII'^ marcii, anno Domini IVI CCX^ decimo septimo. ADDITIONS ET RECTIFICATrONS Page 23, n. 2. — Sur l'emploi du mot homme lige désignant un serf, voir aussi P. Guilhiermoz, Essai sur les origines de la noblesse en France au moyen-âge. Page 326, n. 9. — H. Pirenne, Qu'est-ce qu'un homme lige ? Académie royale de Belgique, Bulletin de la classe des lettres, 1909, p. 51 et D. Zegliu, Der homo ligius und die franzosische Ministerialilùt (Leipziger Histor. Abhandl. XXXIX). Leipzig, 1914, p. 21-24. La théorie soutenue par M, Pirenne sur le sens primitif du mot ne me paraît pas devoir être acceptée. INDEX GKOGRAPHIOUE Les noms de lieux qui n'apparaissent que dans un nom de personne (ex. : Ilicliard (le Vi'iberie, Etienne de Siiisi) ne figurent pas dans cet index. Abr(''\ iation : alTr. ::= aflFrancliissemcnt. Abox VILLE, comm. Levesville-la- Chenard, Eure-et-Loir, cant. Jan- ville : révolte, p. 56 ; — afTr., p. 57. Aciacum, p. 191, n. 2, v. Acy (identi- fication probable). Acy. Aisne, cant. Braisne : afïr'., p. 179 n. 6 ; — mentionné p. 191 n. 2 (cf. Aciacum). Agen, Lot-et-Garonne : commis- saires aux aft'r. dans la sénéchaus- sée, p. 108-113. Ailles. Aisne, cant. Craonne : afîr.. p. 179. AizELLES, Aisne, cant. Craonne : affr., p. 179. AiZY, Aisne, cant. Yailly : com- mune, p. 30 n. 3. Albi, Tarn, sénéchaussée : enquê- teurs, p. 101 ; affr., p. 102-106 ; commissaires aux afTr., p. 108- 113: sénéchal, p. 108 n. 1 et p. 110. Albigeois, v. Albi. Allemagne : p. 138. Amiens, Somme : impôts dans le bailliage, p. 185 n. 2. Angers, Maine-et-Loire : diocèse, p. 187 n. 3. Antony, Seine, cant. Sceaux : afîr., p. 67. Aquit.\ine : p. 51. Arcueil, coinuL Arcueil-Cachan, Seine, cant. Villejuif : afTr., p. 61 et 65 n. 2. Arcy-Sainte-Restitue, Aisne, cant Oulchy-le-Clîâteau : afTr., p. 179 n. 6. Armancourt, Oise, cant. Estrées- Saint-Denis : afTr., p. 62 n. 2 et p. 179. AsNiÈRES, Seine, arr. Saint-Denis : affr., p. 68: Athis, comm. Athis-]\lons, Seine-et- Oise, cant. Longjumeau : afîr., p. 67 ; — convention, p. 165. Alteuil, comm. rattachée à Paris : afîr., p. 67. Autrefontaine, p. 179 n. ?, v. Haute- fontaine. AuTUN, Saône-et-Loire : diocèse, p. 109. Auvergne, bailliage : impôts, p. 186 n. 1. AuxERRE, Yonne : abbaye Saint- Germain, p. 155 n. 3 ; — chapitre, p. 155 n. 3 ; — évêque, p. 150. Bagneux, Seine, cant. Sceaux : afîr. par X.-D. de Paris, p. 68 ; — par Sainte-Geneviève, p. 67. Be.\ucaire, Gard, arr. Nîmes : com- missaires aux afîr. dans la séné- chaussée, p. 108-113. Beauce : p. 56, 61, 69 n. 1. Beaumont en Lorr.mne, peut-être Beaumont, Meurthe - et - IVloselle, cant. Domèvre-en-Haye : p. 82. Be.\uvais, Oise : diocèse, p. 186 n. 2. Beauvaisis : p. 32 et 50 n. 1. 212 INDEX GEOGRAPHIQUE Seloicinis, coiiiinanderic du Temple: p. 187 n. 4. Bérogne, connu. Chellcs. Oise, cant. Attidiy : affr., p. 179. Beriiy : coutume, p. 81 n. 1 ; ^ — - villes, p. 02. Ber2y-le-Sec, Aisne, cant. Sois- sons : p. 82. Bestisiaci, p. 82 n. 1, v. Béthisy. Béthancourt, Oise, cant. Crépy- en-Valois : p. 82. Béthisy-Saint-Martin, Oise, cant. Crépy- en -Valois, ou Béthisy - Saint -Pierre, même départ., même cant. : prévôté, p. 82 n. 1 ; — mentionné p. 154 n. 2. Béziers, Hérault : évèque, p. 109. Blanzy -les- Fismes, Aisne, cant. Brïïine : afïr., p. 179. BijOis, Loir-et-Cher : p. 73. Boissy-Saint-Léger, Seine-et-Oise, arr. Corbeil : afTr.. p. 68. Boisville-la-Saint-Père, Eure-et- Loir, cant. Voves : révolte, p. 56 ; — aiïr. p. 57. Bonneval. Eure-et-Loir, arr. Châ- teaudun : abbaye Saint-Florentin, p. 42 n. 1. BoNRu, comm. Montigny-Lengrain, Aisne, cant. Vie-sur- Aisne : affr., p. 179. BoNV, Aisne, cant. le Catelet : affr. d'un serf, p. 156 n. 2 et 168 n. 7. Bordelais : serfs, p. 23 n. 2 et p. 101 n. 1. BoucoN VILLE, Aisne, cant. Craonne : afÎT., p. 179. BouLBONNE, comm. Cintegabelle, Haute-Garonne, arr. Muret : ab- baye, p. 108. Bourg-la-Reine, Seine, cant. Sceaux : affr., p. 67. Bourges, Cher : acte abolissant la mainmorte, p. 40 n. 1, 52 à 55, 60, î^5 ; — compte du bailliage, p. 37 n. 1 ; — septaine, p. 55 et n. 1. Bourgogne : ducs, p. 93 n. 1 ; — - serfs, p. 23 n. 2 et 46 n. 2. £ouss€igne, en Tardenois, non iden- Ufié : affr., p. 179 n. 6. Braisne, Aisne, arr. Soissons : p. 82. Braye, soit Braye-en-Laonnois, Aisne, ( ant. Craonne, soit Braye, Aisne, cant. Vailly : afïr., p. 179. Bray-slr -Seine, Seine-et-Marne, arr. Provins : prieur de Saint-Sau- veur, près Bray, p. 111 n. 3. Bretagne : impôts, p. 186 n. 3 et 188 n. 1. Brel'il, comm. Trosly-Breuil, Oise, cant. Attichy : affr., p. 178. Brie, p. 205, v. Brie. Brie : archidiacre, p. 167, et n. 7 ; — collecteurs ou enquêteurs des mainmortes, p. 73 n. 3, 76, 205 ; — comtesse, p. 73 et 76 ; — pré- cepteur du Temple, p. 187 n. 4. Bruges, Belgique, Flandre Occi- dentale : archidiacre, p. 99 ; — mentionné p. 82. Bruyères-sous-Laon, Aisne, cant. Laon : commune, p. 28 n. 3, 169 n. 3, 171 n. 2 ; — condition des serfs, p. 28 n. 3, .30 n. 1, 169 n. 3 ; — serfs affranchis, p. 169 n. 3 ; 171 n. 2, 198. Cachan, comm. Arcueil-Cachan, Sei- ne, cant. Villejuif : afïr., p. 67. Caen, Calvados : commissaire aux afïr. dans le bailliage, p. 107-113 ; — forfaits des monnaies dans le bailliage, p. 186, n. 1. Campante, p. 205 et 210, v. Cham- pagne. Canly, Oise, cant. Estrées-Saint- Denis : affr. p. 62 n. 2 et p. 179. Canterbury, Angleterre, Kent : abbaye Saint-Augustin, p. 202 ; archevêque, p. 204 n. 1. Carcassonne, Aude : commissaires aux afïr. dans la sénéchaussée, p. 108-113. Castelsarrasin, Tarn-et-Garonne : serfs affranchis, p. 151 n. 2. Castro Sarracent, p. 151 n. 2, v. C.\STELSARRASIN. Caiimet, dans le bailliage de Senlis, non identifié : serfs affranchis, p. 200. Caux : bailli, p. 101 n. 3. Cerny, soit Cerny-en-I^.\onnois, Aisne, cant. Craonne, soit Cerny- lez-Bucy, cant. Laon : affr., p. 179. INDEX GEOGRAPHIQUE 213? Cessières, Aisne, cant. Anizy-le- Château : affr., p. 179. Chalons, Marne : chapitre, p. 135 ; — diocèse, p. 180 n. 1 et 2 ; — évêque, p. 101 n. 2 et 135. Champ ou Champs, connu. Saiut- Sigisniond, Loiret, cant. Patay : afTr., p. 54 n. 2. Champagne, comté : collecteurs et enquêteurs des mainmortes, cha- pitre III, p. 187-8, 189 n. 4, appen- dice II § 3, p. 205, p. 210 ; — commissaire aux atïr., p. 81 n. 3 et 108-113 ; — condition des bâ- tards, p. 81 n. 1 ; — condition des serfs, p. 27 n. 2, 33 n. 1, 73, 174 ; — douaire de la reine Jeanne d'E- vreux, p. 93 n. 1 : — perception des droits serviles avant la réunion à la Couronne, p. 39 n. 1 ; — rece- veurs, p. 187 n. 4, 189 n. 3, 194 n. 2, 195 n. 1. Chaourse, Aisne, cant. Rozoy-sur- Serres : p. 82. Chartres, Eure-et-Loir : abbaye Saint-Père, p. 22, 56, 57, 1.38, 139, 140 n. 3 ; — chapitre, p. 22 n. 2, 29, 39 n. 1, ;102 n. 1, 166 ; — ■ comte, p. 22 n. 2. Chassemy, Aisne, cant. Braisne : affr., p. 179. Chateauneuf - SUR - Loire, Loiret, arr. Orléans : acte royal daté de..., p. 107 n. 2. Château -Thierry, Aisne : affr., p. 95. Chatenay, Seine, cant. Sceaux : afïr., p. 68. Chatillon-sur-Marne, Marne, arr. Reims : acte daté de..., p. 109 n. 1. Chaudun, Aisne, cant. Oulchy-le- Château : affr., p. 179. Chaumont, Haute-Marne : collec- teur des mainmortes dans le bail- liage, p. 73 et 189 : — impôts, p. 187 n. 3. Chaumont - EX -Vexin, Oise, arr. Beauvais : commune, p. 50 n. 1. Chauny, Aisne, arr. Laon : assise baillivale. p. 186; — - « subvention » dans la prévôté, p. 185 n. 2. Chavignox, Aisne, cant. Vailly : p. 82 ; — affr., p. 179. cant. Vailly t Orléans N.-EL r. Ivrv affr.. Chavonne, Aisne, alTr., p. 179. Chécy, Loiret^ cant. affr., p. 54. Chelles, Oise, cant. Attichy : afîr.j» p. 178. Chennevi ères-sur-Marne, Seine- et-Oise, cant. Boissy-Saint-Léger : affr. par Sainte-Geneviève, p. 67 ;, — par l'abbaye Saint-Maur-des- Fossés, même p. Chermizy, Aisne, cant. Craonne :. affr., p. 179. Chevilly, Seine, cant. Villejulf r affr., p. 68 ; — ■ condition des serfs, p. 23 n. 3 et p. 32. Chevrières, Oise, cant. Estrées- Saint-Denis, : affr., p. 179. Chézy-les-Pouïlly, Aisne, cant*. Crécy-sur-Serre : affr., p. 179-.. Chichée, Yonne, cant. Chablis :: affr., p. 151 n. 1. Choisy-le-Roi, Seine, cant. affr., p. 67. Clagy, Aisne, cant. Laon p. 179. Clermont-en-Beauvaisis, compte du bailliage, p. 37 n. 1. Cœuvres, Aisne, cant. Vie- sur — Aisne : affr., p. 179. Colombes, Seine, arr. Saint-Denis t; affr., p. 68. Compendii, p. 82 n. 1, v. Compiègne.. Compiègne, Oise : 'abbaye Saint- Corneille, p.. 200 ; — acte royal daté de..., p. 199 ; — assises bail- livales, p. 82 ; — condition des serfs, p. 28 n. 1 ; — serfs affranchis, p. 179 n. 8 ; p. 199 ; — prévôté, p. 82 n. 1 ; — mentionné p. 62 n. 2, CoRBEiL, Seine-et-Oise : affr., p. 6S n. 11 ; — condition p. 31 n. 2. CoRBENY, Aisne, cant. serfs affranchis, p. 198. CouDREAU [Le], comm. Bougy, Loi- ret, cant. Neuville-aux-Bois : affr., p. 55. CouLOisY, Oise, cant. Attichy : mentionné p. 82 ; — affr., p. 179 et 200. CouLOMMiERs, Seine - et - Marne :. Oise des seTfs, Craonne : 214 INDEX GEOGRAPHIQUE " subvention » levée dans la pré- vôté, p. 188 n. 3. CovRBEVOiE. Seine, arr. Saint-De- nis : affr.. p. 68. CouRLANDON, Mame, cant. Fismes : seigneur, p. 109. CouRTiEux, Oise, cant. Attichy : affr., p. 179. CouRTRAi, Belgique, Flandre Occi- dentale : bataille, p. 106, 16.5. CouRTRizY, Aisne, cant. Sissonne : affr., p. 179. CouvRON, Aisne, cant. Crécy-sur- Serre : affr., p. 179. Covecloi, appelé dans un pouillé du xvi"-" siècle Coiweclay (Fouillés de la prov. de Reims, éd. Longnon, p. 118 B), écart de la paroisse de Cuise-la- ^Nlotte, paraît avoir dis- paru : afïr., p. 178 et 199. Craoxne, Aisne, arr. Laon : affr., p. 179 n. 6. Cr.waxt. Yonne, cant. Vermenton : afîr., p. 151 n. 1. Crép Y-EX -Valois, Oise, arr. Senlis : acte royal daté de..., p. 64 n. 2 ; — affr. et commune, p. 50, 53, 58 n. 1 ; - — assises baillivales, p. 82. Créteil, Seine, cant. Saint-Maur- des-Fossés ; afïr. par X.-D. de Paris, p. 68 et n. 3 ; — par Sainte- Geneviève, p. 67. CROix-SAixT-OtEx [La], Oise, cant. Compiègne : afïr., p. 179. Crosxes, Seine-et-Oise, cant. Boissy- Saint-Léger : affr., p. 67. Croutoy, Oise, cant. Attichy : affr., p. 179, 199, 200. CuisE-LA-MoTTE, Oisc, caut. At- tichy : affr., p. 178. CiTRY, Aisne, cant. Vie-sur- Aisne : affr., p. 179. Cyverières, p. 179 n. 8, v. Che- VRIÈRES. Dreux, Eure-et-Loir : commune, p. 50. DuN-LE-Roi, aujourd'hui Dux-sur- AuRox, Cher, arr. Saint-Amand : acte abolissant la mainmorte, p. 52-55 et 60 ; — sénéchaussée, p. 55. Eperxay, Marne : double centième dans la prévôté, p. 188 n. 2. Epixay - sous - Séxart, Seine - et - Oise, cant. Boissy-Saint-Léger : affr., p. 67. EscAMPs, Yonne, cant. Coulanges- la-Vineuse : alTr., p. 155 n. 3. EsMAxs, Seine-et-.Marne, cant. IMon- tereau-faut- Yonne : condition des- serfs, p. 33 n. 2. Etampes, Seine-et-Oise : chapitre Sainte-Croix, p. 189. Evroles, non identifié : p. 82 n. 2. Faremoutiers, Seine - et - ^larne, cant. Rozoy : abbesse, p. 168 n. 7. Faucoucourt, Aisne, cant. Anizv- le-Château : affr., p. 179. Faverolles, Aisne, cant. Villers- Cotterets : serfs affranchis, p. 199. Ferté-Milox [La], Aisne, cant. Xeuilly-Saint-Front : affr., p. 54, 58, 95. Festieux, Aisne, cant. Laon : afïr., p. 179. FiLAix, Aisne, cant. Vailly : condi- tion des serfs, p. 30 n. 1. Fismes, Marne, arr. Reims : afïr., p. 179 n. 6. Flaxdre : p. 110, 164, 165. Fleury, comm. ^Meudon, Seine-et- Oise, cant. Sèvres : affr., p. 61 et p. 65 n. 2 Fleury, nom ancien de Saixt-Be- xoîr-suR-LoiRE : p. 138 n. 2. Florence, Italie : p. 151 n. 3. FoxTEXAY-Aux-RosES, Scinc, cant. Sceaux : afïr., p. 67. Fr.axce : origine du nom et jeu de mots sur lui, p. 144-47 et 207. Garenne [Saint-Denis] : affr.. p. 68 n. 4 et 149 n. 2. Gascogne : commissaires aux affr. dans la sénéchaussée, p. 108-113. Gaule : p. 145-147. Gémigny, Loiret, cant. Patay : affr., p. 54 n. 2. Gexnevilliers, Seine, cant. As- nières : afïr., p. 68. Gexy, connu. Cuissy et Geny, Aisne, cant. Craorrtie : affr., p. 179. INDEX GEOGRAPHIQUE 215 Germignonville, Eure - et - Loir, cant. Voves : révolte, p. 56 ; — afïr., p. 57 n. 2. GiLLY - LES - CiTEAUX, CÔlC - cl'Or, cant. Nuits, p. 109 n. 2. GiLLY-suR-LoiiiE, Saône- et - Loire, cant. Bourbon-Lancy : p. 109 n. 2. GisoRs, Eure, arr. les Andelys : acte royal daté de..., p. 67 n. 4 ; — nouveaux acquêts dans le bail- liage, p. 187 n. 3. GiVRY, conini. Belleau, Aisne, cant. Château-Thierry : p. 84. GouRXAY, Seine- Inférieure : acte royal daté de..., p. 67 n. 5. Granchet, environs de Paris (région sud), non identifié : afîr., p. 61 et 65 n. 2. Gratis, châtellenie de Pierrefonds, non identifié : affr., p. 179. Grigxox, comni. Orl3% Seine, cant. Ivry-sur-Seine : affr., p. 67. Gualliarum, p. 147 n. 1, v. Gaule. Hainaut : condition des serfs, p. 23 n. 2, 47 n. 2 ; — receveurs des mainmortes, p. 93 n. 1. Hautefontaine, Oise, cant. Atti- chy : afïr., p. 179. Hay [L'], Seine, cant. Villejuif : affr. par N.-D. de Paris, p. 68 ; — par Sainte-Geneviève, p. 67. Ile de Fraxce : p. 9, 12, 13, 29, 59. Issy-les-Moulixeaux, Seine, cant. Yanves : affr., p. 61 et 65 il 2. Italie : p. 138 et 151 il 3. Ivry-sur-Seixe, Seine, arr. Sceaux : afïr., p. 67. .Iaxville, Eure-et-Loir, arr. Char- tres : affr.. p. 56 n. 1, 61, 62, 65, 69 n. 1. Jaulzy, Oise, cant. Attichy : affr., p. 179. Jaux, Oise, cant. Compiègne : affr., p. 179. JoioNY, Yonne : comte, p. 136. .JouY, Aisne, cant. Yailly : commune, p. 30 n. 3. .JouY - LE - Chatel, Seine-et-Marne, cant. de Xangis : « subvention » dans la prévôté, p. 188 n. 3. JuMiGNY, Aisne, cant. Craonne : afin, p. 179. Lagxy, Seine-et-Marne, arr. Mcaux : abbaye Saint-Pierre, p. 26, n. 3 ; — « subvention » dans la prévôté, p. 188 n. 3. Lagny-le-Sec, Oise, cant. Xanteuil- le-Haudoin : précepteur du Tem- ple, p. 187 n. 4. Laxeuvillproy, Oise, cant. Saint- Just - en - Chaussée : commune, p. .50 n. 1. Laxguedoc : aftr., p. 102-106, 128, 161 ; — condition des serfs, p. 100- 101 ; — enquêteurs, p. 75 et p. 109. Laox, Aisne : abbaye Saint-Martin, p. 12 n. 1 ; — assises baillivales, p. 82 ; — bourgeois, p. 44 n. 1 ; — chapitre, p. 12 n. 1, 27 n. 3, 29 n. 1, 69 n. 1 ; — commune, p. 49 ; — diocèse, p. 185 n. 2 et 189 n. 1 ; — établissements ecclésiastiques, p. 12 n. 1 ; — évêque, p. 39 n. 1 ; — prévôté, p. 82 n. 1 ;^— séjours des commissaires aux affranchis- sements, p. 168 et 197 ; — « sub- vention » dans la prévôté, p. 185 n. 2. Laonxois : affr., p. 61-69, 166, 171 n. 1, 177-179 ; — appeaux volages, p. 99, 126, 127 et n. 3 ; — com- munes, p. 56 ; — condition des serfs, p. 30 ; — double centième dans la prévoté, p. 188 n. 2. Laudiiiiensi [terra], p. 179 n. 5, v. Laonxois. Laudùni, p. 82 n. 1, v. Laox. Laval, Aisne, cant. Anizy-le-Châ- leau : alTr., p. 179. Lel'cate, Aude, cant. Sigean : affr., p. 95 n. 3. Levigxex, Oise, cant. Betz : serfs affranchis, p. 157 n. 4. LHay, v. Hay [L]. Lhuys, Aisne, cant. Braisne : affr., p. 179 n. 6. LisiEux, Calvados : chapitre, p. 180, et 109. 216 INDEX GEOGRAPHIQUE LivRv. Seinc-ct-Oise, cant. Gonesse ; acte royal daté de.... p. 199. Londres, Angleterre : chapitre Saint-Paul, p. 202. LoNOAVESNEs. conim. Vivières, Aisne, cant. Villers-Cotterets : serfs affranchis, p. 199. LoNGCHAMP. conini. Boulogne-sur- Seine, Seine, arr. wSaint-Denis : acte royal daté de.... p. 168 n. 7. LoNGPONT, Aisne, cant. Villers- Cotterets : abbaye, acte royal daté de..., p. 200. LoNGUEVAL, Aisne, cant. Braisne : affr.. p. 179. Lyon-, Rhône : p. 146 et 166 n. 1. Lyonnais : p. 152. Lys, Nièvre, cant. Tannay : serfs affranchis, p. 136 n. 1. Maisons -SUR -Seine, sans doute Maisons - Alfort, Seine, cant. Charenton : affr., p. 68 n. .3. Mans [Le], Sarthe : diocèse, p. 187 n. 3 et 188 n. 1. Mantes-sur-Seine, Seine-et-Oise : chapitre Notre-Dame, p. 167 ; — commune, p. .30 n. 1. ]\Iarchais, Aisne, cant. Sissonne : affr., p. 179. Marcilly, comm. Faucoucourt, Aisne, cant. Anizy-le-Château : affr., p. 179. M.\keuil- EN- DÔLE, Aisne, cant. Fère-en-Tardenois : afîr., p. 179 n. 6. Margny-les-Compiègne, Oise, cant. Compiègne : affr., p. 62, 66, 179. Marival, coin. Taillefontaine, Aisne, cant. Villers-Cotterets : affr., p. 178. Marmoutier, comm. Sainte-Rade- gonde, Indre - et - Loire, cant. Tours : altbaye, p. 42 n. 1, 46 n. 2, 47 n. 1, 138.' 139. Marolium, non identifié, p. 82 n. 2. Marregni, p. 179 n. 4, v. Margny- I-ES-COMPIÈGNE. Martimont, comm. Croutoy, Oise, cant. Attichy : affr., p. 179. ALvuregny-en-Haie, Aisne, cant. Sissonne : afîr., p. 179. Meaux, Seine-et-ÂIarne : bailli, p. 187 n. 2 ; — chai)itrc. p. 22 n. 2, 39 n. 1. 46 n. 2, 99 n. 4, 167 ; — compte du bailliage, p. 188 et 195 ; — condition des serfs sur la terre de l'évêque, p. 32 n. 3 et 33 11. 3 ; — impôts dans le bail- liage, p. 188, n. 3 et 4 ; ^ — « sub- vention » dans la prévôté, p. 188 n. 3. Mercière [La], comm. La Croix - Saint-Ouen, Oise, cant. Compiè- gne: affr.. p. 179. Méreville, Seine - et - Oise, arr. Etampes : prieuré Saint-Pierre, p. 42 n. 1. Mesbrecourt, Aisne, cant. Crécy- sur-Serre : affr., p. 179. Mesly, comm. Créteil, Seine, cant. Saint -Maur- des- Fossés : affr., p. 68 n. 3. Mesnil [Le], bailliage de Vitry, non identifié : afîr., p. 95 n. 4. Meudon, Seine-et-Oise, cant. Sè- vres : affr., p. 61 et p. 65 n. 2. Meung-sur-Loire, Loiret, arr. Or- léans : atïr., p. 54 n. 2 : — cha- pitre Saint-Liphard. p. 22. ]MEuxi[Le], Oise, cant. Estrées-Saint- Denis : alïr.. p. 179. ]Meux-le-jMont, comm. Le Meux : affr., p. 179 n. 8. Moissy-Cramayel, Seine - et - Oise, cant. Brie-Comte-Robert : afir., p. 67 et p. 149 n. 2. Molinchart, Aisne, cant. Craonne : affr., p. 179. Molinetum, non identifié : acte royal daté de..., p. 168 n. 7. MoNs, comm. Athis-lNions, Seine-et- Oise, cant. Longjunieau : affr., p. 67. Mont [le] : p. 179 n. 8, v. Meux-le- INIONT. Montgobert, Aisne, cant. Villers- Cotterets, p. 82. iNIoNTiGNY, comm. Montigny-Len- grain, Aisne, cant. Vic-sur-Aisne : affr., p. 179. Mont-Notre-Dame, Aisne, cant. Braisne : afîr., p. 179 n. 6. Montp,éai-. Aude. arr. C^arcassonne t château, }). 177 n. 3. INDEX GEOGRAPHIQUE 217 MoNT-Siox, abbaye N.-D., à Jéru- salem. Palestine : p. 136 n. 2. MoRROis, forêt : p. 49. MoRTEFONTAiNE, Alsiie, caiit. Vic- sur-Aisne : affr., p. 178. Moulins, Aisne, cant. Craonne : affr., p. 179. MoussY- SUR -Aisne, Aisne, cant. Craonne : affr., p. 179. Nanterre, Seine, cant. Put eaux : afîr., p. 67. Nanteuil-le-Haudoin, Oise, arr. Senlis : prieuré Notre-Dame, p. 155 n. 3. Navarre, royaume : receveur, p. 188 n. 1. Neuville, Aisne, cant. Craonne : afîr., p. 179. Neuville- aux -Bois, Loiret, arr. Orléans : afîr., p. 54 et .56. Nevers, Nièvre : comte, p. 149 n. 1 : — diocèse, p. 136 n. 1 ; — évêque, p. 155 n. 3. Kibellam in Logio, p. 186. v. Xi- belle. Nibelle, Loiret, cant. Beaune-la- Rolande : acte roval daté de..., p. 186. Normandie : commissaire aux affr. et servage, p. 73, 107, 108, 128, 161. Novam Villam, probablement aux environs de Compiègne, non iden- tifié : p. 179. Nova Villa, p. 65 n. 1, v. Ville- neuve-le-Roi. NoYON, Oise, arr. Compiègne : cha- pitre, p. 185 : — diocèse, p. 185 n. 2. Olivet, Loiret, cant. Orléans S. : v. Saint-Martin-sur-Loiret. Omeux, p. 179 n. 8 : v. le Meux. Orbais, Marne, cant. IMontmort : abbaye Saint-Pierre, p. 168 n. 7. Orléanais : p. 55, 56, 60, 111 n. 3. Orléans, Loiret : abbaye N.-D. de Bonne-Nouvelle, p. 32 n. 1 ; — afîr. et mouvement communal p. 40 n. 1, 50-52, 54-56, 60, 95, 103 n. 1, 173 ; — chapitre Saint - Ai- gnan, p. 22 et 177 n. 3 ; — cha- pitre Sainte-Croix, p. 22, 47 n. 1, 69 n. 1 ; — diocèse, p. 55-56 ; — l)résidial, p. 138 n. 12 ; — pré- vôté, p. 54 ; — prieuré Saint- Samson, p. 136. n. 2 ; — - L'niver- sité, p. 138 n. 12. Orly, Seine, cant. Ivry-sur-Seine : afîr., par le roi, p. 61 et 65 n. 2; — par N.-D. de Paris, p. 68 ; — ■ condition des serfs, p. 30 et 41. Orvieto, Italie, prov. Viterbe : bulle datée de..., p. 26 n. 3. Ostel, Aisne, cant. Vailly : afîr.. p. 179. Paissy, Aisne, cant. Craonne : afîr., p. 179. Palenne, comm. Pierrcfonds, Oise, cant. Attichy : afîr. p. 179. Palestine : p. 145. Paray. Seine-et-Oise, cant. Long- jumeau : afîr. p. 61, 65 n. 2 et 70. Parfondru. Aisne, cant. Laon : affr., p. 179. Pargnan, Aisne, cant. Craonne : affr., p. 179. Paris : abbaye Sainte-Geneviève, p. 22 n. 2, 35 n. 1, 59. 60 n. 1. 67, 72 n. 4, 111 n. 3 ; — abbaye Saint- Germain-des-Prés, p. 33 n. 2, 4ft n. 2, 67, 111 n. 3, 150, 152: — abbaye Saint-Victor, p. 111 n. 3 : — actes datés de..., p. 151 n. 2 et 198 ; — actes royaux datés de..., p. 67 n. 6 et 10, 68 n. 11, 87 n. 4, 95 n. 4, 107 n. 1, 109 n. 1, 114, 168 n. 7, 198, 199, 200, 205, 206, 207, 209, 210 ; — bourgeois, p. 58 : — chapitre N.-D., p. 23 n. 3, 31 n. 2, 32. 41, 57, 59. 64 n. 2, 68, 132, 150, 166, 167 et n. 7 ; ■ — chapitre Saint-Germain-lAuxerrois, p. 166 et 209 : — collecteur des mainmor- tes dans la prévôté, p. 72 ; — compte de la prévôté, p. 37 n. 1 et 65 n. 1 ; — condition des bâ- tards, p. 79 n. 3 ; — entrée royale, p. 48 ; — environs, p. 32, 64, 69, 72 n. 4 ; — évêque, p. 26 n. 2, 60 n. 1, 67, 111 n. 3, 149 n. 2 ; — gens des comptes, p. 95 n- 4 ; — gouvernement royal, p. 102 ; — Louvre, p. 199 ; — officialité, p. 15,. '218 INDEX GEOGRAPHIQUE 141, 155 ; — prévôté, p. 61 et 142 n. 1 ; — prieuré Saint-.MartinTcles- Champs, p. 72 n. 4 ; — serfs affranchis, p. 68 n. 1 ; — Temple, p. 194 ; — vicomte, p. 188 n. 4 : — mentionné p. 82, 87 n. 4, 80. 95 n. 4, 102. 126. 127. 128. 168, 178, 182 n. 2, 190. 194. Parisis : p. 61. 64-66, 68. Parisius, p. 206, 209, 210, v. Paris. Pays de Galles : p. 49. Périgord : sénéchal, p. 101 n. 3. Pernant, Aisne, cant. Vic-sur- Aisne : afïr., p. 179. PÉRONNE, Somme : acte royal daté de..., p. 186. Pertois, Vermandois, non identifié : serfs affranchis, p. 198. Petrafons, Petrefontis, p. 82 n. 1, 177 n. 4, 179 n. 4 : v. Pierre- fonds. PiERREFONDS, Oisc, cant. Attichy : afïr. de la châtellcnie, p. 61, 62- 70, 104, 105 n. 2, 166, 177-181 : — afïr. de la ville, p. 53, 58, 62, 95 ; — assises baillivales, p. 82 ; — prieuré Saint-Sulpice, p. 199 ; ■ — seigneurs, p. 53 n. 5. Plessis [Le], localité voisine de Bé- thisy, non identifiée : serf affran- chi, p. 154 n. 2. PoissY, Seine-et-Oise, arr. Versailles: commune, p. 50 n. 1. Poitiers, Vienne : comte, p. 151 et 160. Poxtoise, Seine-el-Oise : commune, p. 50 n. 1. PouRRAiN, Yonne, cant. Toucy : afïr., p. 155 n. 3. Provins, Seine-et-Marne ; bailli, p. 187 n. 2 ; — bourgeois, p. 195 n. 1 ; — collecteur des mainmortes dans le bailliage, p. 73 et 189 ; — mentionné, p. 82. Puchieres, probablement aux envi- rons de Compiègne, non identifié : affr., p. 179. PuiSEUX, Aisne, cant. Villers-Cot- terets : affr., p. 179. PuTEAUx, Seine, arr. Saint-Denis : afïr., p. 68. QuiNCY - sous - SÉNARï, Seine - et - Oise, cant. Boissy-Saint-Léger : alîr., p. 67. Rebais, Seine-et-Marne, arr. Cou- lommiers : abbaye Saint-Pierre, p 155 n. 3. Rebréchien, Loiret, cant. Neuville: atïr., p. 54. Reims, ^larne : chapitre, p. 167 et 186 n. 2 ; — diocèse, p.- 185 n. 2, 186 n. 2, 189 n. 1. Remiih p. 179 n. 4. v. Remy. Remy, Oise, cant. Estrées-Saint- Denis : affr., p. 62, 66, 179." Retheuil, Aisne, cant. Villers-Cot- terets : affr., p. 179. Retuil, p. 179 n. 1, v. Retheiil. Rennes, châtellenie de Pierrefonds, non identifié : afïr., p. 179. Rie, forêt dans le département de l'Aisne, p. 95 n. 2. RivEcouRT, Oise. cant. Estrées- Saint-Denis : afïr., p. 179. Roi, p. 179, peut-être Roilaye. RoiLAYE, comm. Saint-Etienne, Oise, cant. Attichy : ï.ffr., p. 179 (cf. Roi et Roium). Roium, p. 179 n. 2, peut-être Roi- laye. Romain, Marne, cant. Fismes : p. 87 n. 4. Rome, ItaUe : p. 160 n. 2. RoNCHÈREs, Aisne, cant. Fère-en- Tardenois : affr., p. 179 n. 6. RosNY-sous-Bois, Seine, cant. Noi- sy-le-Sec : afïr., p. 67 ; — serfs, p. 35 n. 1. Rouen, Seine-Inférieure : chapitre, p. 167 ; — diocèse, p. 186 n. 2 ; — maire, p. 107 n. 2 : — vicomte, p. 107 n. 2. Rouergue : commissaires aux affr. dans la sénéchaussée, p. 108-113. Rounmj, non identifié : afïr., p. 95 n. 3. RoY.\UMONT, comm. Asnières-sur- Oise, Seine-et-Oise, cant. Luzar- ches : actes royaux datés de..., p. 64 n. 3 et 68 n. 11. Roye-Saint-Xicolas, comm. Taille- fontaine, Aisne, cant. Villers- Cotterets : affr., p. 179. INDEX GEOGRAPHIQUE 219 RuNGis, Seine, cant. Villejuif : nfïr., p. 67. Saint-Benoît -SUR- Loihe, Loiret, cant. Ouzouer : abbaye, p. i;î § 1. Sources manuscrilcs 1,") § 2. Sources imprimées et Liltcrature Ki § 3. Chronologie ; identification des noms de lieux 20 Livre premier. — De Louis VI à Saint Louis Chapitre premier. — Les droits serviles et leur percep- tion 21 § 1. Le servage et les droits serviles 21 § 2. La perception des droits serviles. . 34 Chapitre II. — Les affranchissements royaux jusqu'à la MORT DE Saint Louis 4(h § 1. Les sources 40 § 2. Les affrcmchissemeiUs avant Saint Louis 4ô § 3. Les affranchissenients sous Saint Louis GO Livre second. — Collecteurs des mainmortes et commissaires aux affranchissements (1270-1328). Chapitre III. — Les collecteurs des mainmortes et for- mariages 71 § 1. Origine et fonctions des collecteurs 71 § .2. 'La gestion des collecteurs et ses résultats 83 Chapitre IV. — Les affranchissements sous Philippe le Bel . 94 § 1. Les sources ; les nouvelles méthodes 01 ^ 2. La mission de Biche et Mouche en Vermandois !»,s § 3. L'affranchissement du Toulousain (1299) 101 § 4. La ccunpagne d'affranchissement de 1302 106 Chapitre V. — Les affranchissements sous Louis X et Philippe V : critique des sources 111 § 1. Les lettres de comniission 114 § 2. Les comptes 120 § 3. Les lettres de nmnumission et l'enquête sur les aliéna- tions du domaine 123 § 4. Conclusions 130 i24 TABLS DES M VTIÈRES Chapitre VI. — Les affranchissements sous Louis X et Philippe V : le préambule de 1315-1318 132 § 1. Le texte 132 § 2. Des préambules d'actes d' affranchissement en général. 133 § 3. Les idées du préambule de 1315-1318 142 § 4. Le préambule de 1315-1318 a-t-il eu des modèles ?. . . . 152 § 5. Sur quelques mots embarrasscints du préambule de 1315-1318 158 Chapitre VIT. — Les affranchissements sous Louis X et Philippe V : les faits 1 63 Conclusions 173 Appendice L — Les affranchissements octroyés par Saint Louis dans la chatellenie de Pierrefonds et le Laon- NOis 177 § 1. Du rôle de Blanche de Castille dcms l'affranchissement de la chatellenie de Pierrefonds 177 § 2. Liste des loccdités affranchies (pays de Pierrefonds et Laonnois) 178 § 3. Les fortunes servîtes d'après l'affranchissement de la chatellenie de Pierrefonds. . . 180 Appendice II. — Recherches sur les collecteurs des main- mortes ET formariages 182 § 1. Les comptes des collecteurs des mainmortes et for- mariages 182 § 2. Liste des collecteurs des mainmortes et formariages (jus- qu'à l'ca^ènement de Philippe de Vcdois) 184 § 3. La comptabilité des collecteurs des mainmortes et for- mariages 189 Appendice III. — • Les affranchissements octroyés par les commissaires de Louis X et Philippe V 197 Appendice IV. — Le pape Alexandre III et l'abolition du SERVAGE 201 Pièces justificatives 205 Index géographique 211 AiiiiEvii-LE. — iMi'itiMF.im; r. l'Mi.Lvnr En vente à la même Librairie Ancienne EDOUARD CHAMhr .'), (Jaai Mainqnnh, 3,. PARIS fVl'J Annales de 1 histoire de France à l'époque carolingienne. Le Règne de Charles le Cîiauvc (S'io -f*?;). i" (.S'(o-8r>i). par F. Loi vt 1,. Halphen. In-8. lu fr. 76 — Les Succes-^etirs de Charles le Chauve : Louis II le Bègue, Louis III et Carlornan, Charles le Gros (877-88.S). (En prrparation.) — Eudes, comte de Paris et roi de France 882-898), par E. Favre. iSyS, in 8. 12 Ir. — Charles le Simple (8ij8 yaS), par A. Eckel. 1899, in 8. 7 fr. 5(> — Robert 1" et Raoul de Bourgogne, rois de France (933-986), par Pii. Lauer. In-H. (i fr. — Le Règne de Louis IV d"Oulrc-Mer (93O-954), par Ph. Lauer. 1900, in-8. 18 fr. — Les derniers Carolinsicns : Lolhairc, Louis V, Charles de Lorraine (95^-991)' P**!" F. Lot." 1891, in-8. ^ 19 l'r- ^^« — Le Royaume de Provence sous les Carolingiens (855-933?), par R. Poupardin. 1901, in-8. ' 32 fr. 5o — Le Royaume de Bourgogne (888-io38). Études sur les origines du royaume d'Arles, par R. Poui>ardin. 1907, in 8. 37 fr. Delisle (L.). ndmiitistraleiir honoraire de la Dibliolhèque Nationale, membre de l'InsUluL. Études sur la condition de la classe agricole et l'état de l'agriculture en Nor- mandie au moyen-âge 1903, in-8. 3o fr. Halphen (L.). Études sur l'Administration de Rome au moyen-âge (751-1252). 1907, in-S. 3 fr. y,'» — Étude sur les chroniques des comtes d'Anjou et des seigneurs d'Amboisc, 1906, in-8. 3 fr. -5 Lesort (A.). Les Chartes du Clermontois conservées au musée Condé, à Chantilly (10O9-1352), publ. et annot. In-8. 7 fr. i» Lespinasse (R. de). Le Nivernais et les Comtes de Nevers. T. I. Le Nivernais gaulois, romain, barbare. Rois, Comtes régionaux, Maison de Nevers fin du xii° siècle. 1908, in-8. 12 fr. — T. II. Maisons de Donzy, de Bourbon, de Flandre (i20o-i38i). 1910, in-8. 12 fr. — T. III. Maison de Bourgogne (1381-1/191). 1912, in-8 18 fr. Lot (F.), professeur à VÉcole des Hautes-Études. Fidèles ou vassaux ? Essai sur la nature juridique du lien qui unissait les grands vassaux à la royauté depuis le milieu dxj iv" jusqu'à la fin du xii* siècle. 1904, in-8. 10 fr. 5o — Mélanges d'histoire bretonne (vi*-ix° siècles). 1907. in-8. 33 fr. 5o Le Moyen Age. Recueil paraissant tous les deux mois, dirigé par MM. A. Marignan, M. Prou, Vidier et Wilmotte ; secrétaire, Deschamps. 2* série, t. XXII (t. XXXI de la collection). Abonnement annuel. Paris. 30 fr. — Départements et Union postale. 22 fr. — Collection complète. 600 fr. Petit-Dctaillis (C). Étude sur la vie et le régne de Louis VIII (1 187-1236). 1894, gr. in-8. ,' 2/1 fr. Pfister (C). Études sur le régne de Robert le Pieuy (996-1031). i885, gr. in-8. 32 fr. 5o '^tï^lyptique de l'abbaye de Saint-Remi de Reims ou dénombrement des manses, des '-" berfs et des revenus de cette abbaye, vers le milieu du ix° siècle de noire ère, éd. par 15. (juérard, in-i'i. ' i5 fr. Rey.nald-(L.j, Maître de Conférences à l'Université de Poitiers. Les origines de l'influence française en Allemagne. — Étude sur l'histoire comparée de la (Civilisation ou France et en Allemagne pendant la période précomtoise (960-1 i5o). Tome 1". L'Offensive politique et sociale de la France. 1913, in-8. ra fr. Société de l'Histoire de Paris. Cotisations. i5 fr. 20 Société des Anciens Textes. Cotisations. 25 fr. MUiRMI-LR. IMPRIMKIUK I'. l'AILLABT